C’est la question que se pose The Economist. Les agences de renseignement observent bien sûr en premier lieu des indicateurs militaires. Mais si on veut mieux anticiper un conflit, une conjugaison de facteurs économiques peut également se montrer utile.
Dans l’actu : prévoir un conflit avec des indicateurs économiques sur base du cas chinois.
- À l’instar de la Guerre froide avec la Russie, les États-Unis et la Chine se regardent en chien de faïence. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, la question de l’invasion de Taïwan s’est installée au premier rang des risques d’un conflit entre les deux superpuissances.
- Prévoir une éventuelle invasion sur base d’indicateurs militaires s’avère souvent trop tard. Cela pourrait plutôt se faire sur base d’une combinaison de plusieurs facteurs économiques, analyse The Economist. Des indicateurs qui viendraient à rompre avec les tendances historiques de la Chine.
Les matières premières sont la clé
L‘essentiel : De quels facteurs parle-t-on ? Il faut regarder du côté des matières premières.
- Le pétrole : la Chine importe près de trois quarts du pétrole qu’elle consomme. Cette énergie ne représente que 20% du mix énergétique chinois, mais il s’agit de la matière première la plus essentielle dans le cadre d’un conflit armé. Pensez simplement aux véhicules militaires pour le transport des troupes et le ravitaillement. « Si la Chine devait commencer à augmenter ses réserves – elle en a actuellement assez pour durer trois mois au rythme de consommation actuel – ce serait l’un des meilleurs indicateurs », déclare Gabriel Collins de l’Université Rice au Texas, au média économique britannique.
- La Chine augmente ses stocks depuis une décennie et ses réserves sont de plus en plus constituées sous terre, de sorte qu’on ne les détecte pas. Mais si la Chine venait à importer du pétrole de manière disproportionnée par rapport à la moyenne historique, puis venait à le rationner, profitant à son armée plutôt qu’à ses entreprises, ce serait l’un des signaux d’une invasion.
- Le gaz : il s’agit d’une énergie plutôt marginale en Chine. Mais elle n’est pas négligeable pour autant. Si la Chine venait à craindre d’être coupée d’un approvisionnement en gaz, elle brûlerait sans doute beaucoup plus de charbon pour effectuer des stocks.
- Il y a d’ailleurs un cas d’école avec le conflit en Ukraine. La principale compagnie gazière russe a réduit l’approvisionnement dans les mois qui ont précédé l’invasion. Dans ce laps de temps, « les entités chinoises ont acheté plus de 91 % de tout le gaz naturel liquéfié acheté dans le monde dans le cadre de contrats à terme », selon Collins. 9 des 20 entreprises publiques impliquées dans l’achat n’avaient jamais acheté de gaz auparavant. Pour la première fois, la Chine n’a pas négocié sur base de livraisons futures, mais a anticipé avant que les prix du gaz ne s’envolent. Ce qui pose par ailleurs la question d’une complicité entre Pékin et Moscou.
- La nourriture : le stockage de nourriture est un autre facteur clé qui anticiperait un conflit imminent. Mais il s’agit de distinguer ce qui changerait vraiment, car la Chine est obsédée par sa sécurité alimentaire. Au cours de la dernière décennie, la Chine a fortement augmenté ses achats de blé, de maïs, de riz et de soja. Selon un responsable chinois, la Chine disposerait d’un stock de blé pour répondre à la demande pendant 18 mois.
- Si un conflit était en préparation, on pourrait observer des importations encore plus importantes. Un aliment en particulier doit retenir l’attention, selon Gustavo Ferreira, officier agricole de l’armée américaine : le soja. La Chine importe 84% de son stock de soja, dont 60% sert uniquement à nourrir les porcs.
Le détail : la question des métaux.
- On le sait, la Chine possède un quasi-monopole sur un nombre important de terres rares / métaux précieux.
- Anticiper un conflit pourrait se faire sur base du refus de la Chine de céder certains de ses métaux indispensables aux nouvelles technologies (batteries, panneaux solaires, équipements militaires, etc.). En juillet, par exemple, la Chine a annoncé limiter les exportations sur le gallium et le germanium, deux métaux utilisés dans les puces. Dans ce cas-ci, c’est le fruit de la guerre technologique que se livrent les États-Unis et la Chine, mais c’est un exemple assez édifiant.
- On peut aussi anticiper un conflit, même si c’est plus compliqué, par l’achat anormal de métaux que la Chine ne possède pas ou peu, et qui sont indispensables pour de l’équipement militaire. Par exemple le platine et le palladium ou encore des éléments tels que le béryllium et le niobium.
Quoi qu’il en soit, la Chine travaille déjà à se rendre plus indépendante pour contourner les sanctions occidentales. Un tas d’exemples existent. À commencer par les tentatives chinoises de proposer une alternative au système financier contrôlé par l’Occident et en particulier le dollar, que ce soit par la négociation de contrats en yuan avec des partenaires commerciaux ou par l’introduction de son yuan numérique.