Si tous les plans sont avalisés, il s’agira d’une première commerciale en Europe. EDF compte utiliser le trop-plein d’énergie produit par une de ses futures centrales nucléaires pour créer de l’hydrogène dit « rose » au Royaume-Uni. Explications.
Pour décarboner son secteur énergétique, en plus de l’énergie éolienne, solaire ou encore hydraulique, le Royaume-Uni compte toujours sur le nucléaire. Et notamment, peut-être, sur la centrale Sizewell C, qui vise à être composée de deux réacteurs de 1600 MW. Si elle obtient le feu vert des autorités britanniques, elle verra le jour sur la côte du Sufolk, au sud-est du pays, au début des années 2030.
Dans la mesure où le Royaume-Uni compte faire fonctionner certains jours ses réseaux électriques à 100% grâce à l’énergie renouvelable, cela déboucherait sur une baisse de revenus pour les propriétaires de la centrale nucléaire. Mais ils ont trouvé la parade. EDF compte sur le fait que, lorsque leur installation produira trop électricité par rapport aux besoins des Britanniques, le surplus servira à produire de l’hydrogène. Cet hydrogène produit grâce à l’énergie nucléaire est appelé « hydrogène rose ».
Les jours où l’éolien, le solaire et l’hydraulique produiront en suffisance, l’électricité à faible teneur en carbone produite par Sizewell C sera détournée vers un électrolyseur produisant de l’hydrogène propre. De plus, la chaleur résiduelle produite par la centrale nucléaire permettra de rendre le processus 10% plus efficace, estime EDF.
« Ce n’est pas nucléaire contre éolien contre solaire – nous devons tout utiliser et coopérer pour tirer le meilleur parti des technologies. Idéalement, vous devriez avoir l’électrolyseur alimenté à la fois par le nucléaire et par l’éolien », a déclaré Julia Pyke, directrice du financement de Sizewell C.
Jusqu’à un tiers d’hydrogène rose au Royaume-Uni ?
Le Royaume-Uni s’est fixé pour objectif de produire 5 gigawatts d’hydrogène d’ici 2030. Il compte l’utiliser pour le transport routier, le chauffage domestique et la propulsion des navires.
A priori, cette potentielle production d’hydrogène rose devrait jouer en la faveur de Sizewell C dans l’optique de l’obtention du permis de construire que doit accorder le gouvernement à EDF. Les autorités devraient publier très bientôt leur nouvelle stratégie en matière d’hydrogène. L’énergie nucléaire devrait faire partie du plan.
L’opérateur du réseau britannique, National Grid PLC, a récemment modélisé la production de l’hydrogène rose, pour la première fois. D’après ses estimations, jusqu’à 28 térawattheures d’électricité produite par les réacteurs pourraient être détournés pour fabriquer ce gaz propre d’ici 2050, soit l’équivalent d’environ 14% de la production nationale.
De son côté, l’association britannique de l’industrie nucléaire estime qu’un tiers de l’hydrogène du pays pourrait provenir de l’énergie atomique.
D’autres grandes puissances sont tentées
BNN Bloomberg rapporte que si Sizewell C pourrait devenir la première centrale nucléaire à produire de l’hydrogène en Europe, d’autres projets similaires sont envisagés ailleurs dans le monde.
Des essais de couplage de ces technologies sont par exemple menés aux États-Unis. Le ministère américain de l’énergie a accordé 26,2 millions de dollars à deux projets menés par Xcel Energy Inc. et FuelCell Energy Inc. pour aider les centrales nucléaires à passer de la production d’électricité à la production d’hydrogène lorsque cela est nécessaire.
Même chose au Canada, où le gouvernement a récemment souligné le rôle de l’électricité nucléaire dans la production d’hydrogène lorsque trop d’électricité sera produite.
La Russie semble très bien armée sur ce plan. Elle pourrait devenir le premier pays au monde à fournir de l’hydrogène produit via l’énergie nucléaire. EDF a d’ailleurs signé un accord de coopération en avril avec Rosatom Corp, l’entreprise publique russe qui exploite 38 unités nucléaires sur 11 sites. Celle-ci considère l’hydrogène rose comme une priorité et envisage d’en exporter vers l’Europe.
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