L’économie russe résiste mieux que prévu. Les promesses de cataclysme n’ont tout simplement pas eu lieu, en tout cas pour le moment.
Revenons quelques mois en arrière, aux prémices de l’invasion russe en Ukraine. Bruno Le Maire, le ministre français des Finances, avait eu début mars des propos particulièrement belliqueux et optimistes. Sur France Info, il déclarait que la France et l’Union européenne allaient « livrer une guerre économique et financière totale à la Russie », dans l’objectif assumé de « provoquer l’effondrement de l’économie russe ».
S’il était revenu par après sur le terme de « guerre » – propos alors inapproprié, la France et l’UE n’était pas en guerre – il estimait que l’effondrement russe était bien une question de temps: « Les réserves de change russes sont en train de fondre comme neige au soleil, et le fameux trésor de guerre de Vladimir Poutine est déjà réduit à presque rien. »
Aujourd’hui, tout le monde sait que cette dernière affirmation n’est pas vraie. La balance commerciale de la Russie a triplé pour atteindre 167 milliards de dollars, entre janvier et juillet. Certes, les Russes peuvent moins acheter de biens étrangers, mais surtout, les prix de l’énergie continuent de bien remplir leurs caisses.
1. La croissance
Bruno Le Maire était loin d’être le seul à avoir prédit des nuages sombres pour l’économie russe. JP Morgan estimait à la même période que le PIB russe allait s’effondrer de 35%. Goldman Sachs misait même sur la pire contraction depuis l’implosion de l’URSS.
Dans les faits, la croissance s’est contractée de 4% au deuxième trimestre. Sur toute l’année, le FMI prévoit une contraction de 6%, c’est 2,5% de moins que la précédente prévision. JP Morgan ne parle plus que d’une contraction de 3,5%, soit dix fois moins.
Le chômage a chuté de 3,9% au deuxième trimestre et la demande intérieure est plus résistance que prévu. « Le profil du PIB semble donc de plus en plus compatible avec une récession prolongée, mais pas très marquée », indique JP Morgan.
2. Les exportations vers l’Asie
En attendant l’embargo complet, le boycott occidental sur les produits énergétiques russes était censé faire mal à la Russie. Mais il apparait aujourd’hui que le pays n’a pas baissé ses exportations, trouvant de nouveau débouchés.
Parmi ces nouveaux débouchés, il y a bien sûr l’Inde qui a joué un rôle important. Ses importations de pétrole ont augmenté pendant 5 mois consécutifs pour un total d’un million de barils par jour, ce qui représente une augmentation de… 900%.
La Chine joue un rôle plus ambigu. L’augmentation d’achats de pétrole à bas prix n’a pas été aussi marquée, mais les données satellitaires ont montré des plus grands échanges entre avril et juillet. C’est bien simple, la Russie a pris à l’Arabie saoudite la première place des exportateurs de pétrole vers la Chine. D’après les chiffres officiels, Pékin importe 1,68 million de barils par jour, soit 7,6% de plus qu’il y a un an.
Sans oublier que l’Europe a toujours du mal à mettre en pratique ses déclarations. L’UE importe encore 2,8 millions de barils par jour, selon les données de Bloomberg. C’est 40% de moins qu’en février, mais on est loin d’être à zéro.
3. L’activité des usines
Faute de pouvoir importer des produits à haute valeur technologique, on promettait un déclin de l’industrie russe. L’indice PMI des directeurs d’achat est passé de 50,8 en février à 37,7 en mars. Un indice au-dessus de 50 montre une croissance, en dessous de 50, c’est une contraction.
Eh bien l’indice n’a fait que progresser : à 44,4 en avril, puis 50 en juin et 52,2 en juillet. Cela veut tout simplement dire que l’activité est repartie à la hausse en Russie.
La situation russe à long terme reste toutefois précaire. L’inflation campe au-dessus des 15%, la consommation a chuté de 11% au dernier trimestre, la confiance des consommateurs diminue et la croissance devrait maintenant baisser pour plusieurs trimestres consécutifs. Les experts affirment toujours, qu’à long terme, la Russie court à la catastrophe. Les entreprises étrangères n’investissent plus dans le pays, on y recense une fuite des cerveaux, et la Russie peut s’attendre à un contrechoc des produits gaziers, comme cela s’est produit pour les monarchies pétrolières, après les chocs pétroliers des années 70.