Faire de la Belgique un hub européen de la blockchain ? Les dirigeants n’en ont manifestement pas l’ambition, transpire-t-il de nouveaux échanges parlementaires. Les maigres initiatives des autorités fédérales n’ont pas duré. Quant aux implications les plus récentes, elles répondent scolairement aux devoirs imposés par l’Europe.
« Blockchain et cryptomonnaies sont des révolutions technologiques qui ne peuvent pas vivre pour elles-mêmes, elles doivent servir les personnes », déclarait Mathieu Michel lors du Digital Finance Summit en décembre dernier. Inspiré par l’événement de la communauté fintech belge, le secrétaire d’État à la Digitalisation laissait même entrevoir une administration bientôt blockchainisée.
Quelques jours plus tard, il avait de nouveau démontré son attention sur le sujet en assistant à l’inauguration de la BAx, l’association des acteurs industriels belges de la blockchain. « Nous devons suivre de près son évolution afin de percevoir et d’exploiter tous ses avantages », avait assuré le « Monsieur Numérique » du gouvernement fédéral.
Sûrement désireuse de mesurer le degré d’initiatives concrètes de l’exécutif en matière de blockchain, la députée fédérale Kathleen Verhelst (Open VLD) a entretemps adressé par écrit une série d’une douzaine de questions précises au secrétaire d’État. La parlementaire libérale flamande s’interrogeait quant aux projets publics utilisant cette technologie, le budget déjà investi pour d’éventuels déploiements ou à libérer pour ce secteur stratégique.
Une vision ou -mieux encore- un plan d’investissement ?
Dans sa longue réponse adressée plus récemment, Mathieu Michel laisse entendre qu’il n’y a pour ainsi dire pas la moindre vision à propos de la blockchain. « Il n’y a aucun projet en cours de production et/ou dépassant le statut de proof-of-concept ou d’expérimentation. Il n’y a pas de déploiement de la blockchain à ce jour. Il n’y a pas de budget spécifique prévu », énumère-t-il lapidairement.
Face aux avancées sociétales fondées technologiquement, comme celles promises autour de la blockchain, les gouvernements ont tendance à subir le changement, ont déjà déploré des acteurs politiques, dénonçant « une ignorance qui pousse au conservatisme« . D’ailleurs, lorsqu’il est interpellé sur la maturité et la sûreté de la blockchain pour envisager un déploiement à large échelle en Belgique, le secrétaire d’État à la Digitalisation invoque des « considérations non technologiques ».
Certes, Mathieu Michel salue la robustesse de la technologie, « en principe sûre, pour autant qu’aucune autre technologie ayant la capacité de ‘casser’ les blockchains, comme le quantum computing, n’émerge à l’avenir. »
La crainte d’un « gouvernement dissout »
Mais il doute des conséquences pratiques de la décentralisation technologique, se demandant s’il est vraiment souhaitable que « les utilisateurs soient les seuls responsables de leur propre accès à la solution ».
« Il est donc très important d’examiner soigneusement quelle brique technologique (y compris la blockchain) est la plus adaptée lors de la conception d’applications pour les processus gouvernementaux », insiste le secrétaire d’État, en s’appuyant sur le rapport de l’OCDE relatif à l’utilisation de la blockchain dans le secteur.
Et de répondre par une question subversive : « Le gouvernement tire sa légitimité des processus démocratiques qui le soutiennent : comment cela se rapporte-t-il à la ‘dissolution’ de ce même gouvernement en tant que fournisseur de services fiable ? »
La valeur ajoutée de cette nouvelle technologie rime apparemment avec augmentation du risque, pour les autorités. La preuve avec le vote électronique. Les progrès en termes de transparence et de traçabilité deviennent ainsi un risque supplémentaire pour la protection des données.
« Alors que la discussion sur le vote électronique se concentre généralement sur les risques de dysfonctionnement des ordinateurs, le piratage potentiel des systèmes si le vote avait lieu en ligne et les risques de fraude électorale, la blockchain ajoute une nouvelle dimension, à savoir le fait qu’un vote est secret et anonyme et ne peut être enregistré ‘pour toujours’ », souligne Mathieu Michel.