Groen pose son veto : « Garder plus de deux centrales nucléaires n’est pas une option », mais le MR est tout aussi tranchant sur Doel 3 : « Nous n’allons pas démanteler quoi que ce soit, les Verts devront l’accepter »

La Vivaldi se dirige vers un affrontement inévitable autour des cinq réacteurs nucléaires restants. Vendredi, sans intervention du gouvernement, Doel 3 fermera irrémédiablement : l’opérateur Engie ne bougera pas et maintiendra son planning. L’avis de l’AFCN, l’organisme de surveillance de la sécurité nucléaire, demandé par la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden (CD&V), s’est enlisé : la vice-première ministre verte Petra De Sutter (Groen) lui reproche d’ailleurs de « ne pas avoir agi au nom du gouvernement ». Mais l’organisme de surveillance et la ministre de l’Intérieur sont pourtant d’accord sur l’essentiel : il appartient aux responsables politiques de décider du sort des cinq centrales nucléaires restantes, outre Doel 4 et Tihange 3. Groen est enfin clair sur le sujet. La coprésidente du parti, Nadia Naji, y oppose son veto : « Ce serait très cher et n’aurait aucun impact sur le prix de l’énergie ». Au MR, on ne veut rien entendre : « Nous n’allons rien fermer, et les Verts devront l’accepter ». D’autres sources gouvernementales soulignent discrètement qu’au sein du kern, il a effectivement été convenu de ne rien faire d’irréversible.

Dans l’actualité : « Non, notre vision est claire, nous voulons une énergie renouvelable à 100 % », la coprésidente Naji a affiné la ligne du parti dans De Zondag.

Les détails : les Verts, sous la pression des mauvais sondages, cherchent obstinément leur propre profil. Cela inclut une ligne plus accentuée contre l’énergie nucléaire. Même si 64 % des Belges sont favorables au maintien des centrales nucléaires et que les électeurs écologistes sont divisés.

  • « Avez-vous vu de ma part un dossier, techniquement compliqué, qui n’ait pas été résolu ? ». Sourire en coin, Van der Straeten a surpris la rue de la Loi devant les caméras de VTM et de la VRT, vendredi, au début du conseil des ministres. « Peut-être qu’on peut aussi lui remettre le dossier des Tueurs du Brabant ? « , plaisantait-on, au sein de la rue de la Loi, devant l’agitation de la part d’une ministre qui a parfois été violemment critiquée ces dernières semaines.
  • Dans la foulée, elle a été accusée d’avoir communiqué de manière trop volontariste sur un dossier techniquement compliqué : la réunion européenne des ministres de l’Énergie avait décidé d’un plafonnement commun des prix du gaz… du moins si l’on en croyait son tweet triomphant et son passage dans les studios de télévision après coup. Une nouvelle qui a été immédiatement applaudie par Groen et l’Open Vld : ce sont leurs figures de proue, Van der Straeten et le Premier ministre Alexander De Croo (Open Vld), qui avaient porté le dossier à l’échelle européenne et obtenu gain de cause, pouvait-on lire.
  • Dans les jours qui ont suivi, le dossier s’est révélé beaucoup moins évident sur le plan technique et diplomatique, et aucun plafond n’a été annoncé dans le discours de la Commission européenne mercredi dernier. Le vice-président de l’Open Vld, Jasper Pillen, s’est rapidement excusé pour une « communication trop triomphante », « mieux vaut être honnête que de s’entêter », a-t-on entendu au siège de l’Open Vld.
  • Mais pas du côté de Groen, où Van der Straeten a réitéré ses mérites de « technocrate » deux jours plus tard, vendredi matin, avant le kern. Et la présidente du parti, Nadia Naji, a également réitéré ce week-end la détermination des Verts dans ce dossier, ignorant complètement à peu près tous les commentaires des diplomates européens, et l’interprétation, entre autres, de la position allemande sur ce plafond de gaz.
  • « Tinne a réussi à convaincre ses collègues européens qu’il fallait plafonner les prix. Cette question est actuellement examinée par des experts. Nous allons continuer à aller dans ce sens », a insisté Naji.
  • Cette communication s’inscrit dans une ligne plus affirmée que Groen veut adopter avec le nouveau duo de coprésidents. Jeremie Vaneeckhout et Naji ont tous deux critiqué le gouvernement flamand à plusieurs reprises ce week-end. Ce faisant, la ministre flamande de l’Énergie Zuhal Demir (N-VA) en a fait les frais :
    • « Oui, on peut se passer de l’énergie nucléaire, mais alors, il faut faire de la politique. Mais que fait Demir ? Rien. Et qui paie pour la procrastination ? Les gens. »
    • « Que fait-elle réellement ? Bloquer la politique énergétique et, surtout, s’opposer à la Vivaldi. Elle ne consultera même pas », a fait valoir l’écologiste.
  • Ce dernier point était certainement un peu embarrassant en termes de timing, car pas plus tard que la semaine dernière, Demir a conclu un accord avec quatre ministres Verts de l’Énergie et du climat de Bruxelles, de Wallonie et du niveau fédéral sur la répartition de l’argent européen.
  • Demir ne serait pas Demir si elle n’avait pas répliqué immédiatement : « Le nouveau vent chez Groen est à peu près le même que l’ancien. Masquer les mensonges et l’incompétence de votre propre ministre en mentant sur les autres. Cette méthode ne fonctionne pas, les gens s’en rendent compte. Avant même de vous en rendre compte, vous déclarez que les centrales nucléaires sont restées ouvertes à l’initiative des Verts. »

