L’impact du coronavirus coûte aussi des millions d’emplois à l’économie chinoise. 80 millions de personnes se retrouveraient désormais sans travail en Chine, alors que 9 millions de chômeurs supplémentaires pourraient débarquer sur ce marché très compétitif. Mais les chiffres officiels sont loin de refléter cette réalité.
‘L’année dernière, j’avais déjà l’impression de vivre en mode d’enfer. Mais 2020, c’est encore pire. Le coronavirus, c’est comme un coup de poing’, explique Wang à CNN. Il ne s’agit pas de son nom complet, car il craint que ses amis ou sa famille n’apprennent sa situation. Une honte pour de nombreux autres Chinois au chômage, mais aussi la peur que rendre leur condition publique pourrait nuire à leurs chances de trouver un job.
Si la Chine reprend progressivement le chemin du travail depuis quelque temps, il ne faut pas oublier que la pandémie a fait fermer la deuxième plus grande économie mondiale pendant de très longues semaines. Mais là où les conséquences du lockdown sur l’emploi sont visibles aux États-Unis par exemple, les chiffres chinois sont peu accessibles, la faute a un système très opaque. Le taux de chômage officiel ne suit que le nombre de chômeurs dans les zones urbaines, et est passé de 4 % à seulement un peu plus de 5 % depuis des années.
Un chômage sous-estimé
Mais récemment, même les chiffres officiels ont enregistré une hausse. En mars, le taux de chômage était de 5,9 %, légèrement sous le record de 6,2 % enregistré en février. Cela représente plus de 27 millions de personnes sans emploi, selon les données gouvernementales.
‘Le chômage en Chine pourrait être sérieusement sous-estimé’, souligne Willy Lam, professeur adjoint au Centre d’études chinoises de l’Université chinoise de Hong Kong. ‘Il est inhabituel qu’ils soient prêts à rapporter ces mauvaises données. Étant donné que le gouvernement maquille souvent les chiffres, la situation réelle doit être pire.’ D’autant plus que la croissance économique chinoise était déjà à son plus faible niveau depuis des décennies, avant que l’épidémie ne vienne provoquer sa première contraction depuis 1976.
Car à ces (faibles) chiffres officiels, il faut ajouter les habitants des communautés rurales non compris dans le décompte, mais aussi la majorité des 290 millions de travailleurs migrants dans le pays. Si on les inclut dans les statistiques, le nombre de chômeurs atteindrait les 80 millions de personnes à la fin du mois de mars, selon un article de Zhang Bin, économiste à l’Académie chinoise des sciences sociales. Des chiffres soutenus par d’autres experts.
10 % des travailleurs sans emploi
Si les autorités chinoises s’évertuent à cacher la réalité à sa population, c’est qu’elle dessine des perspectives bien plus inquiétantes. Cela voudrait dire que 10 % des personnes en Chine qui sont censées avoir un emploi sont en fait sans travail, indiquent les économistes de la Société Générale.
‘Le choc du Covid-19 sur le marché du travail est sans précédent par son ampleur, sa durée et sa nature’, écrivent les chercheuses Wei Yao et Michelle Lam. Les offres d’emploi ont déjà chuté de 28 % au cours du premier trimestre par rapport au quatrième trimestre de l’année dernière, selon une enquête récente de l’Institut chinois de recherche sur l’emploi et de Zhaopin.com. Et la concurrence est plus rude que jamais, le nombre de demandeurs d’emploi ayant fait un bond de près de 9 % au premier trimestre.
Mais cela n’empêche pas le Bureau national des statistiques de Chine d’affirmer que l’emploi reste ‘généralement stable’. ‘Bien que le coronavirus ait eu un impact sévère [sur l’emploi], il n’y a pas de licenciements massifs dans le pays’, a déclaré le porte-parole Mao Shengyong.
Un nombre record de diplômés
Par ailleurs, la situation ne risque pas de s’arranger de sitôt en Chine. 8,7 millions de personnes sortiront des universités cette année, un nombre record qui mettra encore davantage de pression sur le marché du travail.
Le déconfinement pourra toujours provoquer une certaine croissance en 2020, mais la reprise complète sera encore lente et longue. Sans parler d’une éventuelle seconde vague de coronavirus. Ces deux derniers jours, le nombre de cas de contaminations est ainsi reparti à la hausse dans le pays.