« Doel 3 n’est pas une fabrique de limonade qu’on peut simplement prolonger » : De Croo en a marre de la surenchère, et estime que « des mesures ont déjà été prises avec Doel 4 et Tihange 3 »

Il s’agit de sa plus courte visite à l’Assemblée générale des Nations unies, « alors qu’en même temps, c’est peut-être la période la plus cruciale pour les relations internationales », a déclaré le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), à New York. Le Premier ministre veut se préoccuper « plus que jamais des problèmes des Belges, qui doivent payer leurs factures ». Depuis New York, il a réagi à la discussion autour de Doel 3, la centrale nucléaire qui cessera de fonctionner ce vendredi, et qui a suscité beaucoup d’émoi au sein de la Vivaldi. « Je comprends que certains veulent en faire une guerre de symboles, mais la discussion sur la sécurité de l’approvisionnement est un peu plus complexe qu’un seul réacteur. Et Doel 3 n’est pas une fabrique de limonade qui peut simplement fonctionner une semaine de plus », affirme-t-il. Il souligne qu’avec la décision de maintenir Doel 4 et Tihange 3 ouverts plus longtemps, « des mesures ont déjà été prises de manière relativement rapide », et il n’a aucune envie de se lancer dans une guerre d’enchères chaque semaine. Des discussions intensives sont en cours avec Engie : « Ce sont des discussions à plus long terme, et on ne les mène pas dans la presse ».

Dans l’actualité : Un cortège très animé de ministres belges à l’ONU. Le Premier ministre De Croo prendra la parole demain, et il a vu le Secrétaire général Antonio Guterres hier.

Les détails : l’Ukraine est partout dans les débats. Mais le premier ministre prend soin de noter que la Belgique n’est jamais très loin dans les couloirs de l’ONU.

  • À trois reprises au moins, Alexander De Croo a répété « qu’il n’est ici que pour une très courte période cette année » et qu’il s’agit « de la visite la plus courte mais la plus importante jamais effectuée ». Comme on le sait, le Premier ministre est sensible à la critique selon laquelle il « a trop la tête à l’étranger », ce qu’il ne veut absolument plus entendre. L’accent est mis sur « l’intérieur », à tel point que le Premier ministre a même annoncé, cet été, son intention de diriger une autre coalition Vivaldi après 2024, si c’est possible.
  • Nous n’en sommes clairement pas là. En même temps, le constat est que De Croo est devenu un visage internationalement connu, sur les rives de l’East River à New York, où se trouvent les bureaux des Nations unies : pendant des années, en tant que ministre du Développement, puis comme vice-premier ministre et enfin comme Premier ministre, il est venu serrer beaucoup de mains à l’Assemblée générale des Nations unies.
  • Antonio Guterres, le grand patron de l’ONU, le salue comme un vieil ami, déclarant que « les relations entre l’ONU et la Belgique n’ont jamais été aussi bonnes ». Et il faut le dire : après le Covid, période où il n’y avait pas d’Assemblée générale, le gouvernement fédéral est arrivé en force. Outre le premier ministre, le vice-premier ministre Vincent Van Quickenborne (Open Vld), la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib (MR), et la ministre de la Coopération au développement, Meryame Kitir (Vooruit) sont également présents à la table. Même Elio Di Rupo (PS), à New York pour une semaine entière, est venu avec sa chaise : il y a des pays qui viennent avec une délégation moins importante.
  • Mais lors du point de presse, dans le Rose Garden de l’ONU, De Croo prend le soin de préciser combien il est préoccupé par la crise énergétique chez lui, et les « factures de la population », avant de parler de politique internationale. Il sera de retour à Bruxelles dès dimanche, puis se mettra directement au travail pour les discussions budgétaires, avec des contacts bilatéraux entre les partenaires de la coalition : après tout, le deuxième mardi d’octobre est celui du discours de rentrée en Belgique, le moment où les plans financiers du gouvernement fédéral, cette fois pour 2023 et 2024, seront présentés.
  • À propos de cette crise énergétique, le Premier ministre ne veut surtout pas se lancer dans une surenchère chaque semaine : il n’a pas vraiment apprécié l’agitation autour de Doel 3, qui cessera de fonctionner vendredi. Ce n’est pas un hasard si la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), s’est fait gronder en interne : elle a soudainement fait appel à l’AFCN, de sa propre initiative, pour s’exprimer sur les éventuels travaux de démolition de Doel 3, qui commenceraient immédiatement après l’arrêt du réacteur.
  • Ces travaux, qui impliqueraient un lavage chimique de la cuve du réacteur et causeraient ainsi des dommages irréversibles à la centrale nucléaire, ont mis le feu aux poudres au sein de la coalition : tant le MR que le cd&v ont soudainement insisté pour « geler » la situation, afin de « garder toutes les options ouvertes », et donc de pouvoir redéployer Doel 3 un jour. Depuis l’opposition, la N-VA est passée à la vitesse supérieure : demain, il y aura une manifestation à Doel, pour le maintien de la centrale, où se rendra Theo Francken (N-VA).
  • Entre-temps, Verlinden a été quelque peu réprimandée au sein du gouvernement, d’autant plus qu’il s’est avéré que son interprétation de l’avis de l’AFCN sur Doel 3 était finalement très unilatérale. L’organisme de surveillance a parlé de « mauvaise gestion » en ce qui concerne l’éventuelle prolongation de la centrale. D’ailleurs, des nouvelles plutôt rassurantes sont du directeur de Doel 3 : le rinçage chimique de la cuve du réacteur ne signifierait pas que le rideau tomberait irrévocablement. Une prolongation n’est « ni sage, ni souhaitable », selon Peter Moens, mais il n’y aurait rien d’irréversible « pendant une période de 5 ans ».
  • À New York, le Premier ministre est très irrité par toute cette agitation. « Je comprends que certains aiment se livrer à une bataille symbolique autour de cette question, et agiter les choses de manière un peu artificielle. Mais Doel 3 n’est pas une fabrique de limonade qui peut simplement fonctionner une semaine de plus. Le débat sur la sécurité de l’approvisionnement est un peu plus sérieux que cela. » Sur ce, il confirme qu’il a eu les entretiens nécessaires avec l’opérateur Engie, « mais si vous voulez faire cela correctement, vous n’allez pas le répéter dans la presse ». Ainsi, les querelles autour de Doel 3 semblent être terminées, un jour avant l’arrêt prévu du réacteur.
  • Quant à la discussion sur le fond, à savoir s’il restera plus de deux réacteurs nucléaires en Belgique, le Premier ministre semble s’abstenir. Le MR et le cd&v insistent fortement sur ce point, tout comme l’opposition. Son propre parti y est également favorable, de façon moins bruyante. Mais De Croo souligne « qu’en maintenant Doel 4 et Tihange 3 ouverts, nous avons déjà fait de grands pas, de manière relativement rapide ». « Nous devons maintenant négocier davantage ce dossier avec Engie, mais encore une fois : je ne veux pas le faire dans la presse. »
  • Il a fait référence à l’Allemagne, entre autres, « où ils sont beaucoup moins clairs sur ce qu’ils veulent faire avec les centrales nucléaires restantes ». « Nous avons dénoué le nœud pour Doel 4 et Tihange 3. Cela fait partie d’une discussion plus large, européenne, dans laquelle les pays voisins comptent également ». Tout cela semble indiquer qu’il n’a pas beaucoup d’appétit pour aller au-delà des deux derniers réacteurs.
  • Les écologistes ont en tout cas déjà tracé publiquement une ligne rouge : le maintien de plus de deux réacteurs nucléaires en Belgique est non négociable pour Ecolo et Groen.