Bien noté : Groen durcit sa position sur l’énergie nucléaire.

  • Plus important que les escarmouches entre Van der Straeten et Demir, reste le dossier de l’approvisionnement énergétique, à court mais aussi à moyen terme. Vendredi encore, Demir a coupé les velléités des Verts pour la construction de deux centrales électriques à gaz afin d’amortir la fermeture du parc nucléaire. Comme prévu, Engie à Vilvoorde n’a pas reçu de licence, alors que la centrale à gaz de l’industriel Luc Tack à Tessenderlo en a reçu une. Demir a utilisé le dossier pour souligner une fois de plus « que la Vivaldi et Van der Straeten préfèrent investir dans le gaz fossile plutôt que dans l’énergie nucléaire propre ».
  • Avec la perte de Vilvorde, il n’y a pas péril en la demeure, a assuré Van der Straeten : c’était prévu. Mais cela ne clôt en aucun cas le débat sur l’énergie nucléaire. Jusqu’à présent, Van der Straeten était toujours restée sur la touche quant à la question de savoir si plus de deux centrales nucléaires devaient rester ouvertes, compte tenu de la situation d’urgence en matière d’approvisionnement énergétique. « Les factures des gens d’abord », telle était sa réponse standard.
  • Sa présidente, Naji, a affiné la position de Groen dans la même interview accordée à De Zondag, ce week-end : « Nous sommes assez pragmatiques pour garder deux centrales nucléaires ouvertes plus longtemps dans une situation de crise comme celle-ci. Mais garder encore plus de réacteurs nucléaires ouverts n’est pas une option pour nous », a-t-elle avancé, jouant cartes sur table. Pour Doel 3 et Tihange 2, ainsi que pour Doel 1, 2 et Tihange 1, le rideau va donc tomber.
  • Pour Doel 3, la problématique devient très concrète. Le 1er octobre, cette centrale fermera légalement. Ce 23 septembre, déjà, Engie compte arrêter le réacteur, et les premiers travaux de démolition suivront : le nettoyage chimique de la cuve du réacteur. Cela signifie des dommages irréversibles. Cela a déclenché une réaction en chaîne, Annelies Verlinden (CD&V) obtenant un avis rapide de l’organisme de surveillance AFCN. Elle a ensuite communiqué sur le fait « qu’un report du démantèlement était possible », et que le réacteur pouvait donc effectivement être « gelé », pour décider définitivement à une date ultérieure si la centrale serait encore utilisée ou non.
  • Un jour plus tard, vendredi dernier, il s’est avéré que l’AFCN avait formulé les choses tout à fait différemment : son directeur général, Frank Hardeman, est intervenu dans le débat en qualifiant le dossier de « mauvaise gouvernance » et en soulignant que le rapport venait d’indiquer « que l’AFCN ne peut pas garantir qu’un scénario tardif et non préparé ne présente pas de risque pour la sûreté nucléaire ». Un camouflet pour Verlinden.
  • La vice-première ministre Groen, Petra De Sutter (Groen), est donc passée à l’attaque, ce dimanche, dans l’émission De Zevende Dag: « Verlinden a agi seule, sans consensus au sein du gouvernement (…). Nous avons été choqués par cette demande à l’AFCN. »
  • Le MR et le CD&V n’ont pas manqué de répondre. Le président du parti, Sammy Mahdi (CD&V), est monté au créneau : « Verlinden a seulement demandé à l’AFCN si le nettoyage de Doel 3 pouvait être reporté. Désormais, il s’agit surtout de préciser combien de centrales peuvent rester ouvertes et sont nécessaires à notre indépendance énergétique. »
  • Un peu plus tard, Bouchez a suivi : « Soutien total à Verlinden, qui n’a fait que son travail. Demander cet avis à l’AFCN permet enfin de faire avancer le dossier au-delà des deux réacteurs déjà obtenus. Stop aux palabres, l’action maintenant ! », a-t-il asséné.

