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Articles écrits par une IA : encore un média pris la main dans le sac, et c’est franchement embarrassant

Articles écrits par une IA : encore un média pris la main dans le sac, et c’est franchement embarrassant
Créé en 1954, Sports Illustrated a nettement perdu de sa superbe. (Getty Images, FREDERIC J. BROWN/AFP via Getty Images)

Depuis le succès grand public de ChatGPT, plusieurs entreprises de presse tentent de profiter de l’intelligence artificielle pour générer des articles à moindres frais. Le dernier en date ? Le magazine américain Sports Illustrated. Et ses explications sont aussi bancales que ses articles.

Pourquoi est-ce important ?

Parmi les potentielles dérives liées au développement de plus en plus rapide de l'intelligence artificielle, il y a la crainte des suppressions d'emplois. Les journalistes sont notamment concernés. Car il n'aura pas fallu longtemps avant que des entreprises de presse tentent le coup de l'IA. Si c'est déjà très regrettable en soi, ça le devient encore plus lorsque celles-ci tentent de mentir.

Dans l’actu : de très lourds soupçons sur Sports Illustrated.

  • Selon une enquête de Futurism, Sports Illustrated a publié des articles écrits par une IA, signés de la « main » d’auteurs aux noms, photos et profils, eux aussi générés de toutes pièces par celle-ci.

Des invraisemblances dont seule l’IA peut nous gratiner

Les détails : comment s’en est-on rendu compte ?

  • Les éléments avancés par Futurism, qui a fait de la traque des articles écrits par l’IA une de ses nouvelles spécialités, sont très interpellants.
  • Ces derniers mois, on a retrouvé sur le site du média américain Sports Illustrated des articles qui n’avaient pas du tout l’air d’avoir été écrits par des humains. Alors qu’ils étaient pourtant présentés comme tels.
  • D’une part, ces publications étaient truffées d’incohérences assez propres à l’IA. Exemple : « Le volleyball peut être un peu difficile à pratiquer, surtout sans un véritable ballon avec lequel s’entraîner ».
  • D’autre part, elles étaient attribuées à un auteur… introuvable. Les journalistes de Futurism ont tenté de retrouver ces auteurs sur les réseaux sociaux. Aucune trace. Ils ont essayé de trouver d’autres articles qu’ils auraient écrits pour d’autres médias. Rien. Finalement, ils se sont aperçus que les photos utilisées dans les bios de ces auteurs provenaient… d’un site de vente de portraits générés par l’IA. Là, ça a commencé à sentir drôlement le sapin.
    • Au fil du temps, ces profils d’auteurs disparaissaient pour être remplacés par d’autres qui semblaient tout aussi artificiels. Et, peut-être plus effarant encore… on leur réattribuait les mêmes articles. Le conifère était définitivement dressé dans les locaux de Sports Illustrated.

Subitement, tous les articles générés par l’IA sont supprimés

Et après : la réaction gênante du groupe de presse.

  • Face à ce constat troublant, Futurism a interrogé quelques journalistes (des vrais) travaillant chez Sports Illustrated. Sous couvert d’anonymat, ils ont confirmé que la direction utilisait « beaucoup » l’IA pour générer des articles.
  • Contacté, l’éditeur du magazine, Arena Group, a tenté de se justifier. Il a expliqué que tous les articles incriminés lui avaient été fournis par une société externe. Et qu’il avait déjà lancé sa propre enquête bien avant Futurism afin de tirer cette histoire au clair.
  • Arena Group avait tellement déjà pris l’affaire à bras-le-corps que dès que Futurism l’a contacté… tous les articles possiblement générés par IA ont été supprimés du site. Oui, comme un enfant pris le doigt dans le pot de confiture.
  • Les explications avancées sont là aussi folkloriques. Les articles incriminés et fournis par la société externe auraient bel et bien été écrits par des humains. On leur aurait simplement demandé de signer sous un faux nom – assorti d’une fausse photo et d’une fausse bio, donc – afin de « protéger leur vie privée ». Inutile de préciser que lesdits articles n’avaient pourtant absolument rien à voir avec du Snowden ou du Assange.
  • Et c’est bien parce que Arena Group, apparemment grand défenseur de l’éthique journalistique et de la transparence, ne « tolérait pas » la signature sous pseudonyme qu’il a fait disparaître ces articles de son site. Et non parce qu’ils auraient été entièrement générés par l’IA, bien sûr.

Les exemples se multiplient

Le contexte : pas le premier cas.

  • Les justifications d’Arena Group vous ont vraiment convaincu ? Alors, sachez qu’un autre média du groupe, The Street, a également publié des articles fumeux. Comme l’un qui était censé donner cinq conseils financiers, lesquels étaient numérotés de… 1 à 1. Le tout sous la plume d’un autre auteur inconnu au bataillon. Exactement le même procédé que chez Sports Illustrated, donc.
  • Cette affaire n’est malheureusement pas la première du genre. L’un des premiers à avoir été pris la main dans le sac est CNET.
    • Après que Futurism a découvert le pot aux roses, sa rédactrice en chef a reconnu que  » 77 articles générés automatiquement avaient été publiés et que plusieurs nécessitaient des corrections ».
    • « Le processus n’est peut-être pas toujours facile ou joli, mais nous allons continuer à l’adopter, ainsi qu’à toute nouvelle technologie qui, selon nous, rend la vie meilleure », avait-elle ajouté.
    • Quelques semaines plus tard, une douzaine d’employés étaient licenciés. Remplacés par l’IA, en auront conclu les moins dupes.
  • Parmi les autres médias qui s’y sont essayés avant d’être repérés par Futurism, il y a aussi les très suivis Gizmodo et Buzzfeed.
  • Ne croyez pas que le phénomène se cantonne pour l’instant à l’autre côté de l’Atlantique. Le patron du mastodonte allemand Axel Springer (Bild et Die Welt, notamment) a ainsi déclaré sans sourciller que l’IA pouvait « remplacer le journalisme« . Ce qui déboucherait sur « une réduction significative des emplois dans les domaines de la production, de la mise en page, de la correction et de l’administration ».
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