Après la Lituanie, la Lettonie déclare l’état d’urgence migratoire à la frontière biélorusse: qu’est-ce que ça signifie ?

Depuis le début de l’été, de nombreux migrants affluent depuis la Biélorussie vers les pays baltes. Cela a d’abord été vers la Lituanie, c’est désormais également le cas vers la Lettonie. Après Vilnius, c’est au tour de Riga de déclarer l’état d’urgence. Concrètement, qu’est-ce que cela implique ?

Pourquoi est-ce important ?

À la suite de la réélection du président biélorusse Alexandre Loukachenko au terme d'élections suspectées d'avoir été truquées, il y a un an, les relations entre l'ancienne république soviétique et l'Union européenne sont très mauvaises. Elles le sont d'autant plus depuis que la Biélorussie a détourné fin mai un avion Ryanair faisant la liaison Athènes-Vilnius. Suite aux sanctions européennes, la Biélorussie est soupçonnée d'organiser l'arrivée de migrants sur ses terres, afin de les mener ensuite vers l'UE, avec les pays baltes comme première destination.

Depuis quasiment deux mois, la Lituanie voit, chaque nuit, des dizaines de migrants tenter de passer illégalement sa frontière – de 680 km – avec la Biélorussie. Elle dit en avoir dénombré environ 4.000 depuis le milieu de l’été. Pour leur barrer la route, elle a commencé à placer des barbelés à sa frontière, qui seront consolidés par la suite par un (coûteux) mur long de 550 km.

Début juillet, la Lituanie a également déclaré l’état d’urgence, en votant une loi qui rationalise les demandes d’asile. Cela signifie que tous les dossiers doivent être traités en maximum dix jours. Et que toute personne qui franchit illégalement la frontière est maintenue enfermée.

La semaine dernière, le gouvernement lituanien a décidé de lancer une politique plus dure, et plus controversée, qui donne une plus grande marge de manœuvre aux gardes-frontières pour repousser les migrants à la frontière biélorusse. Il a également été décidé d’offrir 300 euros à ceux qui acceptent de retourner dans leur pays d’origine, c’est-à-dire principalement l’Irak ou d’autres pays du Moyen-Orient, d’Afrique du Nord ou d’Afrique subsaharienne.

Au tour de la Lettonie

Un mois après la Lituanie, c’est à présent au tour de la Lettonie, sa voisine du nord, de voir de nombreux migrants se presser à sa frontière – de 173 km – avec la Biélorussie. Entre lundi et mardi de cette semaine, elle a recensé environ 200 entrées illégales en l’espace de 24 heures.

Ce mardi, les ministres lettons se sont réunis en cabinet et ont décidé de déclarer l’état d’urgence migratoire. Il durera trois mois – une durée qui pourra être raccourcie ou prolongée, en fonction de l’évolution de la situation – et concernera les quatre municipalités frontalières à la Biélorussie, au sud-ouest du pays. La deuxième ville lettone la plus peuplée, Daugavpils (83.000 habitants), en fait partie.

L’ordonnance permettra aux gardes-frontières lettons de renvoyer les migrants illégaux vers la Biélorussie, de rejeter les demandes d’asile et d’utiliser la force physique si nécessaire, rapporte le média public letton LSM, tandis que la police d’État et les forces armées nationales sont tenues de contribuer à l’application de l’ordonnance.

Le Premier ministre Krišjānis Kariņš a qualifié cette décision de tournant et de fermeture de la frontière avec la Biélorussie, tandis que le ministre de la Justice Jānis Bordāns a souligné qu’elle avait été prise en réponse à une guerre hybride de la part du régime d’Alexandre Loukachenko.

La Biélorussie accusée de « trafic d’êtres humains »

À la fin du printemps, suite aux sanctions européennes, M. Loukachenko avait annoncé que son pays ne « retiendrait plus » les migrants de Biélorussie. « Ils ne viennent pas chez nous mais dans l’Europe éclairée, chaleureuse et douillette », avait-il ironisé début juillet, au moment où il semblait avoir mis ses menaces à exécution.

Plus que de laisser les migrants rejoindre l’Union européenne via les pays baltes, la Biélorussie est accusée par la Lituanie de cibler certains pays, comme l’Irak, pour proposer aux locaux des vols bons marché vers Minsk et en vue les pousser par la suite vers l’UE. Une pratique qualifiée de « trafic d’êtres humains » par la Lituanie.

« Nous ne voyons pas de véritables flux de migrants qui fuient pour leur vie et choisissent un radeau qui met réellement leur vie en danger, mais ce que nous voyons, ce sont des agences de tourisme qui vendent des billets pour la frontière européenne, et des billets pas si chers – c’est une situation très différente », a notamment dénoncé le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis. « Nous devons comprendre qu’il existe des compagnies aériennes officielles qui transfèrent des personnes de Bagdad à Istanbul ou d’Istanbul à Minsk, des agences de voyages qui sont enregistrées dans plusieurs pays, ce qui signifie qu’il y a peut-être des organismes officiels qui participent au trafic d’êtres humains. »

De son côté, la Biélorussie continue de nier organiser de telles opérations.

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