Le département de l’Énergie des États-Unis a dévoilé en novembre ses projets pour la production d’hydrogène. Si l’Union européenne parie surtout sur les sources d’énergie renouvelable, les États-Unis ont décidé de développer des projets pour produire de ‘l’hydrogène propre’ grâce aux centrales nucléaires.
Aujourd’hui, 99% de l’hydrogène produit aux États-Unis utilisent des combustibles, et principalement le gaz naturel. Mais cela libère du dioxyde de carbone et de l’azote, qui pollue la planète. Le département de l’Énergie (DOE) cherche donc des solutions plus propres pour produire de l’hydrogène. Et cela passe en grande partie par le nucléaire. Le DOE a financé 4 grands projets de couplage hydrogène-nucléaire en cours d’essai. Loin d’être des solutions totalement éprouvées, ces projets offrent de bons espoirs pour le futur.
L’idée principale est de prendre avantage des pics de production d’électricité. Les centrales nucléaires produisent de l’électricité en continu, quelles que soient les conditions climatiques. En outre, il est très difficile d’éteindre la production. Les énergies renouvelables produisent par contre de manière intermittente, quand il y a beaucoup de soleil ou quand le vent atteint une certaine vitesse. Il y a donc certains moments dans la journée où la production du nucléaire et du renouvelable s’additionne. Cela crée un pic de production. Mais si la demande ne suit pas, cette électricité est perdue et les prix deviennent négatifs.
L’idée est donc d’utiliser la production du nucléaire en surplus pour produire de l’hydrogène qui peut être stocké. Les pertes sont ainsi réduites au minimum.
4 expériences grandeur nature
Les 4 expériences en cours dans les centrales nucléaires américaines ont deux grandes fonctions : soit produire de l’hydrogène qui sera utilisé ailleurs, soit utiliser l’hydrogène produit pour améliorer les rendements des centrales.
Améliorer le rendement
Dans les centrales de la compagnie Arizona Power System, des piles à combustible réversibles ont été installées en même temps qu’un électrolyseur à membrane échangeuse de proton (PEM). Lors de pic de production, l’hydrogène produit sera stocké dans ces batteries. Les piles produiront ainsi de l’électricité lors de pic de consommation, tôt le matin ou en soirée. Cela permettrait de réguler mieux l’offre et la demande d’électricité et ainsi d’influer sur son prix.
Une autre technique d’amélioration des centrales est également utilisée sur les sites d’Exelon. Ces réacteurs à eau bouillante (REB) ont besoin d’hydrogène pour créer de l’oxyde d’uranium, le combustible nucléaire, à partir d’hexafluorure d’uranium. L’hydrogène créé par la centrale est donc directement réutilisé. Cette technique fait baisser les coûts – plus besoin d’acheter de l’hydrogène – et décarbonise quelque peu le cycle de production.
Usage externe de l’hydrogène
La compagnie Energy Harbor a décidé d’utiliser l’électricité perdue pour produire de l’hydrogène qu’elle pourra ensuite revendre. L’entreprise est doublement gagnante : elle récupère l’argent des ventes et fait remonter les prix de l’électricité le limitant l’offre lors des pics de productions.
La firme Xcel teste un autre type d’électrolyse, dans une centrale à haute température. Comme l’explique si bien l’institut français des relations internationales (IFRI), qui a étudié le programme américain, ‘une très faible partie de la vapeur […] sera extraite entre les turbines haute et basse pression afin de préchauffer l’eau pure de l’électrolyseur’. Cette technique est 33% plus efficace que la PEM. Une petite partie de l’hydrogène produit restera dans la centrale pour alimenter les refroidisseurs. Le reste est pour l’instant utilisé par une centrale à eau bouillante de groupe. Mais Xcel pense également à revendre cet hydrogène à des producteurs de fertilisants pour la synthèse de l’ammoniac.
Hydrogène propre
L’hydrogène produit à partir d’énergie nucléaire est considéré pour beaucoup comme de l’hydrogène propre. Cela signifie que la production n’a pas entrainé d’énormes émissions de CO2. Les États-Unis produisent principalement de l’hydrogène avec du gaz naturel, ce qui est très polluant. Pour chaque kilo d’hydrogène produit, 10 kg de dioxyde de carbone sont rejetés dans l’air, selon EDF.
En outre, utiliser directement l’hydrogène produit dans la centrale permet, comme expliqué ci-dessus, de réduire l’empreinte carbone du nucléaire en n’achetant pas d’hydrogène gris, c’est-à-dire produit par des sources polluantes. L’électricité des centrales nucléaires est ainsi plus propre : les émissions de CO2 du cycle sont ramenées pratiquement à zéro. Le nucléaire, toutefois, continue de produire énormément de déchets dangereux pour les humains et la planète.
Qu’en pense l’Europe ?
Les études montrent que l’hydrogène vert coûte très cher, car les rendements de l’électrolyse sont encore très faibles. L’un des seuls moyens de rendre l’hydrogène vert plus accessible est de passer par l’énergie peu coûteuse et avec une forte production qu’est le nucléaire. Toutefois, l’Union européenne ne semble pas enthousiaste à cette solution. En juin dernier, l’UE a présenté son plan de développement de l’hydrogène propre. Les énergies renouvelables étaient au centre du plan. Ce sont les seules sources qui peuvent prétendre à la production d’hydrogène vert, c’est-à-dire sans aucune production de CO2.
Le cas du nucléaire n’avait alors pas été évoqué pendant plusieurs mois. Il ne faisait tout simplement pas partie du programme. Ce n’est qu’en novembre que l’hydrogène produit par les centrales nucléaires a été officiellement catégorisé dans ‘hydrogène à faible teneur en carbone’.
Dans les faits, l’hydrogène produit à partir du nucléaire n’est pas vraiment impensable en Europe. C’est le nucléaire en général qui pose problème. L’Union européenne ne sait toujours pas sur quel pied danser concernant le nucléaire. Historiquement, l’institution est plutôt défavorable au nucléaire, rappelant notamment les terribles accidents de Tchernobyl et Fukushima, mais aussi les nombreux déchets radioactifs que ces centrales produisent. Plusieurs pays, dont l’Allemagne et la Belgique, ont d’ailleurs décidé de sortir du nucléaire. Mais aujourd’hui de plus en plus d’organisations veulent promouvoir le nucléaire, comme la seule source d’énergie ‘propre’ qui permet actuellement de répondre rapidement à la demande en énergie.
Dans le Green deal, le nucléaire n’était au départ pas repris. Et ce n’est qu’après un lourd lobby de la République tchèque et de la Pologne que la Commission européenne a accepté de ne pas s’opposer à la construction de nouvelles centrales si c’était la solution privilégiée de certains États membres contre les centrales à charbon.
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