Les sanctions blessent l’économie russe. De plus en plus d’organisations compétentes estiment que le pays va tout droit vers le défaut de paiement de ses dettes. Les risques pour le secteur financier européen semblent pour l’heure minimes.
L’économie russe est de plus en plus mal en point. Après l’agence de rating Fitch, la Banque mondiale voit glisser l’économie vers le défaut de paiement. En d’autres mots, le pays ne pourra bientôt plus rembourser ses dettes. La chute du rouble y est entre autres pour quelque chose : les obligations détenues en monnaies étrangères deviennent ainsi beaucoup plus chères. Comme pied de nez face aux sanctions, le pays a même indiqué vouloir payer ses dettes en roubles.
C’est ce qu’explique Carmen Reinhart, économiste en chef de l’institution, à Reuters. L’Etat russe a des dettes de 40 milliards de dollars, via des obligations extérieures (à l’étranger). Depuis le début des sanctions qui coupent de plus en plus la Russie du monde, financier entre autres, cette menace de défaut plane sur les marchés.
« La Russie et la Biélorussie sont toutes deux en territoire de défaut », explique Reinhart. « Les agences ne les ont pas encore classés dans la catégorie des défauts de paiement, mais elles en sont très proches. »
Mardi, l’agence de rating Fitch, qui donne des notes sur la fiabilité des pays à rembourser leurs dettes, a baissé sa note de B à C, la dernière note avant le RD (défaut restreint) et le D (défaut).
Quel impact sur le secteur européen des finances?
Pour l’économiste et ancienne professeure à Harvard, les répercussions sont pour l’heure limitées. Des risques pourraient cependant apparaître s’il s’avérait que les institutions financières européennes étaient finalement plus exposées à la dette russe que ce que l’on supposait.
« Je m’inquiète de ce que je ne vois pas », explique Reinhart. « Les institutions financières sont bien capitalisées, mais les bilans sont souvent opaques. Il y a la question des défauts de paiement du secteur privé russe. On ne peut pas être complaisant ».
Le secteur privé russe détient ainsi des obligations internationales à hauteur de quasi 100 milliards de dollars. La Banque des règlements internationaux estime que les banques étrangères, et principalement les prêteurs européens, ont 121 milliards de dollars en emprunts ouverts en Russie.
Mais la Russie peut ici également compter sur la Chine : son voisin d’Extrême-Orient a augmenté ses emprunts, depuis 2014 et l’annexion de la Crimée. Mais les poches du pays ne sont pas infinies non plus.
Et la dette ukrainienne?
A la fin de l’année 2021, la dette de l’Etat ukrainien était de 94,6 milliards de dollars. Avec l’effort de guerre, elle risque de se creuser, Kiev ayant par exemple proposé des obligations de guerre. Le pays s’est engagé à tout payer en temps et en heure, mais il aura sans doute besoin d’un allègement de sa dette. Pour Reinhart, les créditeurs seront compréhensibles. L’Ukraine pourrait rater les paiements de certains intérêts, mais normalement le pays aura droit à des périodes de grâce, et ne verra pas sa note de crédit entachée.