Face au taux fixe d’un prêt hypothécaire, les classes moyennes sont gagnantes, car leur salaire augmente, mais la somme à rembourser tous les mois non. Les ménages plus riches, qui ont acheté des obligations d’État, perdent en pouvoir d’achat avec les taux fixes. Mais le calcul n’est pas si simple, l’inflation mène également à un grand sentiment d’inquiétude.
Tout se joue au niveau de la dette, analyse CNN Business. Avec l’inflation, elle tient d’un côté les gagnants, et de l’autre côté les perdants. Et pour une fois, cette donne semble inversée.
La majorité des ménages américains ont un prêt sur 30 ans, à taux fixe. C’est-à-dire que tous les mois, pendant 30 ans, ils paient la même somme. Mais avec l’inflation, les salaires vont être augmentés, et donc la somme due à la banque deviendra une part moins significative de leur revenu. En plus, leur maison gagne également en valeur.
Mais le ressenti de ce gain n’est pas pour tout de suite. La marge que l’on gagne sur son prêt -hypothécaire ou étudiant – via l’augmentation du salaire, semble s’évaporer avec les augmentations de prix tous azimuts. Mais le gain reste significatif. « Si vous empruntez à un taux fixe, comme un prêt hypothécaire sur 30 ans, vous êtes gagnant lorsque l’inflation augmente », explique Kent Smetters, professeur d’économie à la Wharton School of Business en Pennsylvanie. « Nous considérons souvent un prêt hypothécaire de 30 ans comme une couverture contre l’inflation. »
Il ajoute cependant que l’augmentation des salaires n’est pas synchronisée avec l’inflation, comme c’est notamment le cas en Belgique, mais après un temps, les salaires suivent. Selon d’autres experts, les salaires américains devraient suivre l’augmentation des prix au cours de l’année, lorsque les goulots d’étranglements des chaines d’approvisionnement se délieront. Là où les salaires peuvent augmenter, les pensions américaines, souvent fixes, ne suivent pas l’augmentation des prix. Pour les retraités, l’inflation est alors particulièrement douloureuse.
Une certaine assurance contre l’inflation
La majorité des prêts américains sont des prêts hypothécaires à taux fixe, sur 30 ans. Ils représentent 11.000 milliards de dollars sur les 15.000 milliards de dollars en prêts actuellement en cours (montant record pour les États-Unis).
Toutes ces personnes peuvent donc tirer un certain bénéfice de l’inflation. Au-delà de ça, les ménages possèdent actuellement plus d’argent (et avoir plus d’argent est une assurance financière lorsque le pouvoir d’achat baisse). Il ont notamment pu profiter de paiements de relance et autres aides publiques, comme le chômage. Daniel Alpert de Westwood Capital a calculé que sur les huit premiers mois de 2021, les revenus personnels (salaires et aides confondus) dépassaient ceux de 2019 de 15%.
« Cela représente des centaines de milliards de dollars… et s’ajoute à l’épargne accumulée très élevée des ménages, qui dépensaient moins l’année précédente, car tout le monde était bloqué chez soi en 2020″, ajoute Daniel Alpert.
Les gains sur la dette : pour le preneur uniquement
Tous les prêts ne peuvent pas ainsi profiter de l’inflation. Les taux d’intérêt sur les cartes de crédit par exemple ont augmenté de 17,13%, note la Réserve Fédérale. Le record de l’augmentation de ces taux était de 17,14%, en 2019.
Voici l’élément où les riches sont perdants : les ménages qui ont des revenus supérieurs à un million de dollars sont les principaux investisseurs dans des obligations d’État. Ils prêtent de l’argent à l’État, et reçoivent des intérêts. Ces obligations fonctionnent aussi sur des taux fixes, donc en même temps que les prix augmentent, le revenu de ces obligations devient « moins élevé », car le pouvoir d’achat baisse. « Les ménages avec des revenus élevés qui ont investi dans les obligations vont perdre de l’argent avec l’inflation », analyse Smetters.
Contrainte psychologique
Les taux d’inflation qui augmentent font cependant peur aux ménages américains, même si les revenus augmentent et que les opportunités d’emploi sont nombreuses. L’indice de la confiance des consommateurs est ainsi tombé au plus bas depuis dix ans, en novembre, selon des données de l’université de Michigan. Le constat est sans appel : une personne sur quatre indique que l’inflation a empiré ses conditions de vie. Une personne sur deux estime que l’inflation va effacer toute augmentation de salaire reçue depuis un an.
Wendy Edelberg, économiste pour Brookings Institution pointe également une incompréhension de l’économie de la part des consommateurs : « J’ai le sentiment que les gens sont épuisés par le niveau de chaos que nous vivons, et l’inflation en est un symptôme. L’économie est donc en plein essor, mais combien de temps cela va-t-il durer, et pour qui ? Et la croissance est-elle saine ? Est-elle en hausse de manière non saine ? »
Au final, une crise comme l’inflation qui fait gagner de l’argent aux classes moyennes et perdre du pouvoir d’achat aux riches, cela paraît comme un pied de nez aux inégalités. Mais est-ce une interprétation un peu trop optimiste? De toutes les crises, les riches sortent finalement encore plus riches, comme l’a montré la pandémie.