« Après réflexion, le prolongement du nucléaire semble impossible »: les ministres verts allemands et les représentants de l’énergie douchent les espoirs autour de l’atome

Décidée il y a plus de dix ans, la fermeture des centrales nucléaires allait bon train. Le 31 décembre prochain, les trois dernières centrales auraient mis leurs réacteurs à l’arrêt. Mais au vu des risques en approvisionnement en gaz, suite à la guerre en Ukraine, le débat sur une éventuelle prolongation est relancé, notamment par le Chancelier Scholz. Mais les ministres de l’Économie et de l’Environnement ne le voient pas comme ça, et le secteur de l’énergie a des doutes aussi. Les obstacles juridiques et les retards de livraison en uranium seraient trop importants. Un débat qui fait écho en Belgique.

Après la catastrophe nucléaire de Fukushima, l’Allemagne a décidé de mettre fin à son exploitation de l’énergie nucléaire. Petit à petit, les réacteurs se sont arrêtés, et les derniers survivants connaissent tous leur date de mise à l’arrêt : le 31 décembre 2022. Mais avec la guerre en Ukraine, et l’envolée spectaculaire des prix du gaz qui en résulte, la donne a quelque peu changé. L’Allemagne comptait sur les centrales à gaz pour remplacer le nucléaire et le charbon, mais elle est largement dépendante du gaz russe.

Ainsi, l’Allemagne osait un volte-face inattendu, le 27 février, en annonçant réfléchir à la prolongation de ses centrales nucléaires, lors d’un discours remarqué du Chancelier Scholz devant le parlement. Mais dans le gouvernement allemand de coalition socialiste-libérale-écologiste, le nucléaire, et l’énergie en général, est un sujet sensible. Les écologistes ne sont pas en faveur du nucléaire, et le réitèrent souvent. Après dix jours de réflexion, les ministres verts sortent du silence : « après évaluation des avantages et des risques, nous déconseillons la prolongation des réacteurs ».

Robert Habeck (Économie) et Steffi Lemke (Environnement) estiment que la prolongation n’empêchera pas d’éventuelles pénuries d’énergie l’hiver prochain, rapportent le quotidien Welt. Lemke continue : en temps de crise, il ne faut pas faire de compromis sur la sécurité, et la prolongation de l’activité des trois centrales, pendant des années encore, serait un risque pour la sécurité. La priorité est avant tout de réduire la dépendance envers l’étranger, continue-t-elle, ce qui se fera via un développement accéléré du secteur renouvelable.

Le secteur nucléaire emboîte le pas

Les représentants du secteur nucléaire et de l’énergie suivent les deux ministres, en balayant la possibilité de prolongation. Les pénuries redoutées de gaz et de charbon l’hiver prochain ne pourront pas être équilibrées par la prolongation des centrales, clament-ils.

La livraison de combustible est également remise en question, notamment par le groupe PreussenElektra (filiale de Eon). Selon des premières estimations, la première livraison pourrait avoir lieu dans un an et demi. Comme les centralestouchent à la fin de leur activité, les stocks d’uranium ne sont pas suffisants. De plus, il faudrait alors changer de fournisseurs, car les actuels sont russes et kazakhs, et canadiens dans une moindre mesure.

RWE, distributeur d’électricité, estime encore que la balle est dans le camp politique, mais les obstacles juridiques et techniques seraient tout de même importants.

Mais tous les écologistes ne sont pas d’accord

Le ministre-président du Land de Baden-Württemberg, Winfried Kretschmann, n’exclut pas de facto une prolongation du nucléaire. Il est d’accord avec Habeck pour dire que la priorité reste la sécurité de l’approvisionnement, mais selon lui le nucléaire pourrait y avoir son rôle à jouer. « Nous devons maintenant trouver des solutions à court terme – et à moyen terme, il n’y a pas d’autre solution que d’accélérer encore le développement des énergies renouvelables afin de nous rendre indépendants des combustibles fossiles », expliquait-il dans la Süddeutsche Zeitung.

Le Land compte notamment une centrale nucléaire encore en marche. Mais le ministre-président n’ose pas se prononcer sur une prolongation de cette centrale, et renvoie la balle à l’exploitant et au fédéral. « Il s’agit de questions très complexes du point de vue du sens, de la faisabilité et du point de vue juridique. Il est clair – surtout après les attaques potentiellement très dangereuses contre des installations nucléaires – que l’on reste fondamentalement sur la voie de la sortie du nucléaire et du passage aux énergies renouvelables ».

Un écho en Belgique

Le dernier mot n’est sans doute pas encore tombé dans ce débat allemand. Ces Jeudi et vendredi, les ministres de l’Énergie vont se retrouver pour un congrès européen, à Versailles, pour discuter du futur énergétique en Europe et revoir la dépendance face à la Russie.

Mais ce débat allemand fait singulièrement écho à la politique belge. Après la volte-face des Allemands, les écologistes belges, notamment via la ministre de l’Énergie Tinne Van der Straeten (Groen), et le coprésident d’Ecolo Jean-Marc Nollet ont entonné ce lundi ne plus tant être opposé à la prolongation du nucléaire. Le gestionnaire des centrales, Engie, excluait la prolongation, mais récemment dans la tourmente financière à cause de l’arrêt de Nord Stream 2, le groupe français pourrait vouloir assurer ses arrières pour garantir ses rentrées financières, et le nucléaire belge était jusque-là un revenu solide assuré. En Belgique aussi, le débat semble plus ravivé que jamais.

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