Le débat fait rage jusqu’ici en Belgique. La levée des brevets permettra, selon ses partisans, d’assurer un vaccin pour tous, y compris dans les pays les plus pauvres. La vaccination à l’échelon national perd en effet tout son sens à long terme. On ne gagnera la bataille contre le Covid-19 que si la planète entière est vaccinée, sans quoi de nouveaux variants pourraient surgir de n’importe où. Libérer les formules secrètes des vaccins, une belle idée sur papier. Mais dans la pratique, c’est plus compliqué.
Sur le plateau de De Afspraak ce lundi soir, la ministre de la Coopération au développement, Meryame Kitir (sp.a), plaidait pour la levée des brevets des vaccins pour qu’ils puissent être produits en plus grande quantité. Objectif louable : les vaccins pourraient ainsi bénéficier au plus grand monde, y compris les pays les plus pauvres. La ministre engageait le gouvernement fédéral dans sa démarche.
Réaction immédiate de Georges-Louis Bouchez, le président du MR: ‘Non, le gouvernement ne défend pas la fin des brevets. Aider à la vaccination dans les pays en voie de développement est un impératif. Maintenir les capacités de recherche et développement l’est tout autant. Le brevet c’est la garantie de l’investissement dans le progrès.’
Précisons que la ministre de la Coopération au développement parlait d’une levée temporaire des brevets, mais est-ce vraiment réalisable ? Quand vous ouvrez la boîte, vous ne pouvez pas vraiment la refermer.
Egbert Lacheart, le président de l’Open VLD, estime lui que la position du gouvernement est de libérer les brevets de certains vaccins comme le Covax – le vaccin sous l’égide de l’OMS mais financé et conçu par les pays riches. Le président des libéraux flamands ne veut en aucun cas laisser la Recherche et Développement à livre ouvert.
Pression du Big Pharma
Le BigPharma tire bien entendu la sonnette d’alarme. Suspendre les droits de propriété intellectuelle pourrait faire basculer une technologie très prometteuse dans les mains de la Russie et de la Chine. On parle ici des vaccins par ARN messager, qui pourraient offrir un tas de solutions pour des maladies incurables comme le sida ou certains cancers. La propriété intellectuelle, c’est aussi le businessmodel de ces entreprises. Quiconque pourrait produire leurs vaccins mettra une pression énorme sur les prix.
Notons que le séquençage des vaccins ARN de Moderna et de Pfizer/BioNTech ont déjà été mis en open source par des chercheurs de l’université de Stanford, mais c’est bien leur exploitation par des tiers qui reste interdite.
L’Afrique du Sud et l’Inde ont déjà plaidé en novembre dernier pour suspendre temporairement les brevets des vaccins. A l’époque, Donald Trump avait rejeté leur demande, aux côtés du Royaume-Uni, de l’UE et de la Suisse. Depuis les deux pays du BRICS ont été rejoints par 60 nations supplémentaires.
La pression s’intensifie sur le président Biden. 170 anciens dirigeants et prix Nobel ont plaidé pour mettre les brevets des vaccins entre parenthèses. Mais les grandes entreprises pharmaceutiques estiment qu’elles font déjà tout ce qu’elles peuvent pour augmenter la production. Selon elles, ce ne sont pas les brevets mais les ‘goulots d’étranglement de la production mondiale’ qui font ralentir l’accès des vaccins aux pays les plus pauvres.
Mise en danger de la sécurité des vaccins
Il ne va de nouveau pas se faire des amis, mais Bill Gates est lui aussi contre la levée des recettes des vaccins. Normal pour un homme dont la richesse repose essentiellement sur la propriété intellectuelle. Mais le milliardaire argumente son propos dans une interview accordée à Sky News: ‘Il n’y a qu’un nombre limité d’usines de vaccins dans le monde et les gens sont très sérieux au sujet de la sécurité des vaccins. Et donc déplacer quelque chose qui n’avait jamais été fait – déplacer un vaccin, par exemple, d’une usine vers une usine en Inde – c’est nouveau – c’est uniquement grâce à nos subventions et l’expertise que cela peut arriver.’
Pour le milliardaire, il en va de la sécurité des vaccins, en libérant la formule magique vous mettez cette technologie à la disposition de tous, sans réel contrôle: ‘Chaque processus de fabrication doit être examiné avec beaucoup de soin.’
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