Comment fonctionnent réellement les fusées réutilisables de SpaceX ?

Ces dernières années, les lanceurs réutilisables de SpaceX, la société spatiale d’Elon Musk, le Falcon 9 et son grand frère le Falcon Heavy, ont déclenché une véritable révolution. En ne construisant plus de fusées à usage unique, mais en recyclant certains de leurs étages, le coût d’un lancement a considérablement baissé. Mais comment en est-on arrivé là ?

Le 12 avril 1961, le cosmonaute soviétique Youri Gagarine est devenu le premier homme dans l’espace. Il n’a effectué qu’une seule orbite autour de la Terre, au cours d’un vol qui a duré à peine 1 heure et 48 minutes. Depuis, des centaines de personnes ont voyagé dans l’espace céleste, des engins sans pilote ont exploré le système solaire et des milliers de satellites artificiels ont été placés en orbite.

S’il s’agit d’une réalisation monumentale pour l’humanité, le prix de tous ces vols est énorme. En effet, toutes les fusées utilisées au cours du XXe siècle et au début du XXIe siècle étaient à usage unique. La NASA a bien essayé de changer cela avec la navette spatiale, qui était réutilisable, mais les lanceurs qui plaçaient l’avion spatial en orbite, eux, ne l’étaient pas.

Lanceurs réutilisables

La situation a changé ces dernières années. En décembre 2015, un étage de la fusée Falcon 9 a atterri pour la première fois sur la base de lancement américaine de Cap Canaveral, en Floride. Entretemps, SpaceX a répété l’exploit plus de 150 fois. Certains étages ont même été réutilisés plus de 10 fois.

Le coût d’un vol a donc considérablement baissé par rapport à l’époque de la navette spatiale. Pour placer un kilogramme de matériel en orbite terrestre basse, les clients paient environ 2.600 dollars pour un vol avec un Falcon 9. Un vol avec son grand frère, le Falcon Heavy, est encore moins cher. À titre de comparaison, ce prix s’élevait à environ 65.400 dollars pour la navette spatiale, soit 25 fois plus cher.

Les moteurs

Le Falcon 9 est un lanceur à deux étages. Le premier, qui est réutilisable, est équipé de 9 moteurs Merlin, conçus par SpaceX elle-même. Les moteurs sont alimentés par une combinaison de RP-1, une forme hautement raffinée de kérosène, et d’oxygène liquide (LOX).

Les Merlin ont été conçus à l’origine pour le Falcon 1, un ancien modèle de SpaceX qui n’était pas réutilisable, bien que les moteurs devaient l’être. Lorsqu’un étage de fusée était mis au rebut, il était censé être repêché en mer pour en récupérer les moteurs, mais l’idée a été abandonnée.

Le processus d’atterrissage

Le Falcon 1 a finalement été remplacé par le Falcon 9. Son premier étage de fusée utilise neuf moteurs Merlin pour atteindre une altitude d’environ 100 kilomètres, soit à peu près la limite de l’espace. Là, la fusée est découplée, après quoi le deuxième étage – plus petit et non réutilisable – continue de prendre de l’altitude avec un seul moteur Merlin pour placer la charge utile à bord en orbite.

Pendant ce temps, le premier étage de la fusée poursuit son vol pendant un certain temps pour décélérer. Le processus de rentrée dans l’atmosphère commence alors. Les propulseurs à bord, alimentés par du gaz, sont activés, ce qui entraîne une rotation de 180 degrés de la fusée. Une fois la partie basse de la fusée orienté vers la Terre, le processus de rentrée peut commencer.

Trois moteurs sont alors réactivés pour se diriger vers le site d’atterrissage. Celui-ci pourrait se faire sur la terre ferme ou sur l’une des plates-formes d’atterrissage marines non habitées de SpaceX. Actuellement, la vitesse de l’engin est encore d’environ 5.000 kilomètres par heure.

Ensuite, commence ce que l’on appelle la « rétropulsion supersonique », c’est-à-dire la mise à feu du moteur contre le flux d’air supersonique qui suit la rentrée de l’étage dans l’atmosphère. Les ailettes de la fusée sont également déployées pour ralentir l’engin dans sa chute, mais aussi pour le stabiliser. Le Falcon 9 est ainsi ralenti jusqu’à une vitesse inférieure à 1.000 kilomètres par heure.

Vient ensuite la « combustion finale », c’est-à-dire la dernière activation de l’un des moteurs de la fusée lorsque le Falcon 9 est presque sur la terre ferme. La fusée ralentit alors pour atteindre une vitesse de quelques kilomètres par heure. Quatre trains d’atterrissage, faits de fibre de carbone et d’aluminium, sont déployées pour préparer l’étage à l’atterrissage et le stabiliser davantage. Enfin, le lanceur arrive sur Terre (ou en mer).

La remise en état

Un vol complet, du lancement à l’atterrissage, dure un peu moins de neuf minutes. Mais avant qu’un Falcon 9 puisse voler à nouveau, il faut le remettre en état. Bien que SpaceX ne publie pas de chiffres exacts, la société a déjà révélé que le coût d’une telle remise à neuf est « nettement inférieur à la moitié » du prix d’un étage de fusée entièrement neuf.

La remise à neuf peut être effectuée en quelques jours seulement. Dans le passé, le même étage de fusée a déjà volé deux fois de suite en seulement 21 jours. À l’époque, SpaceX avait révélé que la remise à neuf elle-même n’avait pris que neuf jours. L’entreprise prévoit de remettre une fusée en état de marche en 24 heures seulement.

L’avenir

Bientôt, si tout se passe bien, SpaceX effectuera un premier vol d’essai orbital de Starship, le futur vaisseau amiral de la société. Cela devrait permettre de réduire encore le coût d’un vol car les deux étages de la fusée Starship seront réutilisables, ce qui pourrait en faire le premier vaisseau spatial entièrement réutilisable de l’histoire.

En outre, Starship sera capable de placer en orbite une charge utile beaucoup plus importante que le Falcon 9 : avec lui, SpaceX veut pouvoir placer 150 tonnes en orbite terrestre basse. De plus, une fois que le vaisseau aura fait ses preuves, des vols habités seront également effectués. À terme, il devrait y avoir de la place pour 100 passagers par Starship, une quantité inédite dans le domaine des voyages spatiaux.

D’autres entreprises et agences spatiales ont également l’ambition de développer des fusées réutilisables. La société Blue Origin de Jeff Bezos, la société américaine Relativity Space, la société européenne The Exploration Company, les sociétés chinoises Space Epoch et CAS-Space, ainsi qu’une série d’autres, travaillent sur ces fusées. Les agences spatiales chinoises et européennes ont également compris et veulent développer la technologie. Elles doivent rivaliser avec le géant de l’espace de Musk, qui a entretemps pris une large avance.

MB

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