Si l’humanité regarde vers Mars, les astronomes gardent quand même un œil sur l’autre sœur de notre Terre, la planète Vénus. Longtemps restée mystérieuse, pudiquement cachée sous son épais manteau de nuages opaques, celle-ci est loin d’avoir révélé tous ses secrets, et laisse donc libre cours aux plus grands fantasmes.
Y compris celui d’une possible vie extraterrestre : l’année dernière, la présence de phosphine, une molécule liée à l’activité de bactéries était supposée dans les nuages de souffre de Vénus. Or, sur Terre ce composé est massivement rejeté par certaines bactéries anaérobies (qui n’ont pas besoin d’oxygène). De là à imaginer des colonies de microorganismes dans les nuages de souffre, loin de la surface de la planète et de ses 450°C par 92 fois la pression terrestre, il n’y avait qu’un pas.
Mais la présence de cette phosphine reste encore fort conditionnelle et, avec ce regain d’intérêt pour Vénus, de nombreux scientifiques se sont penchés sur des simulations de milieu que la planète représente. Beaucoup restent convaincus qu’elle est absolument stérile : ainsi en juillet dernier, une équipe de chercheurs de l’université de Belfast soulignait que les molécules d’eau sont si rares sur Vénus qu’aucune bactérie connue, même la plus extrémophile, ne pourrait y faire son nid.
L’ammoniac c’est la vie ?
Mais d’autres études parviennent à des conclusions différentes : des chercheurs ont identifié une voie chimique par laquelle les gouttelettes d’acide sulfurique qui se trouvent en suspension dans les nuages de Vénus pourraient être neutralisées – peut-être au point de permettre à la vie de survivre sur ce monde hostile. De petites quantités d’ammoniac, dont la présence est connue dans l’atmosphère vénusienne, pourraient se dissoudre dans les gouttes d’acide sulfurique. Ce processus transformerait au moins une partie de l’acide en sels, transformant les gouttes liquides en une bouillie dont le pH est tolérable pour que se développe la vie, en tout cas sur Terre. « En conséquence, les nuages ne sont pas plus acides que certains environnements terrestres extrêmes qui abritent la vie », écrivent les chercheurs dans leur article. « La vie pourrait être en train de créer son propre environnement sur Vénus. »
Anomalies vénusiennes
La présence d’ammoniac en quantité importante est déjà en elle-même une anomalie sur Vénus. Et ce n’est pas la seule : de petites concentrations d’oxygène qui ne devraient pas être là, des niveaux plus élevés que prévu de vapeur d’eau et des particules non sphériques qui ne correspondent pas aux gouttelettes rondes d’acide sulfurique. Or, une explication qui permettrait d’expliquer toutes ces bizarreries seraient justement… La présence de formes de vie sur Vénus. Les scientifiques imaginent des colonies de bactéries ou d’organisme assimilés, qui seraient capables de réduire l’acidité de leur environnement en produisant de l’ammoniac, rendant ainsi les environs plus propices à leur développement. Un phénomène qui n’aurait rien d’inédit par rapport à ce qu’on peut observer sur Terre, dans certains milieux très hostiles.
Les éclairs, les éruptions volcaniques et les chutes de météorites sont autant d’autres sources possibles d’ammoniac sur Vénus, mais selon les calculs des chercheurs, ils n’en produiraient pas suffisamment. La vie biologique, elle, le pourrait.
Aucune vie…telle que nous connaissons
« Aucune vie que nous connaissons ne pourrait survivre dans les gouttelettes de Vénus », déclare la planétologue Sara Seager, du Massachusetts Institute of Technology (MIT). « Mais le fait est qu’il y a peut-être de la vie là-bas, et qu’elle modifie son environnement pour qu’il soit vivable. » On reste donc dans la pure spéculation, et, comme avec la source de cette hypothétique phosphine, on ne pourrait en avoir le cœur net qu’en allant sur place, ce qui est quasiment inenvisageable. Même les sondes déclarent forfait très rapidement dans cet enfer qu’est Vénus.