Les investisseurs occidentaux ne veulent plus d’or russe dans leur portefeuille. Mais il apparaît aujourd’hui qu’il n’est pas si facile de séparer le bon grain de l’ivraie.
Le 22 juillet, l’Union européenne a introduit une interdiction d’achat d’or d’origine russe, dans le cadre d’un nouveau train de sanctions contre Moscou en réaction à son invasion de l’Ukraine voisine. Cela devrait avoir un impact important : le métal précieux est l’une des principales exportations de la Russie, représentant près de 19 milliards d’euros de revenus rien qu’en 2020.
La part du lion de cet or russe, d’une valeur de quelque 17 milliards d’euros, est allée au Royaume-Uni, où se trouve le London Bullion Market, le plus grand centre mondial de transactions de gré à gré (OTC). Celles-ci ne sont pas exécutées sur un marché officiel ; au contraire, les transactions de gré à gré sont effectuées entre deux parties, généralement par l’intermédiaire d’un réseau de courtiers. Sur le marché de l’or de Londres, quelque 50 milliards d’euros de métal jaune sont échangés chaque jour, selon Reuters.
Sur ce marché londonien, le métal précieux russe est également interdit depuis mars. Mais cette fois, ce n’est que l’or qui a été frappé après l’invasion de l’Ukraine qui tombe sous le coup de cette mesure. Elle ne s’applique donc pas aux centaines de tonnes d’or russe qui se trouvaient déjà dans des coffres avant le début de la guerre.
Les ventes peuvent perturber le marché de l’or
C’est là que le bât blesse. Les gestionnaires de fonds veulent se débarrasser de l’or pour ne pas se retrouver avec une réputation de détenteurs d’actifs russes. Et cela pourrait leur coûter une jolie somme.
La vente à grande échelle de cet or russe pourrait perturber l’ensemble du commerce de ce métal. Cela porterait atteinte à une caractéristique essentielle du système de Londres, à savoir que tous les lingots d’or doivent être interchangeables, quelle que soit leur origine. La vente de grandes quantités d’or russe en un court laps de temps pourrait faire chuter son prix.
Plusieurs banquiers ont déjà déclaré à Reuters qu’ils ne se débarrasseront pas de leurs réserves d’or russe pour cette raison. Ils disent qu’ils conseillent à leurs clients et aux autres traders de faire de même.
« Cela ne ferait que nuire aux investisseurs, sans porter atteinte au régime russe », a déclaré à Reuters Christopher Mellor, chef de produit à la société d’investissement Invesco, qui détient 35 tonnes d’or russe d’une valeur de 2 milliards d’euros, soit environ 13 % du total de l’or géré par la société.
Le prix n’a pas baissé
Le fait que les banquiers aient appelé en masse leurs clients et d’autres traders pour les convaincre qu’une baisse des actions ne leur serait pas profitable semble avoir fonctionné. Les lingots d’or frappés avant l’invasion russe se négocient toujours au même prix que les autres.
Les grands investisseurs, notamment les fonds indiciels (ETF), entités qui suivent le cours d’un ensemble de marchés financiers, tels que des indices boursiers et obligataires, et qui sont négociées sur les marchés boursiers, semblent également avoir pris le train en marche.
« Nos ETF ne peuvent pas retirer tous les métaux russes de leurs livres à court terme », a déclaré à Reuters un porte-parole de la Zürcher Kantonalbank, une banque suisse. « Les pertes potentielles ne seraient pas compatibles avec notre devoir fiduciaire envers nos clients et les vendre n’est pas possible pour le moment en raison de la situation actuelle. »
D’autres négociants auraient essayé de vendre leur or russe, principalement ceux qui possédaient une plus petite participation, de sorte que l’impact serait moindre. Par exemple, la maison britannique des monnaies, la Royal Mint, a déclaré qu’elle détenait pour quelque 40 millions d’euros d’or russe dans son ETF, mais qu’elle avait tout vendu en mars.
MB