Le coût de production de l’énergie solaire a chuté beaucoup plus vite que ce que n’avaient prévu les experts. Mais comment l’électricité produite par les cellules photovoltaïques est-elle devenue si bon marché?
L’électricité produite à partir de l’énergie solaire va chasser les combustibles fossiles du marché de la production d’électricité bien plus rapidement qu’on ne le pensait. C’est ce qu’écrit Ramez Naam, un grand investisseur et leader d’opinion dans le domaine des énergies renouvelables.
Une erreur du passé
L’homme est un mathématicien et un statisticien. En 2011, il a prédit dans une projection alors controversée que l’énergie solaire obtiendrait un coût plus avantageux que les combustibles fossiles. Aujourd’hui, presque dix ans plus tard, Naam doit admettre une erreur: il a sérieusement sous-estimé la baisse du coût de l’énergie solaire.
Dans un article détaillé, le penseur montre comment ces coûts ont amorcé une chute libre au cours de la dernière décennie… Et ils sont encore loin d’atterrir.
‘Cela se passe plus vite que tout le monde, moi y compris, ne l’avait prédit’, écrit-il. Sur la base de son modèle retravaillé de 2011, adapté aux données actuelles, il écrit que les prix de l’énergie solaire atteindront un niveau ‘incroyablement bon marché qui changera le monde’.
Si ses calculs sont corrects, cela signifie qu’il n’y a plus aucun argument pour produire de l’électricité à partir du charbon. Cette industrie obsolète souffre déjà d’une importante fuite de capitaux. Mais Naam pense que la logique du marché fera de l’énergie solaire la principale source d’énergie, bien plus rapidement qu’on ne le pensait au départ.
Il a examiné les bases de données des sept principales agences d’énergie dans le monde pour arriver à la conclusion suivante: ‘le prix de l’électricité produite à partir de l’énergie solaire a été divisé par cinq à huit entre 2010 et 2020’. Soulignons que cela concerne uniquement la production d’électricité à l’échelle du service public, et non les panneaux solaires sur les toits des particuliers. Tous ses calculs ont également été réalisés sans prendre en compte les subventions. Le soutien des gouvernements peut fausser la situation économique.
L’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoyait en 2010 que le coût de production du kWh d’énergie solaire serait d’environ 22,5 centimes de dollar aujourd’hui. Ramez Naam a calculé en 2011 qu’il serait d’environ 12,5 cents. En réalité, il coûte actuellement au soleil 5 cents par kWh pour produire de l’électricité à partir de cellules photovoltaïques (à nouveau, à l’échelle du service public et sans subventions).
‘Le secteur a littéralement une décennie d’avance sur les prévisions de l’époque’, écrit Naam.
Augmenter l’échelle de mesure
L’auteur explique cette différence par un principe de base en économie: si une technologie augmente en taille, elle devient moins chère. Naam résume cette loi économique comme suit: ‘Chaque doublement de la production cumulée entraîne un certain pourcentage de réduction des coûts.’
Dans le cas de l’énergie solaire, le coût de l’électricité produite est proportionnel à la quantité d’énergie solaire utilisée dans le monde.
Mais c’est justement ce rapport qui a induit les prédicteurs en erreur. L’AIE prévoyait une baisse des prix de 10 à 20 % par doublement de la production. Naam l’estimait à l’époque à 16 %. En réalité, le coût de l’énergie solaire à grande échelle a diminué de 30 à 40 % par doublement de la production cumulative. Il s’attend à ce que les prix futurs continuent d’évoluer dans ce sens.
À la fin de l’année dernière, l’énergie solaire représentait 2 % de la production mondiale d’électricité. Néanmoins, les prix étaient compétitifs par rapport aux centrales électriques à combustibles fossiles, car un kWh d’électricité solaire coûtait environ 5 centimes de dollar.
Si le coût de l’énergie solaire se maintient à 30 % par an, il diminuera de moitié lorsque la capacité solaire mondiale augmentera considérablement, passant de 600 gigawatts à 2.400 gigawatts. Si l’infrastructure mondiale atteint un jour 19,2 terrawatts, les prix se situeront entre 0,5 et 1,5 centimes par kWh, selon Naam.
Tant que ça?
Mais atteindrons-nous un jour cette capacité? Avec 19,2 terrawatts, nous pourrions couvrir les deux tiers de la consommation mondiale d’électricité actuelle.
Ramez Naam le laisse supposer. La demande d’énergie solaire va continuer à augmenter, sous l’effet de la hausse des revenus et de la consommation dans les pays en développement, de l’électrification des voitures et du transport des marchandises, du stockage d’énergie bon marché et de la décarbonation de l’industrie.
Quand atteindrons-nous cette capacité? Si la tendance du graphique ci-dessus se poursuit, la construction de grands parcs solaires sera moins coûteuse que celle de centrales à énergie fossile déjà opérationnelles.
‘Dans un système de marché totalement ouvert, ces prix incroyablement bas entraîneraient la faillite des centrales au charbon restantes. En période de pointe, ils seraient même plus rentables que les usines à gaz moins chères.’
Le secteur doit toutefois encore franchir un obstacle: le stockage, l’intégration au réseau et la production supplémentaire pour faire face aux pics hivernaux, alors qu’il fait plus souvent nuageux et sombre. Naam reste pourtant optimiste: ‘Le soleil nous donne un outil incroyablement puissant pour rendre notre réseau électrique sans émissions, avec, au final, des coûts plus bas pour les consommateurs, les entreprises et l’industrie.’
Lire aussi: