Vladislav Sourkov fait partie du cercle restreint de Vladimir Poutine depuis plus de vingt ans. Il aurait maintenant été arrêté pour détournement de fonds publics et corruption, ainsi que 150 agents des services secrets FSB. Sourkov était également le cerveau derrière l’invasion de l’Ukraine.
En tant que stratège en chef de Poutine, il a conçu la stratégie russe pour l’Ukraine et a ainsi contribué à préparer le terrain pour l’invasion du pays. Cependant, cela ne s’est pas passé comme Poutine l’aurait souhaité : les troupes russes ont dû renoncer à la conquête de la capitale Kiev, et se sont même complètement retirées du nord de l’Ukraine. Avec une offensive de grande envergure dans la région de Donbas, la Russie espère maintenant limiter les dégâts dans une certaine mesure. Mais en même temps, Poutine cherche des coupables de l’échec.
Voyages et escadrons d’assassinat
Les regards se sont rapidement tournés vers le Cinquième Service, qui fait partie du FSB, le service secret chargé de l’espionnage dans les anciens pays soviétiques (hors des frontières de la Russie). Depuis le début de l’invasion, les services secrets ukrainiens ont fait état d’insubordination et de sabotage au sein de l’administration russe. Des informations seraient également transmises aux Ukrainiens, comme la localisation des escadrons d’assassinat qui devaient tuer le président Volodymyr Zelensky. En outre, des agents du FSB auraient épuisé le budget du service en faisant des virées shopping en Thaïlande, à Chypre ou aux Maldives afin d’impressionner les nouvelles recrues (ukrainiennes).
Il est grand temps de mettre les choses en ordre, a jugé Poutine. Dès le 11 mars, il a placé le chef du cinquième service, Sergeï Beseda, en résidence surveillée, ainsi que son adjoint, Anatoly Bolyuk. Beseda aurait même été transféré à la prison de Lefortovo, que le dirigeant soviétique Joseph Staline utilisait pour commettre torture et exécutions de masse. Vladislav Sourkov aurait également été placé en résidence surveillée pour des soupçons de corruption et de détournement de fonds publics. C’est ce qu’a déclaré Christo Grozev, directeur exécutif du collectif de recherche Bellingcat, au journal britannique The Times.
L’éminence grise de Poutine
Bien que Sourkov lui-même ne soit pas très connu de la sphère occidentale, il est considéré par les experts comme le meilleur stratège du Kremlin, qui a même aidé Vladimir Poutine à s’installer au pouvoir puis à y rester. Son arrestation est probablement motivée par une bonne raison, mais elle constitue néanmoins une perte pour le président et ses proches.
Sourkov a commencé sa carrière dans le privé, en tant que conseiller en relations publiques de Mikhail Khodorovsky, qui était l’un des Russes les plus riches durant les années 1990. En 1999, à la demande du président de l’époque, Boris Eltsine, il devient le chef de cabinet adjoint du bureau présidentiel. À ce titre, il était également responsable de la succession d’Eltsine.
Convaincre les gouverneurs
Lorsque Eltsine a démissionné à la fin de 1999, Vladimir Poutine l’a remplacé. Lors des élections officielles, quelques mois plus tard, l’ancien premier ministre Evgueni Privakov semblait toutefois en mesure de l’emporter : il disposait d’une majorité écrasante à la Douma, le parlement russe, mais aussi la quasi-totalité des gouverneurs, qui avaient beaucoup de pouvoir dans le pays à l’époque et qui comptaient voter pour Privakov.
Vladislav Sourkov a été envoyé pour persuader les 89 gouverneurs de voter pour Poutine. Il était en fait l’élu au sein même du Kremlin, et recevait un grand soutien (financier) des oligarques russes. Roman Abramovitch, entre autres, a donné des millions de dollars à la campagne de Poutine. Lors de ses entretiens avec les gouverneurs, Sourkov a pu convaincre 34 d’entre eux de changer d’avis. Son patron, le chef de cabinet Alexander Voloshin, a fait pression sur les députés, après quoi Poutine a été élu sans heurts.
Jusqu’en 2011, Sourkov est resté le chef de cabinet adjoint du président, d’abord pour Poutine, puis pour Dmitri Medvedev. Par la suite, il est lui-même devenu vice-premier ministre dans le cabinet du même Medvedev, lorsque Poutine est redevenu président. Il a démissionné en 2013 et est devenu conseiller stratégique du président lui-même. Il y devient responsable des régions d’Abkhazie, d’Ossétie du Sud (toutes deux scindées de la Géorgie) et d’Ukraine, où il est chargé de l’ensemble de l’opération Donbas.