Lundi, les principales conclusions du rapport des experts de l’OMS envoyés en janvier à Wuhan pour faire la lumière sur l’origine du coronavirus sont parues dans la presse. Dans la foulée, 14 pays ont fait part de leurs préoccupations quant à la validité du rapport. Le patron de l’OMS lui-même a critiqué le document. Soupçonnée – pour ne pas dire accusée – d’avoir fait pression sur les experts de l’OMS, la Chine réagit.
Dans leur rapport, les experts internationaux de l’OMS ayant investigué à Wuhan estiment que la transmission naturelle du virus d’un animal réservoir (probablement la chauve-souris) à l’humain, par l’intermédiaire d’un autre animal non encore identifié comme ‘probable à très probable’. La transmission sans passer par un animal hôte est également envisagée: elle est jugée comme ‘possible à probable’. A contrario, les experts jugent l’hypothèse d’une fuite du virus depuis un laboratoire comme ‘extrêmement improbable’.
Après que cet avis a été rendu public, 14 pays se sont joints pour faire part de leurs ‘préoccupations partagées’ au sujet du rapport. ‘L’étude d’experts internationaux sur l’origine du virus SARS-CoV-2 a été retardée de manière significative et n’a pas eu accès de manière exhaustive aux données et échantillons originaux. Il est crucial que des experts indépendants puissent avoir pleinement accès à toutes les données’, a-t-on pu lire dans ce communiqué, paru sur le site du gouvernement américain. Parmi les 14 pays signataires, on retrouve également le Royaume-Uni, le Canada, le Japon, Israël, le Danemark ou encore la République tchèque.
De son côté, l’UE a pointé du doigt ‘le démarrage tardif de l’enquête, le retard dans le déploiement des experts (en Chine) et la disponibilité limitée des spécimens et données’ remontant aux débuts de la pandémie.
Un scepticisme qui a même gagné le patron de l’OMS himself. Tedros Adhanom Ghebreyesus s’est inquiété des difficultés éprouvées par les experts de son organisation à accéder aux données brutes. Il a aussi plaidé pour le lancement de nouvelles enquêtes, afin notamment de creuser davantage la piste d’une fuite d’un laboratoire.
‘Respectons la science’, répond la Chine
Face à ces lourdes suspicions, la Chine a été contrainte de réagir. Elle l’a notamment fait via la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hua Chunying.
‘Nous devons respecter la science et respecter les opinions et les conclusions des scientifiques. L’OMS devrait jouer un rôle de premier plan’, a-t-elle déclaré.
Considérant visiblement que la meilleure défense est l’attaque, la porte-parole est ensuite allée plus loin, rejetant les suspicions vers les États-Unis.
‘Il y a toujours un grand point d’interrogation concernant le laboratoire de Fort Detrick (où se trouve un laboratoire biologique américain, ndlr). Lorsque certains, du côté américain, ont pointé du doigt notre laboratoire de Wuhan, nous avons invité la mission de l’OMS pour une visite et avons pleinement coopéré. Les États-Unis peuvent-ils faire preuve de la même transparence ?’, a-t-elle demandé.
Incrédulité face aux doutes du patron de l’OMS
En plus du ministère des Affaires étrangères, Pékin a également choisi le Dr Liang Wannian pour répondre aux accusations. Cet épidémiologiste a été à la tête de l’équipe d’experts chinois ayant travaillé pour le compte de l’OMS à Wuhan.
‘Dès le début, les experts ont été répartis en trois équipes en fonction de leur expertise, et ils ont travaillé ensemble. L’affirmation selon laquelle nous n’avons pas partagé [les données] n’est donc pas valable. […] Bien sûr, certaines données ne peuvent pas être emportées ou photographiées, selon la loi chinoise. Mais lorsque nous faisions des analyses ensemble à Wuhan, tout le monde pouvait voir notre base de données et nos matériaux. Nous l’avons fait tous ensemble’, a assuré le scientifique chinois ce mercredi.
Liang Wannian a aussi réagi plus directement aux propos du chef de l’OMS. ‘Je ne suis pas sûr qu’il comprenne bien le problème. La question de savoir si l’examen était suffisant ou non devrait être jugée par les scientifiques et par l’histoire. […] Je ne comprends pas sa vision des choses parce que c’est un domaine qui nous concerne, nous les scientifiques’, a-t-il répondu.
Notons que si Tedros Adhanom Ghebreyesus a fait carrière comme homme politique (ministre éthiopien de la Santé puis des Affaires étrangères) avant de devenir directeur général de l’OMS en 2017, il détient un Master de sciences en Immunologie et maladies infectieuses, obtenu à l’Université de Londres. Il a également réalisé un doctorat en santé communautaire à l’Université de Nottingham.
Pourquoi un tel retard ?
Enfin, Lian Wannian s’est également exprimé sur les retards pris dans la publication du rapport des experts internationaux de l’OMS. D’après les critiques, Pékin a fait pression pour pouvoir lire de fond en comble le document afin qu’il ne contienne aucun élément en défaveur de la Chine. Pour l’épidémiologiste chinois, c’est totalement faux. Problèmes de traduction, décalage horaire et souci de qualité sont à l’origine de ce retard, assure-t-il, cité par le South China Morning Post.
‘Le rapport n’a pu être publié qu’après avoir été approuvé conjointement par les équipes chinoise et internationale. Nous savons que le monde l’attend avec impatience… Ce n’est pas à cause d’une quelconque ingérence ou de notre paresse que la publication a été retardée. Nous nous efforcions de garantir sa qualité.
D’après le Dr Wannian, cette lenteur a simplement été causée par la nécessité de vérifier ‘chaque phrase, chaque conclusion, chaque donnée’.
La porte-parole du ministère des Affaires étrangères a elle aussi battu en brèche les accusations venues de l’étranger au sujet des pressions imposées par la Chine sur les experts internationaux. ‘Ils veulent répandre des rumeurs et faire avancer leur agenda politique caché. [Les experts] ont dit qu’ils se sont rendus dans les endroits qu’ils voulaient et qu’ils ont rencontré les personnes qu’ils voulaient’, a-t-elle conclu.
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