Face aux menaces de Pyongyang, à Séoul on pourrait penser que la meilleure défense passe par l’arsenal atomique. Une option enterrée normalement depuis le traité de dénucléarisation de 1972, mais l’opinion publique coréenne n’avait jamais été aussi favorable au développement d’un arsenal national, plutôt que de compter sur Washington.
La Corée du Sud pourrait-elle suivre – et rattraper – son voisin du nord dans la course aux armes nucléaires ?

Pourquoi est-ce important ?
Même si la dénucléarisation de la péninsule reste l'objectif affiché de tous les pays bordant la Corée du Nord, celle-ci s'avère de moins en moins probable. C'est le parapluie nucléaire américain qui doit le cas échéant protéger le Japon et la Corée du Sud des gesticulations atomiques de Pyongyang, mais dans le doute, mais cet équilibre pourrait bien être ébranlé.La Corée du Nord provoque une nouvelle phase de tensions
- La semaine dernière, des drones nord-coréens ont mené des incursions dans le ciel de Corée du Sud. Ils ont rapidement été pris pour cible par l’aviation et les défenses antiaériennes du pays.
- Fait nouveau : maintenant Séoul riposte aux provocations de Pyongyang, et semble bien avoir envoyé ses propres drones de l’autre côté de la frontière. Ils auraient pris des photos de sites militaires et, plus important, n’auraient pas été interceptés.
- Le régime communiste du nord a marqué le dernier jour de l’an avec le tir de pas moins de trois missiles, sur un total estimé à environ 70 sur la totalité de l’année.
La Corée du Sud opte pour une ligne bien plus stricte
- Ce regain d’hostilité de la part de Pyongyang peut être lié à l’arrivée au pouvoir, à Séoul, du gouvernement conservateur du président sud-coréen Yoon Suk-yeol, qui a promis une position plus dure à l’égard du Nord. Le ministère de la Défense du Sud a ainsi déclaré que le régime des Kim « arriverait à sa fin » s’il tentait de faire usage de l’arme nucléaire.
- La Corée du Sud ne dispose pas de son propre arsenal nucléaire, mais elle bénéficie de la protection explicite des États-Unis sur ce point depuis la signature du traité de dénucléarisation de la péninsule de 1972, comme c’est aussi le cas du Japon.
- Mais ces dernières années, Séoul remet l’accord en question : le président coréen précédent, Moon Jae-in, avait exhorté les USA à fournir des armes nucléaires tactiques à son pays. Les USA ont jusqu’ici toujours refusé, mais le président Trump s’était laissé tenter.
- La Corée du Sud est en outre en train de se tailler une belle place sur le marché mondial de l’armement, et pas qu’à des fins d’exportation. Le pays veut moderniser sa flotte de sous-marins, potentiellement avec des engins à propulsion nucléaire, ce qui signifierait que Séoul compte s’offrir des capacités d’enrichissement de l’uranium. Pas forcément de quoi développer un arsenal, mais c’est une première étape.
Des armes nucléaires pour les deux Corée ?
- Pour certains experts de la région, il n’est pas exclu que la Corée du Sud soit le prochain pays à se doter de l’arme nucléaire. Il en possède déjà la capacité technique et scientifique.
- Et l’opinion publique suit : selon un sondage publié en mai par le Asan Institute for Policy Studies, plus de 70 % des Sud-Coréens sont favorables à ce que leur pays se dote d’armes nucléaires made in Korea, soit le niveau de soutien le plus élevé depuis que l’organisation a commencé à poser la question en 2010.
- Outre la surenchère du Nord et l’instabilité mondiale croissante – en particulier avec la Chine et Taïwan dans la région – le parapluie nucléaire américain ne semble plus aussi étanche. Certains analystes sud-coréens pensent que les États-Unis pourraient hésiter à répondre à une attaque nord-coréenne si Pyongyang a la capacité de détruire une grande ville américaine – en substance, la crainte est que les États-Unis ne veuillent pas risquer San Francisco pour sauver Séoul, résume Voice of America.
- Pour l’instant l’accord de 1972 semble toujours tenir : la Corée du Sud et les États-Unis discutent d’éventuels exercices conjoints faisant appel aux moyens nucléaires américains, a déclaré le président sud-coréen.
- Mais l’idée est dans l’air depuis quelques années : « Si nous décidons de nous débrouiller seuls et de mettre nos ressources en commun, nous pouvons fabriquer des armes nucléaires en six mois » estimait en 2017 Suh Kune-yull, professeur d’ingénierie nucléaire à l’université nationale de Séoul. D’autres voix, plus prudentes, parlent en années, ce qui est déjà très court. Une chose est sûre en tout cas : le sujet n’a rien de tabou pour les Coréens, quand il s’agit de se prémunir des actes de leurs frères ennemis. Sur ce sujet explosif, les développement des prochaines années seront décisives, y compris à Washington où l’élection de 2024 approche à grands pas.