Le ministère allemand de l’Economie refuse la vente d’une usine à puces électroniques à une société chinoise. Pour « protéger la souveraineté technologique et économique de l’Allemagne et de l’Europe », selon le ministre Habeck. L’Allemagne a-t-elle appris des deux scandales de ces dernières semaines?
« Nous ne sommes pas naïfs »: l’Allemagne ne veut pas répéter avec les puces électroniques ce qui s’est passé avec le port d’Hambourg. La vente à la Chine, c’est non

Pourquoi est-ce important ?
Ces dernières semaines, l'Allemagne a fait la Une de l'actualité pour sa relation commerciale avec la Chine. Pour d'aucuns, la première puissance économique du continent européen serait en voie de devenir dépendante de la Chine comme elle l'était de la Russie, il y a peu.Dans l’actu : l’Allemagne refuse la vente d’une usine à puces électroniques à la Chine.
- C’est ce qu’annonce le ministère de l’Economie ce mercredi. Il s’agit de l’usine de la société Elmos, située à Dortmund, que Silex, la filiale suédoise du chinois Sai Microelectronics, voulait racheter pour 85 millions d’euros. Elle produit des wafers, sortes de moules à produire les puces et semi-conducteurs.
- Le ministère parle un danger pour l’ordre public et la sécurité du pays, si la vente avait été officialisée.
- « Nous devons être très attentifs aux rachats d’entreprises lorsqu’il s’agit d’infrastructures importantes ou lorsqu’il y a un risque de fuite de technologie vers des acquéreurs non européens. Dans le secteur des semi-conducteurs en particulier, il est important pour nous de protéger la souveraineté technologique et économique de l’Allemagne et de l’Europe. Bien sûr, l’Allemagne est et reste un lieu d’investissement ouvert, mais nous ne sommes pas naïfs non plus », explique le ministre compétent Robert Habeck.
- La « naïveté » : ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Habeck emploie ce mot. En septembre, il annonçait déjà vouloir créer une nouvelle politique commerciale envers la Chine, sans naïveté. Voilà peut-être le premier exemple de ce nouveau ton adopté envers Pékin.
- Elmos n’accueille pas du tout la décision avec le sourire. « Le transfert de nouvelles technologies micromécaniques de Suède et des investissements importants sur le site de Dortmund auraient renforcé la production de semi-conducteurs en Allemagne », déplore l’entreprise, qui avait trouvé un accord avec Silex en décembre 2021 déjà. Elle indique ne pas avoir été consultée en vue de cette décision et que le ministère lui a récemment transmis une version provisoire de l’autorisation pour la vente. Elle réfléchit à introduire en recours en justice.
L’essentiel : éviter un nouveau scandale ?
- Depuis plusieurs semaines, les projecteurs sont braqués sur l’Allemagne à cause de ses relations commerciales avec la Chine.
- D’abord, la vente d’une part de 35% d’un important terminal du port de Hambourg, finalement revue à 25%, au groupe chinois Cosco a fait couler beaucoup d’encre. Notamment à cause de l’enthousiasme du chancelier (et ancien bourgmestre de la ville portuaire) Olaf Scholz pour cette vente, qui a tout fait pour qu’elle se réalise.
- La semaine d’après, c’est ce même Olaf Scholz qui s’est rendu en visite officielle à Pékin, main dans la main avec les grands noms de l’industrie allemande. De quoi susciter le courroux des autres pays européens, mais aussi des partenaires de la coalition au pouvoir dans le pays, les Verts.
- Faut-il alors comprendre le refus de l’écologiste Habeck de la vente d’Elmos à une société chinoise comme un pied-de-nez à son chancelier ? Ou voulait-il éviter que l’Allemagne s’empêtre, une troisième fois en trois semaines et pour des raisons similaires, dans un scandale et soit fustigée de toutes parts ? On ne le saura sans doute jamais. Mais il pourrait s’agir d’un changement de cap dans la politique commerciale allemande.
- Dans tous les cas, ces deux premiers éléments ont valu de vives critiques à l’Allemagne : elle répéterait avec la Chine la dépendance qu’elle avait envers la Russie, créée durant de longues années par Merkel et Schröder.