Le retour de bâton : y a-t-il eu un accord au sein du kern pour « ne rien faire d’irréversible » ?

  • « La communication de Verlinden était peut-être un peu prématurée, mais nulle part dans le rapport, il n’est dit qu’il est impossible de rendre Doel 3 utilisable ; il y a donc encore du travail à faire, mais il faut le régler », a déclaré un président de parti de la Vivaldi.
  • Et on nous fait délicatement remarquer qu’au sein du kern, un gentlemen’s agreement a été passé, pour qu’Engie ne fasse rien d’irréversible. Le fait que Groen affirme maintenant ouvertement le contraire, à savoir que « le maintien en activité de plus de deux centrales n’est pas envisageable », ne manque pas de susciter des réactions. « La conclusion de Groen est incorrecte », nous dit-on
  • Au MR, les réactions sont beaucoup plus nettes: « Non, nous n’allons rien laisser passer. Les Verts vont devoir accepter la réalité de toute façon. Nous devons garder tous les réacteurs, et n’en démanteler aucun », entend-on sans sourciller dans l’entourage de Georges-Louis Bouchez.
  • Mais avec l’attitude d’Engie, qui dit avoir « planifié pendant des années le démantèlement de Doel 3 » et ne veut pas et ne peut pas arrêter ce processus industriel, ce sera de toute façon un vrai casse-tête. Parce que sans consensus au sein du gouvernement, le géant français de l’énergie pourra finement pointer du doigt « une décision politique » qui n’a pas été prise, faute de consensus.

Les sondages (1) : Le nucléaire est majoritaire.

  • Le Grand Baromètre Le Soir et RTL-TVi, HLN, VTM, réalisé auprès de 1.000 Flamands, 1.000 Wallons, donnant une marge d’erreur de 3,1 % et 600 Bruxellois, offrant une marge d’erreur de 4 %, a rendu son verdict. Ce sondage portait explicitement sur les centrales nucléaires et sur la question : « Les réacteurs doivent-ils rester en service plus longtemps que prévu ? ».
    • Plus de deux tiers des Belges, 64 %, ont répondu « oui » à cette question, 20 % n’avaient pas d’opinion, 16 % ont répondu « non ».
    • Il est intéressant de noter que les électeurs de la N-VA et du MR sont les plus fortement en faveur du maintien de la prolongation, à respectivement 81 % et 82 %. Mais parmi tous les partis, à l’exception de Groen et d’Ecolo, il existe une majorité en faveur du maintien des réacteurs ouverts.
    • Mais même au sein des Verts, les électeurs sont divisés : 38 % des électeurs d’Ecolo veulent que les centrales restent ouvertes, 35 % veulent qu’elles soient fermées, et 27 % sont sans opinion. Chez les électeurs de Groen, 44 % veulent que les réacteurs soient fermés, 32 % ne savent pas, et 24 % veulent qu’ils restent ouverts.

Les sondages (2) : Pas de gagnant, sauf les socialistes.

