L’Europe fait un pas de plus vers MiCA, sa réglementation crypto « stratégique »

Le Conseil européen est parvenu ce mercredi à un accord concernant le règlement sur les marchés des crypto-actifs (MiCA). Autrement dit, les négociations en trilogue avec le Parlement des différentes mesures proposées par la Commission vont pouvoir démarrer.

13 mois. Le temps file. La Commission européenne a présenté le 24 septembre 2020 son Digital Finance Package. Il s’agit d’un ensemble de propositions législatives censé appuyer la stratégie financière numérique de l’Union, avec une attention particulière portée à la modernisation et sécurisation des paiements.

Il est évidemment question de combler une lacune dans la législation existante de l’UE en s’assurant que le cadre juridique actuel ne fasse pas obstacle à l’utilisation de nouveaux instruments financiers. Un exercice de jonglerie légale visant simultanément à garantir un marché financier communautaire « compétitif, innovant et résistant au numérique » et à protéger les consommateurs.

Dans ce paquet de mesures, apparaissait notamment MiCA, la proposition de règlement sur les marchés des crypto-actifs. Un nouveau cadre appelé à instaurer une concurrence loyale entre prestataires de services liés aux bitcoin et altcoins, sécuriser les investisseurs, mais aussi prémunir la stabilité financière et la politique monétaire face « aux risques qui pourraient résulter d’une large utilisation des crypto-actifs. »

« Je pense que l’accord conclu aujourd’hui établit un juste équilibre », a déclaré le ministre des Finances slovène, Andrej Šircelj. « Ces dossiers constituent une priorité pour la présidence et nous espérons à présent parvenir rapidement à un accord avec le Parlement européen sur ces propositions. »

Pas pour demain

Diligentée en réaction au prototype de monnaie numérique mondiale dévoilé par le géant américain Facebook (Libra devenue Diem), la régulation européenne MiCA se focalisait fortement sur l’émission des stablecoins, un cinquième des définitions légales proposées portant sur les exigences des créateurs de ces tokens adossés à des devises nationales.

Mais il a fallu que le train législatif entame son long voyage qui le sépare du vote final et de son entrée en vigueur encore plus tardive, espérée pour 2024. Il a fallu cinq mois pour que la Banque centrale européenne prenne attitude, en février de cette année. Le Comité économique et social européen a donné son avis sur la proposition MiCA début mars et le Contrôleur européen de la protection des données a rendu le sien fin juin.

Le Conseil et le Parlement européen vont maintenant entamer des négociations en trilogue sur ces propositions avec la Commission européenne. L’adoption formelle du règlement n’interviendra qu’une fois que les institutions seront parvenues à un accord politique provisoire.

En attendant, le mandat de négociation du Conseil européen, un petit pavé de 405 pages qui ne comportent pas une seule fois le mot bitcoin, laisse entrevoir un durcissement des règles pour les émetteurs de… stablecoins (que le secrétaire général du Conseil nomme asset-referenced tokens). Des conditions plus strictes donc que pour les fournisseurs de crypto-actifs.

Parallèlement, l’imposant document inventorie des exceptions au cadre MiCA, épargnant par exemple aux établissements de crédit déjà agréés en vertu de la directive de l’UE sur les exigences de fonds propres de devoir se conformer différemment.

NFT hors de portée

Fait notable, le mandat de négociation indique que MiCA ne s’applique pas aux fameux non fungible tokens (NFT).

« Le présent règlement ne devrait pas s’appliquer aux crypto-actifs qui sont uniques et non fongibles avec d’autres crypto-actifs, notamment l’art et les objets de collection numériques, dont la valeur est attribuable aux caractéristiques uniques de chaque crypto-actif et à l’utilité qu’il procure au détenteur du jeton », stipule le rapporteur.

Par extension, la réglementation ne s’imposerait pas non plus aux NFT représentant des services ou des actifs physiques qui sont uniques et non fongibles, tels que les garanties de produits ou les biens immobiliers. Car, selon le mandat du Conseil européen, la financiarisation de ces jetons numériques particuliers demeurerait marginale.

« Alors que ces (NFT) peuvent être échangés sur des places de marché, être accumulés à des fins spéculatives et, dans des cas limités, être utilisés comme moyens d’échange, ils ne sont pas facilement interchangeables et la valeur relative d’un crypto-actif par rapport à un autre, chacun étant unique, ne peut être déterminée par comparaison avec un marché existant ou un actif équivalent », insiste le document.

BCE et FMI infaillibles ?

D’autres spécificités devraient encore cibler les cryptomonnaies et autres actifs digitaux offerts gratuitement ou en récompense.

Enfin, autre détail de taille, les échanges de crypto-actifs qui interviendraient entre des institutions mondiales comme le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque des règlements internationaux (BIS) sont dédouanées par défaut.

Car, précise le Conseil européen, « il convient d’exempter certaines transactions intragroupe et certaines entités publiques du champ d’application car elles ne présentent pas de risques. »

Et il en irait de même pour les autorités publiques qui émettraient leurs propres crypto-actifs et qui ne devraient pas être sujettes à ce nouveau cadre européen: administrations nationales, régionales, locales, ainsi que –on s’en doutait– les banques centrales. Dont acte.

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