L’euro est une monnaie très forte, il en a quasiment toujours été comme ça et il nous semble maintenant naturel de voir nos devises européennes valoir une certaine somme dans de nombreux pays qui ne l’utilisent pas. Mais cette domination pourrait bien s’effriter, s’alarment certains analystes. Pas au point de s’effondrer, mais au moins de se faire rattraper par l’autre grande devise forte de référence : le dollar américain.
Actuellement, une pièce d’un euro vaut 1,04 dollars américains, et c’est plutôt peu. Mais cette avance de la monnaie européenne sur l’emblématique billet vert pourrait bien disparaitre: le plus grand gestionnaire d’actifs d’Europe estime que l’euro tombera à parité avec le dollar américain cette année, car la menace croissante de récession empêche la Banque centrale européenne de relever ses taux d’intérêt au-dessus de zéro.
Une BCE plus frileuse à agir que la Fed américaine
Tout dépend en fait de la BCE, la banque centrale européenne, beaucoup plus frileuse que son équivalente américaine à prendre des mesures radicales pour endiguer l’inflation, Or, Vincent Mortier, directeur des investissements chez Amundi, s’attend à ce que la BCE donne la priorité au maintien du coût des emprunts publics plutôt qu’à la lutte contre l’inflation. Une telle décision laisserait la banque centrale de la zone euro encore plus loin derrière la Réserve fédérale américaine dans la lutte contre l’inflation et ferait tomber l’euro à 1 dollar pour la première fois depuis 2002.
« Nous sommes confrontés à une croissance plus faible ou probablement à une récession dans la zone euro », a déclaré Vincent Mortier au Financial Times. « Nous verrons l’euro à parité avec le dollar dès les six prochains mois ».
Un euro au plus bas face au billet vert
Durant le premier semestre de 2022, la monnaie européenne a déjà perdu 10% de sa valeur par rapport au dollar suite aux resserrements attendus de la politique de la Fed, avec série de hausses agressives des taux d’intérêt. Or la BCE devrait suivre, mais l’institution européenne est bien plus tiraillée entre les volontés de ses différents États membres que son équivalent américaine.
Mais Vincent Mortier considère que les marchés surestiment la capacité de la BCE à relever les taux d’intérêt avant qu’elle ne soit bloquée par une économie chancelante. Il s’attend à seulement deux hausses d’un quart de point dans le courant de l’année, à partir du niveau record actuel de moins 0,5 %, avant que la BCE ne s’arrête. Les marchés monétaires tablent actuellement sur au moins trois augmentations de ce type en 2022 et sur une nouvelle hausse à environ 1,5 % d’ici la mi-2024.
La Fed, en comparaison, a déjà relevé son taux directeur de 0,75 point de pourcentage depuis le début de l’année, pour le porter dans une fourchette de 0,75 à 1 %.
La BCE plus assez préoccupée par la lutte contre l’inflation ?
« Si la BCE se concentrait uniquement sur l’inflation, alors 1,5 % serait très probable. Mais ce n’est pas le cas » résume l’analyste. Selon M. Mortier, le mandat officiel de la BCE – maintenir l’inflation à près de 2 % – est en fait devenu sa troisième priorité, derrière la préservation de « l’intégrité de la zone euro » en limitant les écarts de coûts d’emprunt entre les États membres, et le soutien de la croissance économique alors que le bloc subit les retombées de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Un retour à la parité avec le dollar achèverait un long voyage aller-retour pour l’euro, qui est passé sous la barre du dollar peu après sa création en 1999, mais qui a dépassé le billet vert en 2002 grâce à la croissance rapide de son utilisation internationale, et qui, bon an mal an, caracolait en tête depuis.