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Assiste-t-on à un tournant ? Dans « le document le plus sombre jamais publié », la Chine se retrouve largement discréditée par les entreprises européennes

Assiste-t-on à un tournant ? Dans « le document le plus sombre jamais publié », la Chine se retrouve largement discréditée par les entreprises européennes
Le port de Qingdao, en mai 2019. (STR/AFP via Getty Images)

Alors que de nombreux pays à travers le monde en ont fini – ou presque – avec les mesures restrictives destinées à endiguer la pandémie, la Chine poursuit sa politique « zéro Covid ». Pour le grand malheur des entreprises européennes qui – si ce n’est pas déjà fait – songent de plus en plus à y limiter leurs activités. Et le coronavirus n’est pas la seule raison à cela.

Dans un document publié ce mercredi, la Chambre de commerce de l’Union européenne en Chine a dépeint un tableau délétère du sentiment des entreprises européennes dans le pays le plus peuplé du monde. Pour le Financial Times, il s’agit tout simplement du rapport le plus pessimiste du siècle.

L’introduction du communiqué de presse donne d’ailleurs le ton: « Si, par le passé, le programme de réformes de Pékin a permis de garantir la stabilité, de propulser la croissance économique et de faciliter l’afflux massif d’investissements directs étrangers, l’idéologie l’emporte désormais sur l’économie » entame la chambre sur son site.

En ligne de mire : la politique « zéro Covid » qui a rendu quasiment impossible l’entrée en Chine et a provoqué un exode du personnel étranger. En outre, les modifications sur les protocoles d’importation de marchandises ont perturbé les chaînes d’approvisionnement des entreprises. Sans oublier les (nombreux) lockdowns, qui ont fait chuter la demande des consommateurs, dénonce la chambre.

Le coronavirus, mais pas seulement

La pandémie et la politique mise en œuvre pour l’affronter ne sont pas les seuls facteurs poussant au désamour entre les entreprises européennes et la Chine, explique la chambre.

D’une part, les entreprises européennes supportent mal d’être l’objet d’une « surveillance accrue » dans leur pays pour leurs pratiques en Chine. Elles sont gênées par les réglementations qui entrent en vigueur – ou qui vont être instaurées – par les USA et l’UE au sujet de la prévention du travail forcé, notamment par les Ouïghours. Car elles seraient « dans l’incapacité d’effectuer des audits indépendants par des tiers des chaînes d’approvisionnement au Xinjiang », selon la chambre.

D’autre part, le déclenchement de la guerre en Ukraine a amplifié les craintes des entreprises de la possibilité d’un conflit entre la Chine et Taïwan, devenu tout d’un coup plus crédible. Une perspective qui les pousse naturellement à reconsidérer leurs activités dans la région.

De manière plus globale, la chambre regrette le fait que la politique chinoise actuelle, qui privilégie les entreprises nationales, se traduise par « l’éloignement du pays du reste du monde ». « Je suis ici par intermittence depuis 40 ans et je n’ai jamais rien vu de tel, où tout d’un coup, la prise de décision idéologique est plus importante que la prise de décision économique », a déclaré Joerg Wuttke, président de la chambre, cité par CNBC. « Et peut-être que cela est également amplifié par les voix de l’extérieur, les sanctions de l’Amérique, qui isolent la Chine, donc je peux comprendre en partie pourquoi l’autosuffisance est si importante dans l’agenda. »

Aucune nouvelle entrée européenne en Chine depuis le Covid

« L’étendue de l’engagement des entreprises européennes [en Chine] ne peut plus être considérée comme acquise », a ajouté la chambre, précisant que le pays perdait rapidement « son attrait en tant que destination d’investissement » et que les deux régions du monde « s’éloignaient de plus en plus l’une de l’autre ».

« C’est le document le plus sombre jamais publié », a même fini par asséner Joerg Wuttke devant les journalistes, dans des propos rapportés par le Financial Times.

D’après les données publiées par la chambre, les effets de cette perte de confiance des entreprises européennes vis-à-vis de la Chine se ressentent très fortement. Ainsi, aucune nouvelle entreprise européenne n’a pénétré le marché chinois depuis le début de la pandémie. En 2020, les investissements directs étrangers de l’UE en Chine ont chuté de 11,8%. Reshoring, nearshoring, friendshoring : les stratégies visant à ramener la production chez soi, plus près des consommateurs ou dans des pays alliés pullulent.

Ce phénomène concerne surtout les petites entreprises, précise la chambre, qui souligne le fait qu’il existe encore « un groupe restreint de multinationales très en vue prêtes à faire des éclaboussures de milliards de dollars » en Chine. Les géants allemands de l’automobile, par exemple, y ont même investi davantage ces derniers mois, la taille de l’économie chinoise restant un argument de taille. Toutefois, selon la chambre, cela ne devrait pas suffire à inverser la tendance.

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