Une nouvelle loi russe obligera les entreprises à retirer leurs actions des bourses étrangères. Les depositary receipts, titres représentant des actions, seront également retirés. Les oligarques en tout cas y seront les perdants.
La Russie s’isole toujours plus du monde. Le 16 avril, Poutine a signé des amendements pour un décret qui oblige les entreprises russes à se retirer des bourses à l’étranger, rapporte Bloomberg. Il entrera en vigueur 10 jours après sa publication. Un nouveau coup dur pour les oligarques, à qui les actions cotées à l’étranger assuraient une source de devises étrangères, à travers les dividendes.
Les oligarques comme le baron du nickel Vladimir Potanine (Nornickel est coté à Moscou et à Londres) ou Vladimir Lissine (la compagnie sidérurgique NLMK est cotée à Moscou et à Londres) devront donc revoir la manière dont ils détiennent et organisent leur société. A Londres, 27 actions russes étaient cotées début mars, dont des acteurs connus comme Sberbank, Lukoil et Gazprom. Huit autres sont cotées aux Etats-Unis. 61 entreprises étaient cotées en Europe, dont Rusal et Aeroflot également.
Le décret de Poutine prévoit également d’arrêter la négociation des depositary receipts, ou DR. Ils sont une sorte de papier représentant l’action étrangère, par exemple russe dans ce cas, cotée en Russie, à une bourse locale, par exemple Londres. Ce procédé est vu comme plus simple qu’une double cotation, pour atteindre des investisseurs étrangers.
Un coup d’épée dans l’eau?
Depuis le début de la guerre, Londres, New York et les bourses européennes avaient déjà progressivement gelé l’échange de depositary receipts des entreprises russes.
Les IPO (introduction en bourse) à l’étranger ont fortement ralenti ces dernières années. Dans les années 90 et 2000, la Russie s’ouvrait au monde et intégrait les marchés financiers internationaux. Mais depuis 2014 et l’annexion de la Crimée, seuls six milliards de dollars ont été récoltés par des IPO à l’étranger. Cela est relativement peu contre le record de 2007, avec 17 mlliards de dollars levés.
Le décret de Poutine prévoit tout de même des exceptions pour les entreprises russes qui veulent rester cotées aux bourses étrangères. NLMK a par exemple déjà annoncé vouloir faire la demande pour garder sa cotation à Londres. La compagnie pétrolière Taftnet indique hésiter et peser le pour et le contre.
Quid pour les investisseurs étrangers?
En remplacement de leur depositary receipts d’entreprises russes, retirés des bourses étrangères, les investisseurs étrangers recevront des actions simples, cotées en Russie, de l’entreprise en question. Elles seront placées sur des comptes pour non-résidents. Depuis le début de la guerre, ces types d’avoirs, de la part d’étrangers, sont gelés en Russie, pour éviter une vente massive et une chute du rouble. Les investisseurs resteront donc avec leur action sur les bras. Mais peut-être qu’il n’est pas encore trop tard pour sortir son épingle du jeu : JP Morgan et Citi, deux banques d’investissement, ont aidé leurs clients à annuler des DR, en vue de cette loi.
La loi décourage en tout cas le milieu des affaires. « Les droits des actionnaires qui croient en la Russie et ont investi sur le marché russe pendant de nombreuses années, et qui ne peuvent pas détenir directement des actions russes, sont lésés », a déclaré Lissine dans une interview accordée à journal économique russe Kommersant. « Ils n’ont rien à voir avec la politique, et il y a un risque que leurs droits de propriété soient tout simplement perdus. »
La Russie s’isole donc de plus en plus du monde économique, et comme disent de nombreux commentateurs, le pays retourne 30 ans en arrière.