L’essentiel : selon De Croo, nous n’avons qu’un seul véritable levier contre la Russie : « Faire en sorte que l’Ukraine gagne la guerre ».

  • Mais en même temps, il ne veut pas que cela soit le seul objectif, à l’ONU. Le fait que le Premier ministre belge ait toujours été un multilatéraliste n’est un secret pour personne : toutes les orientations politiques internationales de la Vivaldi s’accompagnent du mantra de la « coopération » et de la foi dans la diplomatie. Montrer les muscles ou faire du « tourisme de guerre », ce n’est pas le genre de De Croo : une visite à Kiev n’est donc pas prévue. « Je vais y aller si cela a une valeur ajoutée, si cela peut signifier quelque chose de concret ».
  • D’où le message diplomatique quelque peu double de la Belgique à l’ONU, au moment même où la Russie poursuit l’escalade du conflit en déclarant une mobilisation partielle.
  • Car d’un côté, le Premier ministre affirme que « ce que nous vivons n’a jamais été vu auparavant ». « Même pendant la guerre froide, nous n’avons jamais reçu une menace aussi forte et brutale concernant l’utilisation d’armes nucléaires. Bien que cette intimidation ne change pas notre position. »
  • Dans le même temps, il assure également que « l’UE est très occupée par cette guerre en Europe ». « Nous devons faire attention à ne pas être obsédés uniquement par l’Ukraine. Ce serait mauvais. » Ajoutant, par conséquent, le message « que l’ONU devrait être autorisée à poursuivre son agenda ».
  • Le fait que la Chine appelle pour la première fois à un cessez-le-feu n’impressionne pas immédiatement De Croo : « Qu’ils montrent que leur relation spéciale avec la Russie puisse aboutir à quelque chose. Il n’y a qu’un seul pays qui peut décider de mettre fin à ce conflit, et c’est la Russie. Mais nous comprenons les Ukrainiens s’ils exigent et continuent d’exiger leur intégrité territoriale », a-t-il déclaré.
  • Ce faisant, il fait écho à ce qu’Emmanuel Macron a déclaré précédemment : aucun pays ne peut rester neutre dans ce conflit. « Cela touche si fondamentalement aux règles de l’ordre international. Et dans ce domaine, nous n’avons qu’un seul véritable levier : faire en sorte que l’Ukraine gagne la guerre », résume De Croo. Ce faisant, il réitère le « soutien de plus de 110 millions d’euros déjà accordé par la Belgique », « en choisissant nos niches ».
  • Pourtant, De Croo admet que dans le monde « il y a un problème avec notre récit, nous ne gagnerons pas cette bataille de la perception au niveau mondial ». « Les gens croient dans une grande partie du monde qu’il y a de l’instabilité à cause des sanctions européennes. C’est ce qui fait tourner les choses. Personne n’a menacé la Russie. Mais ces efforts doivent être diplomatiques, pour convaincre les autres interlocuteurs », a-t-il déclaré.
  • Zelensky lui-même a déjà fait tout ce qu’il a pu pour renverser un peu le récit anti-occidental, dans un long message vidéo adressé à l’ONU, qui a été ovationné par la suite, certainement par les pays de l’UE, y compris par De Croo lui-même, qui écoutait dans la salle.
  • À New York, il a également semblé simultanément plus optimiste sur la question de l’énergie qu’il y a quelques semaines. « Il nous faudrait des années pour nous passer du gaz russe, cela semble maintenant être des mois ». Mais dans le même temps, il souligne « qu’il y a un énorme drainage de richesses, chaque jour, de l’Europe vers la Russie », en raison de « notre dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes ». « Cela doit rester la priorité numéro un : s’éloigner de ça ».
  • Le fait que la Belgique souhaite simultanément parler d’autres choses que de la seule Ukraine est mis en pratique par De Croo, qui a discuté longuement avec Guterres de la situation au Congo et dans les Grands Lacs, de la « spécialisation » de la diplomatie belge. « Nous devrions oser y parler de la mission de l’ONU, la Monusco, l’opération militaire la plus longue et la plus coûteuse de l’ONU. Mais cette mission n’a plus assez d’effet, les rebelles et les gangs sont mieux armés que les casques bleus de l’ONU sur place, qui ne peuvent pas intervenir. La Monusco doit être remplacée », a-t-il fait valoir. Cela n’inclut pas la demande de soutien militaire de la Belgique, a ajouté le Premier ministre.

