Ces derniers jours plusieurs experts américains ont emboité le pas au Dr Anthony Fauci, auteur d’une sortie remarquée la semaine dernière. D’après eux, il devient évident que les États-Unis n’auront pas besoin du vaccin AstraZeneca. Le président Joe Biden va bientôt devoir trancher.
La semaine dernière, le Dr Anthony Fauci, principal conseiller du gouvernement américain dans la lutte contre le coronavirus, a déclaré que les États-Unis pourraient peut-être se passer du vaccin AstraZeneca. Les vaccins déjà envoyés (et ceux sur le point de l’être) par les autres fabricants pourraient être suffisants pour vacciner toute la population, y compris s’il y a nécessité d’administrer une dose de rappel plus tard dans l’année. Les différentes polémiques entourant le vaccin suédo-britannique n’avaient pas été avancées par le Dr Fauci pour expliquer ce possible abandon d’AstraZeneca.
Depuis, de l’eau a encore coulé sous les ponts. L’Agence européenne du médicament a notamment confirmé un lien entre le vaccin et de très rares cas de thrombose, tout en assurant que la balance bénéfice/risque restait positive. Nul ne sait si ce nouveau coup porté à l’image d’AstraZeneca a joué, mais le discours – au conditionnel – du Dr Fauci s’est transformé en certitude dans le chef d’autres scientifiques américains réputés.
‘Donnez-les tous’
Pour l’instant, AstraZeneca n’a pas encore reçu d’autorisation de la part de la Food and Drug Administration (FAD), le régulateur américain. La firme ne lui en a même pas encore fait la demande. Mais ça ne l’empêche pas d’avoir déjà commencé à en produire sur place, à destination des Américains. D’après les informations de Bloomberg, 20 millions de doses seraient déjà prêtes. 80 à 90 millions d’autres seraient en train d’être produites.
Pour plusieurs scientifiques, même si la FAD donne son feu vert, il ne faudra pas utiliser ces millions de vaccins. Et encore une fois, c’est l’argument du ‘on en a déjà assez d’autres’ qui est utilisé. Ils proposent donc au président Joe Biden d’en faire don aux pays qui en manquent.
‘Donnez-les tous. Avant même de penser à les autoriser, nous serons en situation de surabondance au niveau national. Nous ne les utiliserons jamais’, a martelé Zeke Emanuel, médecin et vice-recteur de l’Université de Pennsylvanie, qui a été conseiller principal en matière de politique de santé dans l’administration Obama et membre du comité consultatif de transition Covid de Biden.
Même son de cloches du côté de Celine Gounder, médecin qui a également siégé au sein du comité consultatif de transition Covid de Biden. ‘Nous en avons assez – nous n’avons même pas besoin de Johnson & Johnson’, a-t-elle assuré. Elle aussi estime qu’il faudra donner à d’autres pays les doses prévues pour les États-Unis, à condition que la FAD autorise bien le vaccin.
L’administration Biden réfléchit
Pour l’instant, l’administration Biden préfère jouer la montre. Elle attend que la FAD se mouille avant de prendre une décision. Toutefois, un premier signe indicateur a déjà été envoyé. Et il ne présage rien de bon pour AstraZeneca.
La semaine dernière, il a été révélé que 15 millions de vaccins de Johnson & Johnson avaient été perdus suite à une erreur humaine au sein de l’usine Emergent Biosolutions Inc. de Baltimore. On y fabriquait des vaccins J&j et des vaccins AstraZeneca, et ceux-ci avaient été mélangés le personnel. Pour éviter que pareil incident ne se reproduise à l’avenir, l’administration Biden a demandé à AstraZenerca… de déguerpir. L’usine de Baltimore ne produira plus que des vaccins J&J. Jusqu’à présent, la firme suédo-britannique n’a pas encore trouvé de nouveau site de production sur le sol américain.
Même si Andy Slavitt, conseiller de la Maison Blanche, a affirmé devant la presse que cette décision ‘ne dit absolument rien de [leur] conviction dans un sens ou dans l’autre’, cet épisode a fait office d’un nouvel affront pour AstraZeneca. D’autant plus qu’il est survenu peu de temps après que des régulateurs américains ont repéré l’utilisation de données obsolètes dans leur dernier essai clinique en date.
AstraZeneca a tenté de faire bonne figure, indiquant dans un communiqué que ce changement d’usine ne lui posera pas de problème et que 50 millions de doses seront prêtes au moment où la FDA donnera son autorisation. Au fur et à mesure des polémiques, il semble de moins en moins certain qu’elles seront bel et bien administrées aux Américains, du moins pas totalement. Le Mexique et le Canada suivent la situation de près eux qui, au contraire de leur voisin américain, souffrent de problèmes d’approvisionnement. L’administration Biden avait déjà annoncé le mois dernier que les États-Unis leur enverront prochainement respectivement 2,5 et 1,5 million de vaccins AstraZeneca. Des chiffres qui pourraient donc exploser dans le futur, si le gouvernement américain décide de se passer totalement du produit.
D’une part, certains experts estiment qu’il serait de bon ton de fournir le Mexique et le Canada (voire d’autres pays, plus pauvres) en vaccins, le coronavirus et ses variants n’ayant pas de frontières. D’autre part, des conseillers du président lui rappellent qu’il faut rester vigilant tant l’issue de cette pandémie reste incertaine: un surplus de vaccins, même gigantesque, ne serait pas un luxe. D’autant plus si les différents fabricants obtiennent dans les prochains mois l’autorisation de vacciner les enfants et les adolescents… tout en sachant qu’AstraZeneca est déconseillé – voire interdit – pour les plus jeunes dans un nombre grandissant de pays.
Sur le même sujet: