Des chars occidentaux de dernière génération pour l’Ukraine ? Pourquoi ça n’est pas si simple

L’Ukraine réclame à nouveau l’aide militaire occidentale pour obtenir de nouveaux succès face aux Russes. L’hiver et le gel pourraient marquer le retour des offensives. Mais il faut en avoir les moyens, en particulier en chars de bataille.

Pourquoi est-ce important ?

L'aide occidentale est capitale pour l'effort de guerre ukrainien. Les livraisons de matériel soviétique, qui ont pu être rapides et ne nécessitaient pas de formation, ont permis de repousser les Russes. L'arrivée de pièces d'artillerie moderne, comme les HIMARS et les Caesar, a permis aux Ukrainiens de passer à la contre-offensive. La guerre de mouvement pourrait reprendre avec l'hiver, mais l'Ukraine estime qu'il lui faut plus de chars pour faire naître de nouveaux succès.

Dans l’actualité : le Premier ministre ukrainien Denys Smyhal a demandé des chars « conformes aux standards de l’OTAN » pour continuer à libérer le pays et hâter la décision après près d’un an de guerre.

  • « Nous demandons des chars conformes au standard de l’OTAN : Abrams, Leopard 2 et d’autres » a listé le Premier ministre au micro du média français LCI. Poussé par l’intervieweur qui lui a demandé si des chars français Leclerc seraient aussi appréciés, M. Smyhal a répondu: « Sans aucun doute. Nous vous serions très reconnaissants. »
  • La question s’était posée au début de la guerre, mais elle avait été laissée de côté alors que la crainte de déclencher une surenchère avec la Russie était vive.
  • Du reste, l’armée ukrainienne avait un besoin urgent d’un matériel qui pouvait être employé immédiatement, sans formation supplémentaire pour les soldats ni incompatibilité des pièces de rechange.
  • Ce sont donc les derniers stocks d’origine soviétique, que possédaient encore les pays qui furent membres du Pacte de Varsovie, qui ont été livrés en priorité, entre autres de nombreux chars T-72.
  • Depuis l’Ukraine a demandé – et obtenu – des pièces d’artillerie moderne à longue portée, sapant ainsi l’avantage russe en puissance de feu ainsi que la logistique nécessaire pour ternir le front, qui a fini par craquer. Les Ukrainiens ont ainsi prouvé qu’ils pouvaient rapidement se former à l’usage de nouveaux équipements au standard de l’OTAN.

Des chars modernes, mais lesquels et venus de quel pays ?

L’argument lourd de l’oncle Sam : le M1 Abrams. En service depuis 191 et modernisé à plusieurs reprises, le Abrams, avec sa silhouette reconnaissable et ses 60 tonnes (environ, selon les versions) représente la puissance de feu américaine. Cet engin va être acquis par la Pologne en remplacement des chars déjà cédés à l’Ukraine.

  • Mais les États-Unis semblent réticents et préféreraient continuer à renforcer l’artillerie ukrainienne plutôt que de fournir des chars d’assaut. Par crainte, sans doute, tant de la surenchère que de voir cette arme emblématique tomber dans les mains des Russes.
  • Selon le journal allemand Frankfurter Allgemeine, Washington préférait qu’un de ses alliés européens prenne ce genre d’initiative.

Le dernier-né des félins germaniques : le Leopard 2. Lui aussi né de la guerre froide, ce char a trouvé le juste milieu entre mobilité, protection, et puissance de feu, et a lui aussi été constamment modernisé depuis son entrée en service en 979.

  • L’ennui, c’est que l’Allemagne rechigne systématiquement à s’impliquer dans une guerre. Le débat public et politique a été vif pour livrer des Panzerhaubitze 2000 ou des Flakpanzer Gepard, et ça sera encore le cas pour un char d’assaut. En outre, cette frilosité s’étend aux pays qui ont acheté des Leopard 2, car toute réexportation nécessite l’accord du pays producteur, rappelle Opex 360.
  • Il faut dire que l’armée allemande ne dispose que de 328 de ces chars, dont 104 qui doivent être modernisés au standard Leopard 2A7 en 2023.

L’exception française : le char Leclerc. L’Ukraine obtiendra-t-elle donc à la place ce fleuron technologique de l’armée française, très polyvalent et capable de tirer en mouvement tout en mettant au but à 2.000 m avec son redoutable canon de 120 mm ?

  • C’est possible, mais ce n’est pas gagné, car la France ne produit plus de nouveaux engins depuis 2008. Au total, 876 exemplaires ont été construits depuis 1978, mais les forces blindées françaises prévoyaient de n’en aligner plus que 250 d’ici 2025. Difficile donc d’en offrir.
  • Pour autant, une demande aurait été officiellement faite par le gouvernement ukrainien. « L’examen de la demande est en cours », a confirmé Étienne de Poncins, l’ambassadeur de France en Ukraine, le 9 novembre dernier lors d’une audition à l’Assemblée nationale. « Pour de telles questions, le dialogue a lieu directement entre les deux présidents. »

Livrer des chars, un défi logistique

Le contexte technique : on l’a vu avec l’usure rapide des pièces d’artillerie fournies à l’Ukraine : une guerre de haute intensité consomme du matériel à grande vitesse. Il faut donc organiser des rotations entre les engins sur le front, et ceux en réparation à l’arrière.

  • Livrer des chars de combat à l’Ukraine signifie mettre à la disposition du pays des techniciens, des centres de réparation, et des pièces de rechange. Pas évident, alors que les armées occidentales manquent elles-mêmes de moyens.
  • En outre, même si les Ukrainiens se sont révélés très rapides à l’apprentissage, on n’apprend pas aisément à piloter un nouveau char, surtout un engin moderne. Il faudrait entraîner les nouveaux tankistes comme ça a été fait pour les artilleurs, ce qui monopolise aussi des engins et des pièces de rechange, en plus de prendre du temps.
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