La ministre fédérale de la Santé s’exprimait ce matin au micro de la RTBF. Elle a prêché la prudence concernant l’évolution de la situation, et a une fois de plus rappelé l’importance de respecter les mesures de confinement.
Les chiffres sur l’évolution de l’épidémie en Belgique étaient hier peu rassurants. Le nombre d’hospitalisations dues au coronavirus a explosé, alors que l’on enregistrait 42 nouveaux décès. Le constat est clair: nous sommes encore loin d’atteindre le pic de l’épidémie. Mais Maggie De Block ne panique pas outre-mesure. Des mesures de confinement plus strictes ne sont pas encore à l’ordre du jour.
‘Il faut appliquer les mesures qui sont déjà en place, il est encore trop tôt pour savoir l’évolution du nombre de cas détectés et le nombre d’hospitalisations’, indique la ministre de la Santé à la RTBF. ‘On sait qu’il faut attendre 8 à 10 jours pour voir si les mesures sont efficaces. Je le répète: suivez bien les mesures mises en place, prenez soin de vous et réduisez vos contacts. C’est très important pour éviter que notre personnel soignant ait trop de patients en même temps dans nos hôpitaux.’
Maggie De Block a également réitéré sa confiance en l’institut Sciensano pour évaluer si de nouvelles mesures sont à prendre ou non. ‘Les experts font une évaluation de toutes les mesures et de ce qui se passe dans les hôpitaux. Il faut d’abord avoir cette analyse et puis on prendra des décisions. Je reste en contact régulier avec notre institut Sciensano et avec les analystes et je pense qu’il faudra être très prudent quand on arrêtera les mesures de confinement’, a-t-elle déclaré concernant le Conseil national de sécurité qui doit se tenir vendredi.
L’institut belge de la Santé révèle chaque jour son bulletin quotidien… Mais là aussi, les critiques fusent. Le monde scientifique convoite un accès complet aux données publiques pour mieux comprendre l’évolution de l’épidémie.
Quant à savoir s’il faut réduire encore l’activité économique aux seules entreprises essentielles, la ministre de la Santé indique que ‘poser la question, c’est y répondre’. Elle n’a donc pas le même avis que Jan Jambon (N-VA) qui voudrait voir certains travailleurs se remettre au boulot, car se mettre en chômage économique est ‘trop facile’.
Manque de moyens… et de consensus
L’Organisation mondiale de la santé appelait hier à des mesures plus fortes pour contre la pandémie qui fait des ravages. Notamment l’urgence de pratiquer des tests en masse sur la population. En Belgique, on met les bouchées doubles pour porter ce nombre de tests à 10.000 par jour, contre 2.500 actuellement. L’OMS précise bien que ces tests doivent également concerner les professionnels de la santé, mais Sciensano fait de la résistance.
‘Les cas confirmés chez les professionnels de santé ne doivent pas être déclarés sauf s’ils font partie d’un foyer dans une communauté résidentielle’, déclare l’institut public. De quoi déclencher la colère de l’Association belge des syndicats médicaux, l’Absym. ‘De nombreuses personnes actives dans le secteur de la santé, y compris des médecins, ont sans aucun doute été contaminées en raison de la forte pénurie d’équipement de protection. Il se peut donc que les médecins contaminent leurs patients sans en être conscients. ‘
Une fois n’est pas coutume, la ministre de la Santé a ici décidé de se ranger plutôt de l’avis de l’OMS. En faisant amende honorable quant à la pénurie de moyens… Enfin, à moitié. ‘Dans tout le pays, c’est le même problème, nous n’avons pas assez de moyens pour faire un testing généralisé. Il y a maintenant d’autres sortes de tests examinés par mon collègue Philippe De Backer, des tests basés sur la réaction des anticorps. Il y avait comme problème, qu’il y avait souvent des faux négatifs, on est train de régler cela et on aura ensuite la capacité de tester 10.000 personnes par jour. Et bien sûr, en priorité, le corps médical qui est en contact très proche avec les malades’, a-t-elle conclu.
Les tests devront donc bientôt englober une plus grande part de la population, notamment les centres de triage des médecins généralistes.
Données de géolocalisation
Le manque de moyens, c’est une excuse qui revient aussi concernant la possibilité de suivre ou non les cas positifs dans la population. La Commission européenne doit effectivement bientôt recevoir des ‘données de géolocalisation anonymisées’ de la part des opérateurs télécom pour anticiper les pics de propagation de l’épidémie. Le centre d’étude scientifique de la Commission, le JRC, devra s’en servir pour établir des algorithmes afin d’analyser la propagation du virus. Une surveillance qui est déjà de mise dans d’autres Etats européens.
Et en Belgique? ‘C’est aux Régions de prendre décision en la matière et pour l’instant les Régions n’ont pas les moyens nécessaires pour faire ce tracking des cas positifs, il faudra prendre des mesures’, indique Maggie de Block. La patate chaude est en cours de route.
‘Pas le temps de jouer les Caliméro’
Tout le monde ne jette pourtant pas la pierre à la ministre de la Santé… À commencer par la ministre de la Santé. ‘Non, nous n’avons pas sous-estimé l’ampleur de la crise’, affirme-t-elle à Sudinfo. ‘Nous avons toujours suivi les avis de nos experts scientifiques et pris les mesures qu’ils recommandaient quand ils le recommandaient. Ces mesures anticipent les faits’, se défend-elle. Ajoutant qu’elle ‘n’a pas le temps de jouer les Caliméro. […] Il est absolument nécessaire de communiquer honnêtement, clairement et sans ambiguïté.’
Elle peut ici s’appuyer sur le soutien prudent du Vice-Premier ministre David Clarinval. Il a bien reconnu qu’il y a eu des manquements: ‘une carence en différents produits, mais nous avons mis en place une taskforce avec cinq groupes de travail, pour accélérer les procédures d’achat de masques, mais aussi de respirateurs, de médicaments et de produits nécessaires’. Mais quant à savoir si la responsabilité des masques manquants est bien à rejeter sur Maggie de Block, le Vice-Premier indique qu’il est encore ‘trop tôt’ pour le juger.
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