L’Ukraine reçoit du matériel de guerre de tous côtés, y compris des Russes

Après l’abandon du projet d’envoi d’avions de chasse, Washington bat le rappel de ses alliés européens possédant encore des chars de conception soviétique en stock afin de les céder aux Ukrainiens. Les Américains pourraient proposer en échange du matériel neuf aux standards de l’OTAN. La République tchèque vient d’annoncer qu’elle allait déjà envoyer des tanks aux Ukrainiens, tandis que Prague et Bratislava ouvrent leurs usines à l’armée ukrainienne. La guerre semble bel et bien entrer dans une nouvelle phase, un mois après l’invasion.

Le mois dernier, les États-Unis avaient, avec l’aide de certains pays européens et en particulier de la Pologne, envisagé de fournir de nouveaux avions de chasse à l’armée ukrainienne. Une tâche fort complexe : les pilotes ukrainiens n’ayant pas le temps de se former sur de nouveaux appareils, il leur fallait des avions de fabrication soviétique auxquels ils sont habitués, et qui pourraient rejoindre le combat immédiatement, par exemple des chasseurs Mig-29.

Les avions, trop visibles donc trop dangereux

La Pologne s’était un temps déclarée prête à céder les siens en échange de nouveaux avions de l’OTAN, avant de faire marche arrière : cela n’a rien d’évident de livrer discrètement des avions à un pays voisin, et le Kremlin aurait pu aisément les prendre pour cible. Devant un risque réel d’escalade l’idée a été abandonnée, tant pour Washington que pour Varsovie.

Mais les Américains envisagent maintenant une manœuvre moins risquée pour renforcer l’armée ukrainienne : lui faire parvenir de nouveaux chars de bataille, d’autant plus utiles maintenant que Kiev est passé à la contre-offensive et semble garder l’initiative après un mois de défense acharnée face à l’armée russe. Mais là encore, l’oncle Sam ne pourra pas compter sur son propre arsenal : les Ukrainiens n’ont pas le temps de se former sur des chars issus des entrepôts de l’OTAN. Les Américains ont donc entamé des discussions avec leurs alliés qui ont fait partie du bloc soviétique afin que ceux-ci cèdent certains de leurs chars.

Des centaines de chars soviétiques dans l’ordre de bataille de l’OTAN

Déjà, le 1er avril, l’Allemagne a donné son feu vert à l’envoi en Ukraine d’une cinquantaine de BMP-1A1, c’est à dire des véhicules de combat d’infanterie ayant servi sous la République démocratique allemande, avant d’être revendus à la Suède, qui les a ensuite modernisés et cédés à la République tchèque, rappelle Opex360. Mais l’Ukraine a besoin de véritables chars de bataille, comme l’a rappellé énergiquement le président Zelensky. Et quelques pays de l’OTAN possèdent encore un nombre important de T-72, pour la plupart mis en réserve. la Bulgarie en possède 250 en stock et 160 en service, la Hongrie en aligne 134 en stock et compte remplacer les 34 encore en service par des tanks allemands. Et surtout la Pologne possède toujours une impressionnante force blindée : plus de 860 chars, dont 382 T-72 modernisés, que le pays compte remplacer sous peu par des Abrams américains.

Grand roque sur la carte de l’Europe

On peut ainsi envisager un accord que Michel Goya, historien et colonel en retraite de l’armée française, a comparé à la manœuvre du roque aux échecs : les membres orientaux de l’OTAN accepteraient de transférer leurs T-72 en Ukraine à l’injonction de Washington, tandis que les Américains s’engageraient à leur tour à les remplacer au plus vite avec du matériel américain afin de ne pas laisser ces pays vulnérables.

Un officiel américain qui a tenu à garder l’anonymat confirme que ces transferts de chars devraient commencer sous peu, mais a refusé de dire combien de chars seraient envoyés, ou de quels pays ils proviendraient. Mais on vient d’apprendre que la République tchèque venait d’annoncer l’envoi de certains de ses chars vers l’Ukraine, sans préciser leur nombre ni le modèle, mais il est probable qu’il s’agisse de T-72. C’est le premier envoi de chars en Ukraine par un pays tiers, sans toutefois que l’on sache s’il s’est fait sous supervision américaine. Dans une déclaration conjointe, des diplomates tchèques et slovaques ont fait savoir qu’ils vont mettre leurs industries d’armements à disposition des troupes ukrainiennes pour qu’elles puissent réparer leurs véhicules, rapporte le Wallstreet Journal.

La guerre entre dans une nouvelle phase

La décision d’aider à transférer les chars intervient alors que l’armée ukrainienne a continué à repousser les Russes sur le front nord, mettant Kiev à l’abri de toute nouvelle menace. Les combats semblent s’intensifier dans le Donbas, où les deux camps vont probablement transférer les forces ainsi rendues disponibles, mais où les Ukrainiens bénéficient de lignes de communication plus courtes.

L’arrivée de ces chars pourrait être un autre signal d’une nouvelle phase de cette guerre ; l’Ukraine avait déjà trouvé une source de chars, en capturant au moins 161 blindés russes sur le champ de bataille, selon le site d’analyse militaire Oryx, bien que la Russie ait également détruit un certain nombre de chars ukrainiens. De son côté, la Russie a capturé 43 chars ukrainiens, selon des analystes qui étudient les photos et les vidéos sur les médias sociaux afin de décompter les pertes de chaque côté. Attention que toutes ces estimations du nombre de véhicules détruits sont probablement plus basses que la réalité.

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