La réglementation européenne sur les biocarburants, une catastrophe pour la production de bière, de pain et de vin ?

Les levures sont de petites merveilles : ces petits champignons unicellulaires sont capables de provoquer la fermentation des matières animales ou végétales, ce qui en fait pour nous des alliés de choix dans notre alimentation. C’est bien simple : sans levure, pas de pain ni de bière. Pas de vin non plus, ni d’ailleurs certains fromages, et ce ne sont là que les aliments les plus courants à nécessiter un processus de fermentation dans leur élaboration.

Dans ce contexte, la classification de la mélasse comme matière première renouvelable et sans carbone pour les biocarburants n’est pas une bonne nouvelle, selon les producteurs de levure européens.

La mélasse est un sous-produit sirupeux obtenu par l’extraction des sucres de la betterave sucrière qui peut avoir de nombreux usages, et c’est bien ça le problème. L’organisme commercial des producteurs de levure de l’UE, Cofalec, demande aux législateurs de soumettre son utilisation à un plafond pour les biocarburants, car il s’agit pour eux d’une matière première essentielle. Les producteurs de levure se battent en outre contre la classification de la mélasse comme « résidu », qui pourrait lui permettre d’entrer dans l’annexe IX de la directive sur les énergies renouvelables, qui définit les matières premières des biocarburants avancés qui ne sont pas soumis à un plafond d’utilisation.

Le risque de dépendre de la Chine et des USA

« Tout notre coproduit de sucre, la matière première, est en jeu » s’alarme auprès d’Euractiv Diane Doré, la secrétaire générale de Cofalec. « Il est en danger. Et cela pourrait vraiment provoquer un scénario dans lequel l’industrie de la levure en Europe disparaîtra à un moment donné, s’il n’est pas possible de la produire. » Une véritable catastrophe selon elle, et qui pourrait se répercuter sur une large part de l’industrie alimentaire européenne, qui deviendrait plus dépendante de la Chine et des États-Unis pour répondre à la demande de levure si celle-ci venait à manquer dans l’UE. « Nous parlons de souveraineté alimentaire – même pour faire du pain, nous devrons importer notre levure de Chine », craint-elle.

Les législateurs européens sont actuellement engagés dans des négociations visant à finaliser le texte de la directive révisée de l’UE sur les énergies renouvelables, mais le statut des biocarburants pose question, tant différents secteurs industriels s’inquiètent. Tant pour leurs nouveaux usages autorisés que pour ce qu’on pourra – ou pas – mettre dedans. La proposition avancée par la Commission européenne stipule qu' »aucune émission n’est attribuée aux déchets et aux résidus » et que les matières premières pour biocarburants incluses dans l’annexe IX « sont considérées comme ayant des émissions de gaz à effet de serre nulles sur l’ensemble du cycle de vie » ce qui signifie que les résidus de l’agriculture et de la sylviculture pourront servir à composer des carburants. Les résidus qui ne relèvent pas de l’annexe IX verront leurs émissions de carbone calculées en fonction de « leur substitut le plus proche sur le marché de l’alimentation humaine et animale ». Le Parlement européen, quant à lui, estime pertinent de totalement supprimer cette nuance.

Personne ne veut perdre de sa matière première

Et tout le problème est là pour les producteurs de levure : si la position du Parlement prévaut, l’utilisation de la mélasse comme biocarburant neutre en carbone sera encouragée. Ils font donc pression pour qu’elle soit incluse dans la catégorie des cultures « alimentaires et fourragères » pour les biocarburants, ce qui signifierait que leur utilisation est soumise à un plafond, actuellement fixé à 7%.

Le Parlement européen a voté le 14 septembre dernier pour augmenter l’objectif de réduction des émissions du secteur des transports de l’UE de 13 % à 16 % d’ici 2030. Mais de nombreux secteurs industriels y voient un danger pour leurs matières premières, par exemple celui des aliments pour animaux. Tandis que d’autres, comme celui de l’éthanol, y voient au contraire un nouveau débouché. De quoi déchainer le lobbying dans les alcôves bruxelloises.

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