L’Europe veut réformer son marché de l’électricité, et une solution proposée est de faire des zones d’enchères plus petites, pour que les prix correspondent mieux aux moyens de production locaux. L’Allemagne pourrait se voir divisée en plusieurs parties, et les prix varieraient fortement entre le nord et le sud du pays.
Une aberration, écrivions-nous il y a quelques semaines. Les prix de l’électricité sur le marché européen sont en quelque sorte couplés aux prix du gaz (sauf en Espagne et au Portugal), alors qu’à peine un cinquième de la production européenne d’électricité est issu du gaz, et que les prix du gaz se sont multipliés par 15 en moins de deux ans.
L’Europe veut changer la donne, mais ne sait pas encore comment s’y prendre. L’agence européenne pour la coopération entre régulateurs, l’ACER, a mis une solution sur la table, en début du mois : des « configurations alternatives des zones d’enchères pour l’électricité », de manière à ce que les prix correspondent mieux au mix énergétique de la zone en question. Ces zones seraient également réduites en taille : l’Allemagne par exemple serait divisée en deux, trois, ou quatre (voire cinq) zones, au lieu de n’être qu’une seule zone (comme c’est actuellement le cas pour tous les pays). Les Pays-Bas seraient coupés en deux, la France en trois et la Suède en trois ou quatre.
Allemagne : disparité énorme
Et c’est là que le bât blesse. L’Allemagne est la championne d’Europe de l’éolien et du solaire, avec respectivement 65 et 62,5 GW, sur une capacité totale d’environ 220 GW (38 GW de charbon et 32 de gaz), selon les données d’Electricitymap. Mais le renouvelable n’est pas réparti de manière égale sur tout le territoire. Dans le sud du pays, en Bavière notamment, il y a beaucoup moins d’installations d’éoliennes ou de panneaux solaires, et le réseau de distribution est vieillissant.
La proposition de l’ACER met le pays en désaccord, tant au niveau régional qu’au niveau fédéral. En Bavière, les prix seraient deux fois plus élevés que dans le nord. Le Nord n’y voit pas d’inconvénient ; au contraire, l’état actuel du marché est pour eux une injustice : « Il est injuste que ceux qui produisent le plus d’énergie renouvelable aient le prix de l’électricité le plus élevé », s’insurge la socialiste Manuela Schwesig, ministre-présidente du Land Mecklembourg-Poméranie occidentale, citée par Euractiv.
Des paroles qui ne passent pas en Bavière. « Schwesig veut punir les citoyens de Bavière pour le fait qu’il y a moins de vent qui souffle ici. Difficile à battre en matière d’audace », rétorque Martin Huber, secrétaire générale du correspondant bavarois (CSU) du parti conservateur CDU. Pour les verts du Land alpin, tout comme pour le syndicat des mines, de la chimie et de l’énergie, le problème serait un manque d’investissement et d’une opposition au renouvelable de la part de la CSU (au pouvoir durant quasi toutes les législations) qui font date.
Fédéral: les mains liées?
Au niveau fédéral, il est bien plus difficile de prendre position. Personne ne voudrait passer pour celui qui impose des prix plus élevés à une région et réduit les coûts à une autre. Surtout que la Bavière est la deuxième région la plus peuplée et la deuxième en termes de PIB, un électorat que personne ne voudrait se mettre à dos.
Le député fédéral conservateur Andreas Lenz estime qu’une telle séparation serait un « désavantage concurrentiel » pour l’ensemble du pays, et à l’intérieur du pays. « Nous devons prendre une décision entre une expansion des réseaux électriques beaucoup plus importante qu’auparavant ou une conception du marché plus régionale », plaide-t-on du côté des verts, même si on ne s’attend pas à une « décision révolutionnaire ».
Pour le régulateur allemand du réseau, la proposition va à contresens de ce qui serait nécessaire. Il plaide pour le contraire : des zones d’enchères encore plus larges, qui réunissent plusieurs pays. « Les grandes zones fournissent des liquidités et des signaux de prix importants pour l’ensemble du marché intérieur de l’énergie », explique-t-il, cité par Euractiv.
A quand une décision?
L’ACER attend une réponse des gouvernements avant la fin de l’année. Les gestionnaires des réseaux « disposent de 12 mois pour procéder à l’examen des zones et recommander le maintien ou la modification des zones existantes », annonce l’agence européenne.
De son côté, la Commission européenne est en train de récolter les propositions des pays membres pour réformer le marché. L’examen commencera en septembre, et un projet sera présenté l’année prochaine. Une décision ne tombera donc pas dans l’immédiat, et à court et à moyen terme, on peut s’attendre à ce que les prix de l’électricité restent très élevés.