Si la Terre est la seule planète de notre système solaire vraisemblablement propre à voir la vie se développer, ce n’est pas pour rien qu’on s’intéresse aux lunes ; celles des planètes géantes semblent étonnamment plus accueillantes que leurs gigantesques gardiennes.
Encelade, berceau glacé ?
Encelade est un satellite de Saturne, le sixième par la taille et le quatorzième par l’éloignement, la planète aux anneaux géants en comptant pas moins de 83 en orbite. Avec 500 km de diamètre en moyenne c’est un corps spatial de belle taille, qui présente une activité inhabituelle qui se manifeste sous la forme de grands geysers, observés par la sonde Cassini-Huygens, arrivée en orbite saturnienne en 2004.
On suspecte très fortement qu’Encelade abrite, sous sa croûte gelée, un océan d’eau liquide. La lune possède donc potentiellement les trois ingrédients nécessaires à la vie : l’eau liquide, la chaleur, et des molécules organiques, qui ont disposé de centaines de millions d’années pour interagir.
Comment aller vérifier ?
Ce n’est pas le seul objet lointain qui semble abriter un océan caché sous sa surface et de ce fait un potentiel écosystème extraterrestre. C’est aussi le cas d’Europe, en orbite de Jupiter. Dans les deux cas, des ingénieurs ont déjà imaginé des drones fouisseurs, capables, une fois acheminés sur l’astre, de forer la croûte gelée pour atteindre les eaux libres, et puis de se lancer dans l’exploration sous-marine. Un beau projet, mais finalement fort compliqué.
Il serait en fait beaucoup plus simple de rester en orbite, et de détecter la vie sur la lune glacée dans les panaches d’eau salée qui jaillissent de sa surface. Le phénomène derrière ces sortes de geysers n’est pas encore parfaitement connu, mais la sonde Cassini a observé des jets de particules de glace et de gaz qui peuvent atteindre les 500 km d’altitude par rapport à la surface de la lune.
« En simulant les données qu’un vaisseau spatial en orbite plus préparé et plus avancé recueillerait à partir des seuls panaches, notre équipe a maintenant montré que cette approche serait suffisante pour déterminer avec confiance s’il y a ou non de la vie dans l’océan d’Encelade sans avoir à sonder les profondeurs de la lune. C’est une perspective passionnante. »
Regis Ferrière, biologiste de l’évolution à l’université d’Arizona, cité par Science Alert
Lorsque la sonde Cassini a traversé ces panaches il y a plus de dix ans, elle a détecté plusieurs molécules curieuses, rappelle Science Alert, notamment de fortes concentrations d’un ensemble associé aux cheminées hydrothermales de la Terre : le méthane et des quantités moindres de dihydrogène et de dioxyde de carbone. Ces molécules peuvent être liées à des archées productrices de méthane ici sur Terre.
Des gaz issus des réactions chimiques induites par la faune, des restes de krill, des bactéries ou leurs équivalentes locales, … Pas de quoi décrire tout l’écosystème des profondeurs d’Encelade, mais assez pour assurer que la vie extraterrestre existe, si toutefois elle est bien présente. Des acides aminés tels que la glycine pourraient servir de signature alternative et indirecte encore détectable dans les panaches de gaz si leur abondance dépasse un certain seuil.
Les biologistes estiment qu’une vie sur Encelade serait sans doute proche de celle des grands fonds océaniques terrestres ; des organismes marins qui ne survivraient que grâce à la chaleur et aux rejets chimiques de l’activité volcanique. Reste à s’en assurer. Mais ça serait bien plus simple que ce qu’on pourrait penser, estime M. Ferrière : « Plutôt que de se concentrer sur la question de savoir quelle quantité est suffisante pour prouver que la vie est là, nous nous sommes demandés quelle était la quantité maximale de matière organique qui pourrait être présente en l’absence de vie. »