Chez nous : la Banque nationale n’est pas au top de sa forme, loin de là.

  • Un coup sans précédent sur le marché boursier pour les actions de la Banque nationale de Belgique, qui ont également été brièvement suspendues dans un premier temps. Après avoir chuté de 6,4 % mardi, elles ont perdu 27,5 % de plus hier.
  • Une nouvelle plus qu’ennuyeuse pour le principal propriétaire de cette banque, avec 50 %, l’État belge. Mais pire encore : les raisons sous-jacentes. La Banque nationale enregistre une perte pour la première fois en 70 ans, et craint surtout pour l’avenir.
  • Dans une communication, la Banque nationale a fait une série de sombres prévisions : la banque craint pour la rentabilité dans les années à venir, et surtout, elle dit ne pas pouvoir garantir si les réserves seront suffisantes pour couvrir les risques à venir.
  • Tout cela est une mauvaise nouvelle pour le gouvernement fédéral, qui pouvait compter sur de généreux dividendes provenant des bénéfices de la Banque nationale (335 millions l’année dernière, bien plus de 500 millions les années précédentes). Mais les années fastes sont terminées : comme la BCE augmente les taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation, la Banque nationale doit commencer à payer beaucoup plus d’intérêts aux banques qui placent leur argent chez elle. Et tout porte à croire que ces taux d’intérêt vont encore s’accroître.
  • Les notes de bas de page de la communication de la Banque nationale indiquent qu’elle estime le risque pour elle-même à « au moins 5,8 milliards d’euros ». Mais en même temps, il n’y a qu’une réserve disponible de 4,76 milliards, complétée par 2,65 milliards de fonds de réserve. Pas rassurant tout ça.
  • Du côté de l’opposition, les députés de la N-VA souhaitent des audiences rapides avec la Banque nationale, mais Pierre Wunsch, le président de la BNB, d’obédience libérale, refuse. « Imprudent. Parce que c’est en communiquant rapidement, clairement, avec compétence et transparence que l’on répond le mieux aux périodes d’incertitude. Une audience parlementaire ne fera que renforcer la spéculation », affirme-t-il.
  • Les dividendes qui manqueront ainsi à la Vivaldi dans les années à venir sont autant de mauvaises nouvelles pour les finances publiques, qui risquent elles-mêmes de crouler sous la charge des intérêts qui montent en flèche. La Belgique a proportionnellement plus de dette souveraine en circulation que presque tous les pays de la zone euro.
  • Le Premier ministre De Croo entamera donc un nouveau cycle budgétaire dimanche, mais dès demain, le comité de monitoring actualisera les chiffres pour les finances de 2023 et 2024. Le Bureau du Plan a parlé il y a quelques semaines d’un futur déficit de 31,5 milliards d’euros. Attendons de voir si le comité monitoring fera une prévision encore pire : en tout état de cause, le Bureau de plan a également retenu une hypothèse de croissance économique pour 2023, mais de 0,5 % seulement. La question est de savoir si cela est encore possible.
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