Comme un sentiment de déjà-vu : alors que Paris estimait avoir un accord avec Athènes pour la livraison de trois frégates, voila que le département d’État américain convoite le marché.
Les USA et la France surmontaient à peine la brouille diplomatique de ces derniers mois ; dans le cadre des accords tenus secrets AUKUS, l’Australie avait annulé une commande de sous-marins français au profit d’engins de conception américaine. Et voici que le même genre d’affaire semble se reproduire, selon Le Monde : en septembre dernier, Emmanuel Macron avait conclu avec le premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis, un accord pour la livraison de trois frégates entièrement armées, pour la somme de 3 milliards d’euros, avec un quatrième navire en option. Mais on vient d’apprendre que, ce 10 décembre, le département d’État américain a annoncé l’approbation d’un projet de vente à Athènes de quatre frégates de combat avec leur équipement, pour 6,9 milliards de dollars (6,1 milliards d’euros environ).
Les dures lois de la concurrence
Washington a aussi approuvé la modernisation des frégates grecques de la classe MEKO, pour un montant évalué à 2,5 milliards de dollars. Le communiqué précise que le contrat, dans les deux cas, « sera accordé au gagnant d’un appel d’offres international » portant sur la modernisation de la marine grecque.
Dans les deux cas, le contrat n’a pas encore été signé, et le jeu de la concurrence a encore l’occasion de se faire. Mais il s’agit là d’un second épisode assez gênant, alors que la France fait tout pour se positionner comme un acteur de qualité dans le commerce d’engins de guerre de haute technologie.
En septembre dernier, la révélation des accords AUKUS avait déclenché une crise diplomatique grave entre, d’un côté, la France, et de l’autre le trio USA – Australie – Royaume-Uni. Le président américain Joe Biden, face aux mots très durs du gouvernement français, avait fini par rencontrer Macron en personne à Rome pour remettre les choses à plat fin octobre. Les deux chefs d’État avaient annoncé leur intention de lancer « un dialogue stratégique en matière de commerce militaire », notamment sur les autorisations d’exportations.
Cette affaire de frégates risque de refroidir encore des relations déjà fort tièdes : même si, cette fois, aucun accord formel n’a encore été signé entre Athènes et les possibles fournisseurs, c’est le même constructeurs que lors de l’affaire AUKUS, Naval Group, qui risque de voir s’envoler un second juteux contrat au profit des Américains.
Sans doute embarrassé, le ministère français des Armées a communiqué plus tard ce samedi, annonçant que « l’accord pour la vente de trois frégates françaises à la Grèce [venait] d’être signé », relate le site spécialisé Opex360. Ce qui rendrait ainsi « caduque l’offre concurrente » présentée par les États-Unis.
« Depuis qu’on est en discussion avec les Grecs, l’offre américaine n’est plus sur la table […]. Par ailleurs on a signé le contrat avec les Grecs. Il a été paraphé il y a quelques jours », a en effet indiqué le ministère des Armées.
Seulement, le magazine Defense News affirme de son côté que des sources industrielles lui ont confié que « l’équipe américaine avait été invitée par la Grèce à continuer à travailler sur sa propre offre, malgré l’annonce » de l’achat trois frégates à la France… Annonce qui était censé, pouvait-on croire, mettre un terme à l’appel d’offres lancé par Athènes pour acquérir quatre nouvelles frégates et en moderniser quatre autres.