« L’ère de la naïveté, c’est terminé » : la visite d’Olaf Scholz en Chine fait grincer de nombreuses dents européennes

Le chancelier allemand Olaf Scholz se rendra en Chine vendredi. Une première visite d’un dirigeant européen depuis la crise sanitaire. Les partenaires de l’Allemagne regrettent une entrevue non concertée, alors que l’Union devrait se montrer stricte vis-à-vis de la Chine, sans naïveté, regrette le Commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton.

Pourquoi est-ce important ?

L'Allemagne reste le moteur économique de l'Europe, mais fait de plus en plus cavalier seul, craignant pour son industrie. Sa dépendance vis-à-vis de la Russie lui a coûté cher. Beaucoup lui font remarquer que sa dépendance à la Chine pourrait être encore pire.

Dans l’actu : Olaf Scholz se rend en Chine vendredi.

  • Olaf Scholz rencontrera le président Xi Jinping et son premier ministre Li Keqiang sur 24 heures, en raison de la politique zéro-covid de la Chine.
  • Le chancelier sera accompagné des grands industriels que sont Volkswagen ou BASF, la Chine étant le premier partenaire commercial de l’Allemagne.
  • Selon Reuters, Emmanuel Macron a proposé au chancelier allemand de s’y rendre ave lui, pour envoyer un message d’unité à la Chine et au reste du monde, mais l’offre aurait été déclinée.
  • De quoi faire sortir de ses gonds Thierry Breton, commissaire européen.
    • « Il faut que nous soyons extrêmement vigilants. Les États membres ne peuvent plus dire : cela a déjà été fait avant, donc je vais continuer à le faire », fustige le Français.
    • « Il est très important que les États fassent évoluer leur comportement vis-à-vis de la Chine, dans un cadre beaucoup plus coordonné plutôt qu’individuel, comme la Chine évidemment ne cesse de vouloir le faire ».
    • Le commissaire européen rappelle le temps « de la diplomatie des masques » de la crise Covid : « Tous ces éléments, nous ne pouvons pas les oublier. L’ère de la naïveté, c’est terminé. Le marché européen est ouvert, sous conditions. »

Il y a plus : la décision d’Olaf Scholz ne fait pas du tout consensus en Allemagne

  • Même la presse allemande tombe des nues : « Les Allemands s’envolent vers Pékin dans l’espoir de faire du business as usual« , fustige le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung.
  • Si le chancelier et les industriels veulent s’écarter du « Chine bashing » ambiant, la ministre écologiste des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, n’est pas sur la même longueur d’onde : « Nous ne devons plus dépendre d’un pays qui ne partage pas nos valeurs », au risque de se rendre « politiquement vulnérables au chantage », a-t-elle plaidé, appelant à ne pas commettre les mêmes « erreurs » qu’avec la Russie, rapporte l’AFP.
  • Et l’écologiste est loin d’être la seule à s’inquiéter : un consensus émergent au sein des partis – de gauche à droite – pour diminuer la dépendance de l’Allemagne par rapport à la Chine. Le chef de l’opposition de l’Union chrétienne-démocrate, Friedrich Merz, préconise de prendre au sérieux les avertissements des services de renseignement allemands.
  • Au sein de la majorité, le vice-président du FDP, Johannes Vogel, demande de « mettre un panneau stop clair devant la Chine ». Le ministre de l’Économie Robert Habeck (Groene) a promis de ne plus faire preuve de naïveté dans les relations entre l’Allemagne et Pékin. Avec des mesures concrètes : la possibilité de contrôler les investissements allemands qui sortiraient vers la Chine.

Le contexte : l’Allemagne fait cavalier seul.

  • Par conséquent, la récente décision d’Olaf Scholz, contre l’avis de 6 ministres de son gouvernement, de vendre 25 % du port de Hambourg, le plus grand du pays, à la société chinoise Cosco, a suscité l’incompréhension. Ce n’est certainement pas le seul port d’Europe vendu au groupe chinois, mais disons que le contexte a fortement changé.
  • Depuis un certain temps, toutes les décisions de l’Allemagne suscitent le courroux de ses partenaires européen, et en particulier de la France. Le temps du tandem Angela Merkel-Emmanuel Macron semble bien loin. Les plans à 200 et 100 milliards pour soutenir l’économie allemande et son industrie de la défense, sans aucune concertation, est clairement le signe d’une Deutschland zuerst (l’Allemagne d’abord).
  • Dans un scénario de politique-(pas si)fiction, imaginez la Chine envahir Taïwan. Les sanctions que subit la Russie seraient alors appliquées à Pékin. L’Allemagne se retrouverait dans la même situation de dépendance du gaz russe qu’elle ne l’est avec la Chine pour son industrie.
  • Et il n’est pas question que du cavalier seul de l’Allemagne vis-à-vis de l’Europe. Les États-Unis – qui ont longtemps mis en garde Berlin contre sa politique russe – voient le signe d’une dissension au sein des alliés occidentaux, qui devraient plutôt adopter une position ferme par rapport à la Chine.
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