Si la Chine attaque Taïwan, les USA et leurs alliés pourront tout suivre en temps réel

Taïwan va recevoir des drones américains de reconnaissance à longue portée. C’est plus qu’une fourniture de matériel : ces engins permettront une vision commune et en temps réel de tout mouvement militaire des Philippines au Japon. Un véritable rempart acquis à l’oncle Sam face aux velléités navales chinoises dans le Pacifique.

Pourquoi est-ce important ?

La vente de matériel militaire de pointe pour les Américains à Taïwan n'a rien d'un tabou. Ce qui l'est un peu plus, c'est la collaboration militaire directe, et la Chine populaire s'était offusquée de l'envoi de formateurs de l'US Army auprès de la nation insulaire, en février dernier. Mais Washington ne semble plus du genre à céder du terrain face à l'ire du dragon.

Image opérationnelle commune pour trois flottes

Dans l’actualité : les États-Unis vont inclure le Japon et Taïwan dans leur système de reconnaissance par drones au-dessus de la « première ceinture d’îles » soit la série d’archipels qui sépare la mer de Chine de l’océan Pacifique. Et dont Taipei et Tokyo font partie.

  • Selon quatre personnes proches du projet et qui se sont confiées anonymement au Financial Times, Washington veut renforcer sa communication en temps réel avec ses alliés face à la menace chinoise.
  • Une volonté qui se concrétisera par la livraison de quatre drones MQ-9B Sea Guardian à Taipei, mis au point par General Atomics, à partir de 2025. Ces engins pourront fournir une vision complète et en temps réel des mouvements des navires dans une zone qui s’étendra du Japon aux Philippines. Un avantage crucial, si un jour Pékin passait à l’acte et tentait d’envahir l’île.
  • Bien sûr, ces informations ne serviront pas qu’aux Taïwanais : les Américains et leurs alliés bénéficieront ainsi d’une même vision des opérations, une « image opérationnelle commune » qui permettra de ne pas perdre du temps à transmettre des informations, avec un risque possible d’incompréhension. Une démarche essentielle pour coordonner des flottes de différentes nations.

« L’échange de données entre le Japon et Taïwan, entre Taïwan et les Philippines, entre les États-Unis et ces trois pays est crucial, mais c’est aussi l’un des grands tabous, car la Chine considère cela comme une escalade. »

Un haut-responsable de l’US Army auprès du Financial Times

Le contexte : les tensions actuelles sont liées aux situations stratégiques du passé. Le Japon est très explicitement sous le parapluie américain et l’archipel abrite de nombreuses garnisons. Mais Taïwan reste une nation dont l’indépendance n’est que très peu reconnue dans le monde, et plus par les USA depuis 1979, au profit d’une « Chine unique » continentale. Tout geste des Américains qui va contre ce narratif est une insulte, pour Pékin, qui veut ramener l’île sous sa bannière.

Le rempart antichinois de Washington

  • En théorie, Taïwan n’est plus un allié des USA depuis 1979, vu que Washington ne reconnait plus Taipei comme un état indépendant. Mais dans les faits, la collaboration militaire n’a jamais vraiment cessé. Cette ambiguïté laisse toutefois la possibilité à la Chine de considérer tout geste comme une escalade, mais laisse planer le doute sur à quel point les USA s’impliqueraient en cas de conflit. Sous Biden, il est de plus en plus clair que l’oncle Sam montre les muscles et place ses pions.
  • La question japonaise reste toutefois importante, elle aussi : constitutionnellement, le pays n’a pas d’armée – seulement une « force d’autodéfense » et refuse les armes « offensives ». Il a pourtant largement renforcé sa marine, avec même un porte-avion qui ne dit pas son nom. Une interopérabilité avec la flotte américaine veut dire que Tokyo aussi serait prêt à porter des coups.
  • Enfin dans le cas des Philippines, rappelons qu’il s’agit d’une ancienne colonie américaine – même si elle ne disait pas son nom. L’archipel reste un élément central de la stratégie américaine dans le Pacifique, avec des bases militaires, et reste considéré comme un des alliés les plus solides hors de l’OTAN. La « première ceinture d’îles » est donc, dans les faits, un rempart acquis à Washington face aux volontés océaniques de Pékin.