  • Pas de changements trop frappants, avec une marge d’erreur très proche. Mais la Flandre a un nouveau leader : le Vlaams Belang, avec 21,6 %, fait légèrement mieux que la N-VA, qui reste bloquée à 21,5 %. Pour les deux, il s’agit d’une baisse : la N-VA était à 24,9 % en janvier, le Belang à 22,6 %. Mais Tom Van Grieken, le président du Vlaams Belang, doit sans doute accueillir ce sondage comme un signal positif, après un nouvel épisode gênant autour de Dries Van Langenhove cet été.
  • Pour la N-VA, il y a vraisemblablement une retombée suite à l’attitude quelque peu étrange de Zuhal Démir autour du Comité de concertation (N-VA) : elle ne voyait pas l’intérêt d’une telle réunion. Mais dans le même temps, elle continue à marquer des points : elle progresse de manière significative à la question « par qui vous sentez-vous le mieux représenté » ; où elle se trouve maintenant en cinquième position. Le Premier ministre flamand, Jan Jambon (N-VA), disparaît complètement de cette liste. Le président Bart De Wever (N-VA) se maintient lui à la première place, avec 16 %, sur la question de la « meilleure représentation ».
  • En Flandre toujours, Vooruit augmente fortement, passant de 14,8 % à 16,8 %. Comparé à leur résultat électoral de 10,8 %, ce chiffre est particulièrement significatif. « Le plus haut sondage depuis Steve Stevaert », entendait-on tout sourire dans les couloirs du parti.
  • Le PS étant en tête à Bruxelles avec 22,7 % et en Wallonie avec 22,9 %, la famille socialiste domine le paysage politique en termes de sièges : un poste de Premier ministre socialiste s’annonce pour Paul Magnette ou Conner Rousseau.
  • Rousseau n’a d’ailleurs pas nié ses ambitions : il a même admis qu’il aspirait un jour au poste de Premier ministre, même s’il ne « veut pas faire de la politique toute sa vie ». « Dans 20 ans, je veux regarder en arrière et voir que j’aurai laissé un héritage ».
  • En tout cas, le fait qu’il se soit perfectionné en français souligne ses ambitions fédérales. Ce week-end, d’ailleurs, il est aussi allé sur RTL-TVi, sur le plateau de C’est pas tous les jours Dimanche, chez Christophe Deborsu, pour donner ses explications en français. Georges-Louis Bouchez (MR) a dû le remarquer aussi.

Les sondages (3) : Les perdants sont aussi dans la Vivaldi.

  • On a entendu ici et là ce week-end « que la Vivaldi a retrouvé une grande majorité ». Mais cela concerne surtout les socialistes flamands, qui avancent seuls, et le MR, qui est en train de gagner du terrain du côté francophone, ce qui apporterait des sièges supplémentaires.
  • Pour le PS, il s’agit essentiellement d’un soulagement à Bruxelles, après des sondages difficiles et une division affichée, sans leader clair. Les dégâts se situent principalement au niveau d’Ecolo, qui a encore reculé à 15,8 %, contre 21,6 % lors du scrutin.
  • La progression du PTB en Wallonie et surtout à Bruxelles semble quelque peu enrayée, même si l’on note un score particulièrement frappant pour Raoul Hedebouw : il obtient le meilleur score de tous en Wallonie à la question « par qui vous sentez-vous le plus représenté », avec 16 %. Par ailleurs, l’improbable popularité de Sophie Wilmès continue de se démarquer : l’ex-Première ministre renforce encore son leadership dans les sondages.
  • Du côté flamand, il n’y a d’espoir que pour l’Open Vld, à côté de la progression de Vooruit : De Croo reste une marque inébranlable dans les sondages, arrivant deux fois en troisième position, après De Wever et Rousseau, et son parti se redresse quelque peu, à 11,1 %.
  • Pour Groen, il n’y a pas de véritable effet de présidence pour les nouveaux venus Jeremie Vaneeckhout et Nadia Naji : avec 8,6 %, ils font une petite progression, par rapport aux 7,9 % de janvier, mais se classent désormais comme les plus petits pour la deuxième fois consécutive, derrière PVDA, qui pointe à 8,7 %.
  • Pour Sammy Mahdi (CD&V), il est peut-être vrai que l’on n’a pas assez travaillé cet été : son parti disparaît sous le plafond symbolique des 10 %, avec 9,9 %. L’heure du questionnement existentiel pour les nombreux bourgmestres, qui émergeront bientôt plus que probablement en 2024 avec leurs propres marques, est toute proche : « Tout n’aura pas été la faute de Joachim Coens (CD&V) finalement », commente sèchement un chef de parti.