Lancée hier, l’appli allemande de traçage de contacts a déjà été téléchargée plus de 6 millions de fois ce mercredi. Un énorme succès assombri par les craintes en matière de protection de la vie privée, mais qui contraste avec le flop français et l’absence de pareil dispositif en Belgique.
L’Allemagne a emboité le pas ce mardi aux autres nations disposant déjà d’une application de traçage des contacts afin de lutter contre l’épidémie de nouveau coronavirus. En 24 heures, la Corona-Warn-App a été téléchargée 6,5 millions de fois, affirme ce mercredi Christian Klein, directeur de la société de logiciels SAP qui a participé à son développement, sur le site du journal allemand Der Tagesspiegel. En soutien de ce dispositif, des équipes de traceurs composées d’étudiants en médecine sont chargées de joindre les personnes qui ont été en contact avec des personnes testées positives au Covid-19.
‘Nous voulons apporter chaque jour des améliorations à cette application à partir des retours que l’on reçoit’, a indiqué mardi Jens Spahn, le ministre allemand de la Santé. ‘J’en ai déjà eu beaucoup et je suis ravi que ces réactions trouvent un écho très, très fort, l’application va encore s’améliorer au fil des jours, au fil des heures. L’application est sécurisée, facile à utiliser, et basée sur le volontariat. On ne peut pas faire mieux’, a-t-il conclu, dans des propos relayés par Euronews.
L’application allemande est capable de mesurer si des utilisateurs ont été à moins de deux mètres les uns des autres pendant une période prolongée. Si l’un d’entre eux est testé positif et le partage sur l’application, les autres utilisateurs sont informés qu’ils ont été à proximité d’une personne infectée. Son utilisation se fait sur base volontaire.
‘S’assurer que les droits humains et la vie privée occupent une place centrale’
Mais l’appli a beau se baser sur un protocole mis au point par Apple et Google qui est censé assurer une meilleure confidentialité des données, cela n’empêche pas la Corona-Warn-App de soulever craintes et critiques en termes de protection de la vie privée. Et ce malgré le fait que les informations collectées soient stockées sur le smartphone, et non sur un serveur de manière centralisée, ou que diverses mesures soient mises en place pour garantir l’anonymat de ses utilisateurs.
‘Nous sommes inquiets du fait que les gouvernements se précipitent souvent sur les applications les plus invasives de traçage des contacts, sans envisager d’autres alternatives qui pourraient constituer un équilibre plus adapté entre le besoin – légitime – de contenir la progression de l’épidémie et la vie privée’, regrette Rasha Abdul Rahim, directrice adjointe d’Amnesty Tech, également sur le site d’Euronews. ‘Ces deux choses ne sont pas fondamentalement incompatibles. Ce que nous demandons aux gouvernements, c’est de s’assurer que les droits humains et la vie privée occupent une place centrale au regard de ces applications de traçage.’
Seulement 2% des Français…
En France par contre, l’application StopCovid n’a pour le moment été activée que par 1,7 millions d’utilisateurs, et ce alors qu’elle est disponible depuis le 2 juin, selon les chiffres du secrétariat d’État au Numérique, relayés par franceinfo. Cela représente à peine un peu plus de 2% de la population française. Or le système ne se révèle réellement efficace que lorsqu’il est utilisé massivement.
Lors des premières 24 heures de sa disponibilité, l’appli avaient déjà donné le ton puisqu’elle n’avait été téléchargée que 600.000 fois, soit 10 fois moins que son homologue allemande…
Le fait que, contrairement à la Corona-Warn-App, les données collectées par StopCovid soient stockée de manière centralisée, joue vraisemblablement en la défaveur de l’appli française.
Début juin, le Premier ministre français Édouard Philippe avait pourtant appelé ses compatriotes à utiliser, sur base volontaire, l’application StopCovid, au cours de son discours à l’occasion du lancement de la ‘phase 2’ du plan de déconfinement. ‘Ce n’est pas l’arme magique (mais) un instrument complémentaire extrêmement puissant’, avait-il expliqué, précisant que ‘l’État n’aura jamais accès à vos données’.
Un message qui n’est, semble-t-il, pas bien passé…
Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, a toutefois chercher à minimiser sur Franceinfo ce que l’on peut qualifier de flop. ‘Aujourd’hui, vu la faiblesse de l’épidémie, l’utilité de l’application est relative’, a-t-il fait valoir.
En Belgique, démarrage en juillet… de la phase de tests
Chez nous par contre, on n’attend pas d’application de ‘contact tracing’ avant juillet. Des tests en direct auront lieu dès le début du mois prochain.
Un cadre juridique ‘solide’ est néanmoins toujours attendu, comme l’a confirmé hier la ministre wallonne de la Santé, Christie Morreale, en commission du parlement régional.
Par contre, et contrairement au système de call-center actuellement mis en œuvre (et qui sera complémentaire à l’app), l’application qui sera mise en place en Belgique pose un risque limité en termes de protection des données personnelles. L’application fonctionnera en effet sur la même base que celle utilisée en Allemagne. Il n’y aura donc pas de base de données centralisée comme en France.
‘On travaille d’arrache-pied pour définir un cadre répondant à l’avis de l’Autorité de protection des données ainsi qu’aux remarques du Conseil d’État quant à l’utilisation d’une telle application’, a de surcroît précisé la ministre Morreale, dont les propos ont été rapportés par l’agence Belga.
Mais cette application aura-t-elle encore une réelle utilité? La Norvège vient en tous cas de décider de suspendre la sienne, estimant que le niveau de propagation du virus ne justifiait plus une telle collecte de données personnelles…