Lever de nouvelles troupes, c’est une chose, les équiper en est une autre. Or la Russie en est déjà à racler les fonds de tiroir, le matériel plus ou moins moderne se faisant rare.
Mercredi matin, Vladimir Poutine a annoncé une mobilisation « partielle » des réservistes de l’armée russe qui, selon une précision ultérieure du ministère de la Défense, devrait concerner pas moins de 300.000 hommes. D’emblée, on ne peut pas dire que cette déclaration a ravivé l’enthousiasme patriotique des Russes. Au contraire, ils étaient déjà des milliers à vouloir quitter le pays dans les heures qui ont suivi, avec une ruée sur les billets d’avion pour toutes les destinations ne nécessitant pas de visa, Biélorussie comprise.
Manifestations et enrôlements forcés
Cette nuit, des rassemblements et des manifestations contre la guerre ont été vus dans la majorité des grandes villes de Russie, une première depuis le début de l’invasion. L’ampleur des protestations reste toutefois assez limitée, et les forces de sécurité du régime semblent avoir toujours réagi très rapidement.
Des histoires d’enrôlements forcés commencent à filtrer hors de Russie. Mais si la motivation des nouvelles troupes que le Kremlin compte lever peut déjà être remise en question, c’est aussi le cas de leur équipement. L’armée russe était déjà sclérosée par la corruption avant-guerre, et de nombreux soldats devaient souvent pourvoir eux-mêmes à leur propre équipement, régulièrement détourné, et ce, y compris dans des unités dites d’élite. Ça sera visiblement encore le cas cette fois-ci.
Des chars sortis des placards
On peut aussi se demander avec quoi le Kremlin envisage d’armer ces troupes. Si la Russie a hérité d’un faramineux stock d’armements soviétiques, celui-ci n’est ni très moderne, ni forcément en bon état, alors qu’en face les troupes ukrainiennes ont réussi leur montée en puissance en adoptant massivement du matériel occidental. Il y a quelques mois, la Russie avait sorti de ses entrepôts 2.500 chars T-62. Une masse blindée impressionnante certes, mais complètement dépassée, même selon des critères post-soviétiques. Ces engins étaient théoriquement destinés à muscler les réserves russes et à soutenir la lutte contre les partisans. Les images qui nous reviennent d’Ukraine prouvent que certains se sont retrouvés en première ligne, et n’y ont pas fait long feu.
Une fois ces engins sortis du placard, et sans doute pour partie utilisés pour leurs pièces détachées, que reste-t-il à Moscou pour armer ses nouveaux soldats dans cette guerre où les canons et les chars ont encore un rôle capital à jouer ? Du matériel encore plus ancien (T-54 et T-55) ne servirait que de cercueils d’acier à ces jeunes gens. Or, l’industrie russe de l’armement peine à suivre face à la consommation rapide de munitions, mais aussi la pénurie de puces électroniques, importées pour la plupart, et nécessaires aux équipements les plus perfectionnés, comme les missiles.
Cherche armes et munitions pour achat discret
Moscou a déjà fait appel aux rares pays avec qui c’est encore possible pour acheter en urgence du matériel : on a vu des drones iraniens au-dessus de l’Ukraine, et les Russes achèteraient aussi des munitions au régime nord-coréen, bien que celui-ci nie vigoureusement.
Ironie ultime : cette mobilisation risque de faire très mal à l’économie russe, qui va voir 300.000 travailleurs contraints et forcés de quitter leur poste, et ce, sans tenir compte les réfractaires qui vont quitter le pays ou qui l’ont déjà fait. Les personnes travaillant dans l’industrie de la défense seront toutefois exclues de l’enrôlement.