L’élection de Liz Truss comme nouvelle Première ministre du Royaume-Uni pourrait davantage faire chuter la livre sterling. Il y a le marasme économique dans lequel se trouve le pays, mais des sujets qu’elle a abordés lors de sa campagne pourraient encore plus détruire la confiance des investisseurs (s’ils devenaient réalité).
La reprise du flambeau après Boris Johnson n’est pas « une promenade dans le parc », comme disent les Britanniques. Le pays fait face à une crise de l’énergie et inflationniste encore plus forte qu’en Europe. Dans cette situation, l’élection de la nouvelle Première ministre, Liz Truss, ce lundi par son parti, pourrait même venir jeter de l’huile sur le feu.
C’est ce qu’affirme la Deutsche Bank dans un rapport, publié lundi après l’annonce du résultat du scrutin et cité par CNBC. L’institution estime que la nouvelle « PM » pourrait aggraver la crise de la livre sterling (actuellement à 1,15 dollar, -15% depuis le début de l’année).
Marasme économique
Pour prédire ces risques, Shreyas Gopal, spécialiste des marchés monétaires pour la Deutsche Bank, se base sur la situation économique du pays. « Avec le déficit des comptes étant déjà à des niveaux records, la livre sterling a besoin d’importantes entrées de capitaux soutenues par l’amélioration de la confiance des investisseurs et la baisse des anticipations d’inflation. Or, c’est le contraire qui se produit. »
« Le Royaume-Uni souffre du taux d’inflation le plus élevé du G10 et d’un affaiblissement des perspectives de croissance », ajoute-t-il.
Sujets de campagne douteux pour la stabilité financière
Mais ce n’est pas tout. La campagne qui a opposé Truss à Richi Sunak, ancien ministre des Finances, n’a pas rassuré le monde économique. Durant la campagne, Truss a régulièrement tenu la Banque d’Angleterre responsable de l’inflation si élevée. Elle a également promis de revoir le mandat de la banque centrale.
« Une expansion budgétaire importante, non financée et non ciblée (comme réponse au marasme économique, NDLR), accompagnée d’éventuelles modifications du mandat de la Banque d’Angleterre, pourrait entraîner une hausse encore plus importante des anticipations d’inflation et – à l’extrême – l’émergence d’une domination budgétaire. » Une telle révision du mandat, en pleine crise, pourrait davantage inquiéter les investisseurs, et plomber le cours de la livre.
Autre sujet abordé lors de la campagne : le protocole de l’Irlande du Nord, que Truss voulait supprimer. Or, ce protocole est un des facteurs clés de l’accord post-Brexit. Il assure qu’il n’y ait pas de frontière dure ni de douane entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord, comme partout ailleurs en Europe, en somme. Les contrôles douaniers se font entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.
Or, supprimer unilatéralement cet arrangement se traduira par des réponses du côté de l’UE, qui auront un impact sur le commerce extérieur du Royaume-Uni. Voilà de quoi davantage saper la confiance des investisseurs et le cours du pound, prédit l’expert, à l’heure où les sorties de capitaux étrangers sont déjà « inhabituellement élevées ».
Vers une crise comme dans les années 70?
« Une crise de financement de la balance des paiements peut sembler extrême, mais elle n’est pas sans précédent : la combinaison de dépenses budgétaires agressives, d’un grave choc énergétique et d’une chute de la livre sterling a finalement conduit le Royaume-Uni à recourir à un prêt du FMI au milieu des années 1970« , rappelle Gopal.
Pour l’expert, le Royaume-Uni a encore des éléments de défense importants contre cette situation, mais les risques augmentent. Les annonces de politiques économiques et monétaires dans les semaines à venir seront cruciales, ajoute-t-il. Mais toujours est-il que le pays se dirige vers une récession quasi inévitable.