L’an dernier, face à l’explosion des prix, les pays européens ont déployé un arsenal de mesures destinées à éviter que cela ne se répercute trop sur les factures d’énergie. Quelques mois plus tard, le régulateur européen de l’énergie dresse son bilan : ce n’était pas forcément une bonne idée.
Les aides des États sur les factures d’énergie ont eu un effet « contre-productif », selon le régulateur de l’UE

Pourquoi est-ce important ?
C'est tout l'enjeu de la transition menée à travers l'Union européenne : passer à des sources d'énergie moins polluantes, tout en évitant que cela n'affecte le portefeuille des ménages et des entreprises. La crise de l'hiver dernier, déclenchée par la guerre en Ukraine, en a été le meilleur exemple.Dans l’actu : le régulateur européen de l’énergie alerte sur l’impact des aides.
- Dans un rapport sur les mesures d’urgence prises sur les marchés de l’électricité, l’Agence de coopération des régulateurs de l’énergie (ACER) déplore les conséquences négatives de ces décisions.
- L’agence estime que cela encourage l’utilisation de combustibles fossiles.
Le détail :
- L’ACER estime qu’en empêchant le prix des factures de suivre les prix de gros, ces mesures présentent le risque de « déformer ou neutraliser les signaux du marché » et ainsi mener à une « inefficacité énergétique globale ».
- L’argument a déjà été utilisé précédemment. En ne répercutant pas l’augmentation réelle des prix de l’électricité auprès des consommateurs, leur demande ne baisse pas en conséquence. Ce qui, in fine, est inquiétant pour l’approvisionnement européen.
- Car oui, pour affronter les années à venir, la consommation énergétique européenne doit nettement baisser. De 11,7% d’ici 2030, selon une directive adoptée cette semaine par le Parlement.
- L’agence ajoute que ces mesures d’urgence constituent de mauvais signaux pour les investisseurs.
- « Les mesures qui entraînent indirectement une augmentation des combustibles fossiles, en subsidiant les combustibles fossiles ou la demande, sont contre-productives. En effet, le passage de la production d’électricité au gaz, au pétrole ou au charbon influence l’efficacité énergétique totale de la production d’électricité. Les interventions sur les marchés de détail et de gros peuvent décourager les investissements. De telles interventions subventionnent indirectement la demande et diminuent donc les avantages de certains investissements pour protéger les consommateurs à l’avenir », lit-on dans le rapport.
- Précision importante : ce ne sont pas tellement les mesures d’aide en tant que telles qui sont ciblées par l’ACER, mais plutôt le fait qu’elles ne sont pas ciblées. Il aurait convenu de les adresser en priorité aux ménages et entreprises les plus vulnérables, plutôt que de faire ce que trop de pays ont fait : aider tout le monde à peu près de la même façon.
- Le fait que chaque pays se soit débrouillé chacun de son côté est également critiqué. Il aurait mieux valu une approche globale, estime le régulateur.
Contexte : réforme du marché de l’électricité en cours.
- Au total, l’ACER a identifié et étudié 439 mesures énergétiques d’urgence prises à travers l’UE (+ Norvège) entre juillet 2021 et février 2023.
- Un tiers d’entre elles concernaient la sécurité d’approvisionnement, deux tiers la protection (financière) des consommateurs finaux.
- Se basant sur un rapport de Bruegel, l’agence souligne que ce sont 646 milliards d’euros de mesures énergétiques d’urgence ont été dépensés sur l’année 2022.
- Actuellement, une vaste réforme du marché de l’électricité est débattue au sein de l’Union européenne. Mais les négociations sont difficiles, notamment en raison du conflit entre la France et l’Allemagne (et de leurs alliés respectifs) au sujet de la place à donner à l’électricité d’origine nucléaire dans cette réforme.