La saga dure depuis plusieurs mois. Et comme les positions ne bougent pas, les relations se tendent. L’Allemagne veut que la Suisse l’autorise à envoyer en Ukraine des munitions de fabrication helvétique.
L’Allemagne exaspérée par la neutralité de la Suisse, qui l’empêche d’envoyer des munitions en Ukraine : « Il faut parfois prendre des décisions inconfortables »

Pourquoi est-ce important ?
Dans les premiers jours de la guerre, il y avait de nombreux doutes quant à la capacité des Ukrainiens à se défendre face à l'invasion russe. Plus d'un an plus tard, si la réalité du terrain est très loin de ce qu'espérait le Kremlin, c'est en partie parce que les partenaires occidentaux de l'Ukraine l'ont très bien armée.Dans l’actu : Scholz veut que la Suisse déroge à son principe neutralité.
- À l’occasion d’une visite du président suisse à Berlin, Olaf Scholz a appuyé la pression allemande sur la Suisse pour que celle-ci autorisé l’envoi de munitions en Ukraine.
- Achetées par l’Allemagne et stockées dans des entrepôts militaires allemands, ces munitions ont été fabriquées en Suisse.
Les explications : le feu suisse est toujours au rouge.
- Le groupe allemand Rheinmetall a longtemps uniquement fait fabriquer ses munitions pour les chars antiaériens Gepard en Suisse.
- Il y a quelques mois, suite à la situation que nous vous exposons ci-dessous, il a décidé d’ouvrir une nouvelle usine en Allemagne. Les premières munitions devraient en sortir cet été.
- La Suisse vend ensuite les munitions fabriquées sur son territoire à d’autres pays. Lors de l’achat, ces derniers doivent toutefois signer une déclaration de non-réexportation, qui stipule qu’ils doivent demander le feu vert de Berne s’ils souhaitent les envoyer ailleurs par la suite. Ce n’est pas une particularité suisse : ce « certificat d’usage final » existe partout, ou presque. La spécificité ici est que, par principe, la Suisse dit toujours non.
- Depuis de nombreux mois, l’Allemagne – mais aussi le Danemark et l’Espagne – demandent toutefois à la Suisse de réexporter vers l’Ukraine du matériel militaire qu’ils lui ont achetée.
- La Suisse plie : en janvier, la commission parlementaire de la politique de sécurité s’est dite favorable (à 14 voix contre 11) à la réexportation d’armes vers l’Ukraine. En soi, c’est déjà un événement.
- Mais elle ne rompt pas : le Conseil fédéral, l’organe exécutif du pays, oppose toujours son véto. Même si plusieurs initiatives sont en cours au Parlement pour assouplir les règles de réexportation d’armes, aucune décision n’est attendue avant plusieurs mois.
Pour le président suisse, c’est toujours non
Les détails : « on ne peut pas nous demander d’enfreindre nos propres lois », vraiment ?
- Ce mardi, Scholz a profité de la visite du président suisse Alain Berset à Berlin pour réitérer sa demande.
- « Nous avons discuté de la question. Cette guerre en Europe nous appelle tous à examiner de manière critique notre image de soi et parfois à être prêts à prendre des décisions inconfortables mais justes », a-t-il déclaré, cité par Euractiv.
- Le chancelier allemand a donné pour exemple l’attitude de son propre pays, qui, pour l’Ukraine, a rompu avec sa tradition de ne pas envoyer des armes dans des conflits militaires ouverts.
- De son côté, le président suisse est resté ferme.
- « La neutralité signifie que la Suisse ne soutient militairement aucune des deux parties », a souligné Berset. Comme c’est en Suisse qu’a été conclue la Convention de Genève et qu’on trouve les sièges européen de l’ONU et international de la Croix-Rouge, « c’est aussi une question de crédibilité », a-t-il ajouté.
- « On ne peut pas nous demander d’enfreindre nos propres lois. On ne peut pas exiger cela de nous », a-t-il également fait valoir.
- Notons tout de même que, sur son site, le Département fédéral suisse des Affaires indique que « la neutralité n’est pas une donnée rigide, mais un instrument de la politique extérieure, de la politique de sécurité et aussi de la politique économique, qu’il faut adapter en fonction du climat politique général ».
- Ne pas autoriser la réexportation de munitions – voires d’armes – en Ukraine reste donc bien un choix politique.
- Berset a précisé que « la neutralité ne signifie pas l’indifférence », rappelant que la Suisse n’a pas hésité à se joindre à ses alliés européens pour geler les avoirs d’oligarques russes pour d’une valeur d’environ 7,5 milliards de francs suisses.