Alors que l’Occident estime que la fusion nucléaire n’est pas pour demain, la Chine affirme qu’elle disposera d’un réacteur (hybride) fonctionnel d’ici six ans

Le gouvernement chinois a approuvé en septembre la construction d’un réacteur à fusion nucléaire qui devrait produire de l’énergie d’ici 6 ans. Il s’agit d’une entreprise ambitieuse, car jusqu’à présent, on n’a jamais réussi à tirer d’un tel réacteur plus d’énergie qu’il n’en consomme.

« Il s’agira de l’étape la plus importante sur la voie de l’énergie de fusion pour les humains. » C’est ce qu’a déclaré en septembre Peng Xianjue, professeur de physique à l’Académie chinoise d’ingénierie physique, lors d’une réunion en ligne organisée par le groupe de réflexion Techxcope, basé à Pékin. C’est ce qu’a rapporté le journal South China Morning Post de Hong Kong en septembre.

Peng est un nom important en Chine dans le domaine de la physique nucléaire. Ce scientifique de 81 ans a longtemps travaillé sur l’arsenal nucléaire chinois, et il a également été l’un des principaux conseillers du gouvernement chinois en matière d’armes atomiques. Ses propos sont donc pris au sérieux au sein de la communauté scientifique chinoise.

Des prévisions ambitieuses

M. Peng prévoit que le réacteur à fusion nucléaire que lui et son équipe développent actuellement soit prêt dans trois ans seulement. Le dispositif produira de l’énergie de manière efficace après trois autres années. Enfin, la technologie devrait être commercialisée dès 2035.

La conception du réacteur est assez banale. Il s’agit d’une machine dite « Z-pinch », un dispositif qui imite les réactions de fusion qui se produisent dans une explosion nucléaire. En principe, ce n’est pas un concept nouveau : la Chine, les États-Unis et la Russie ont tous construit des machines Z-pinch au cours des dernières décennies. Ce qu’ils n’ont jamais réussi à faire, c’est extraire plus d’énergie d’un réacteur qu’il n’en a été injecté.

Réacteur hybride

La machine de Peng devrait changer cela : le réacteur produira environ 50 millions d’ampères, soit deux fois plus que le détenteur actuel du record aux États-Unis, estime le scientifique. Le plasma à haute énergie qui sera produit par la machine sera utilisé pour fusionner du deutérium et du tritium, deux isotopes lourds de l’hydrogène. Cette fusion devrait libérer une grande quantité d’énergie.

Mais c’est là que se cache la plus grande différence avec un réacteur à fusion « ordinaire ». La plupart des réacteurs expérimentaux se contentent d’essayer d’utiliser la chaleur qui résulte de la fusion pour produire de l’électricité. Mais les scientifiques chinois veulent aller un peu plus loin.

Ils veulent utiliser l’énergie des réactions de fusion pour bombarder les atomes d’uranium avec des particules plus petites, les séparant ainsi en deux. Cela devrait libérer une grande quantité d’énergie. La fission nucléaire est ce qui se produit dans les réacteurs nucléaires actuels. Le réacteur de Peng sera donc un hybride entre la fusion et la fission nucléaires.

Recyclage des déchets nucléaires

Les chercheurs chinois estiment que ce nouveau type de réacteur pourrait utiliser les déchets nucléaires pour produire de l’énergie. Il pourrait également utiliser le thorium, un élément beaucoup plus abondant sur Terre que l’uranium. Pour alimenter le réacteur à fusion nucléaire, seuls les isotopes d’hydrogène que sont le deutérium et le tritium sont nécessaires, bien que les réserves mondiales de ce dernier s’amenuisent.

En outre, le réacteur ne pourrait jamais surchauffer, car une fusion se produit par impulsions, provoquant une réaction toutes les 10 secondes. Il ne serait donc pas possible qu’un problème dégénère en réaction en chaîne.

Toutefois, ces prévisions ambitieuses doivent être prises avec prudence. La technologie est en cours de développement depuis près d’un siècle, et les chercheurs ont coutume de dire que « la fusion nucléaire est une technologie qui sera prête dans 30 ans », c’est même devenu une blague dans le milieu. Tant que le réacteur de Peng n’aura pas prouvé qu’il peut tenir ses promesses, il restera une chimère.

MB

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