Deux explorateurs britanniques sont en pleine traversée de l’Antarctique, principalement à pied. Une expédition qui doit les voir parcourir 4.200 km en à peine 80 jours. Le tout, pour le compte des agences spatiales américaine et européenne: la NASA et l’ESA. Des « commanditaires » qui peuvent surprendre.
Justin Packshaw, 57 ans, et Jamie Facer Childs, 37 ans, sont des aventuriers aguerris, grands amateurs d’expéditions dans des conditions extrêmes. Il y a un peu moins d’un mois, ils se sont engagés dans Chasing The Light Antarctica 2021, un projet de grande envergure organisé par la NASA, l’ESA, l’université de Stanford et l’université de Floride centrale.
Au menu: 4.200 km en 80 jours, à travers l’Antarctique. C’est l’été pour l’instant là-bas, mais les températures restent largement en deçà des 0 degré Celsius, avec des vents glaciaux capables de souffler à plus de 150 km/h. Les deux explorateurs effectuent ce périple sans assistance, principalement à pied. Leur seul autre moyen de locomotion est… un snowkite. Soit une planche tractée par un grand cerf-volant (photo).
Durant leur aventure, ils devaient être amenés à se rendre sur le pôle Sud d’inaccessibilité, c’est-à-dire l’endroit du continent antarctique le plus éloigné de toute côte. À en croire la carte affichée sur le site consacré au projet, il semble toutefois qu’ils aient dû faire une croix sur cet objectif, faute de nourriture en suffisance. Ils ont directement pris la route vers le pôle Sud géographique, plus facile à atteindre. À priori, ils parcourront finalement 3.650 km.
Récolte de données pour les missions sur la Lune et sur Mars
S’il s’agit bien sûr d’une mission très périlleuse, ce n’est bien sûr pas la première de ce type, ni la dernière. Ce qui peut étonner, par contre, c’est la présence de la NASA dans le projet. L’objectif est d’obtenir des données sur la façon dont réagit l’organisme dans des environnements très hostiles, ce qui permettra à l’agence spatiale américaine de mieux préparer ses futures missions sur la Lune et sur Mars.
D’une part, en analysant des échantillons de sang, de salive, d’urine et de selles des deux aventuriers, les chercheurs récoltent des données relatives aux réactions du corps humain. D’autre part, il s’agit aussi de mesurer l’évolution de la santé mentale des explorateurs, qui est soumise à rude épreuve.
« La mission de Justin et Jamie permettra aux scientifiques d’observer une histoire scientifique rare de l’adaptabilité humaine, qui contribuera finalement à la cartographie en cours des modèles de données génomiques, physiologiques, psychologiques et environnementales de l’exploration spatiale centrée sur l’homme », résume le site dédié au projet.
L’expédition va par exemple permettre de mieux comprendre comment les êtres humains perçoivent leur environnement. Ce qui pourrait aider à expliquer, par exemple, pourquoi deux astronautes ont décidé en 1971 de ne pas examiner un grand cratère sur la Lune, pensant qu’il était loin alors qu’il n’était en réalité qu’à 15 mètres.
En outre, les deux hommes recueillent aussi des données environnementales. Qui intéressent plutôt l’ESA, dont « l’une des principales priorités est de comprendre et de surveiller les changements associés au changement climatique – non seulement pour le bénéfice de la science, mais aussi pour s’assurer que les décideurs sont armés des faits pour faire face à la crise climatique ». L’Antarctique agissant comme le plus grand réflecteur du soleil au monde, une énorme quantité d’éléments intéressant les scientifiques s’offrent aux explorateurs.
Suivi en temps réel pour le grand public
Notons enfin que n’importe qui peut suivre le périple des deux explorateurs britanniques, via le site consacré à Chasing The Light Antarctica 2021. L’occasion de connaître les conditions météorologiques auxquelles ils font face, et d’obtenir des données sur leur santé, chaque jour. Ils documentent également leur aventure avec de bien jolis clichés.
Chacun commente également régulièrement l’aventure. Jeudi, Justin Packshaw s’est par exemple réjoui que le mercure affichait -20°C. Ce qui lui a semblé « méditerranéen » et même « tropical dans la tente ». « Une joie car cela signifie que nous avons pu aérer nos pauvres corps (pieds principalement) avec un peu de chaleur régénérante et d’air bienvenu », a-t-il expliqué.
Leur expédition s’achèvera début février.