Le responsable du Programme Alimentaire mondial (WFP, ou PAM) des Nations unies, David Beasley, affirme que les anciens chefs de l’État islamique qui sont parvenus à fuir la Syrie conspirent pour déclencher une nouvelle vague de migration à destination de l’Europe.
La coalition occidentale est parvenue à débusquer le soi-disant « califat », confiné désormais à une bande de territoire dans la vallée de l’Euphrate, proche de la frontière irakienne. Cependant, on dénombrerait encore 2200 combattants de l’État islamique retranchés à l’est de la Syrie.
Utiliser la faim comme arme
Selon Beasley, ces anciens gradés de l’État islamique cherchent à s’associer avec d’autres groupes extrémistes comme Boko Haram et Al Qaïda pour s’infiltrer dans les territoires des pays du Sahel et y déclencher une nouvelle vague de migration en exploitant le manque de nourriture.
« Mon commentaire à l’attention des Européens, c’est que si vous croyiez que vous aviez un problème avec une nation de 20 millions d’habitants comme la Syrie en raison de la déstabilisation et des conflits liés à la migration, attendez de voir ce qui se passera quand la région du Grand Sahel, avec ses 500 millions d’habitants, sera encore plus déstabilisée. C’est maintenant que la communauté européenne et la communauté internationale doivent se réveiller ».
Le manque de financements du WFP est une menace
Selon Beasley, les États-Unis vont porter à 3 milliards de dollars (environ 2,5 milliards d’euros) le financement qu’ils accordent au WFP. En 2016, ils lui avaient consacré 1,9 milliards de dollars (environ 1,6 milliard d’euros), une somme qui s’était avérée insuffisante. En conséquence, l’Agence avait dû revoir à la baisse les rations alimentaires partout dans le monde, et dresser des priorités.
Or, 5,6 millions de réfugiés, massés à la frontière sud de la Syrie, meurent actuellement de faim. « À l’intérieur de la Syrie, il nous manque 310 millions d’euros. Notre objectif est d’atteindre 4 millions de personnes, sur les 6,5 millions qui se trouvent en grave détresse alimentaire. Et à ce stade, nous n’en touchons que 3 millions, en raison du manque de ressources. Hors de la Syrie, en Turquie, en Jordanie, au Liban et en Libye, nos besoins de financement pour l’année 2018 sont de 1,38 milliard de dollars (environ 1,14 milliard d’euros), et sur cette somme il nous manque 340 millions de dollars (environ 281 millions d’euros). À ce stade, nous devrons stopper de donner la nourriture à 500 000 personnes en Jordanie à partir du mois de juin ».
La lassitude des donneurs
Selon Beasley, les problèmes de financement du programme sont liés à la lassitude des donneurs, en raison des nombreux conflits. On dénombre une vingtaine de pays en conflit prolongé, et le Grand Sahel est en effervescence. L’officiel se réjouit des efforts fournis par le Royaume-Uni et l’Allemagne, mais attend mieux de la France : « J’espère toujours que la France va augmenter ses efforts, elle ne l’a pas fait en ce qui nous concerne », dit-il.
« Mais on ne peut pas se permettre de laisser la Jordanie et le Liban se déstabiliser. Cela apportera un véritable chaos dans la région. Davantage de chaos mènerait à des conséquences prévisibles ».
Et de conclure : « La communauté internationale, en particulier les Européens, ont appris une leçon au tout début de la guerre de Syrie : si vous n’apportez pas la sécurité alimentaire, il y aura des conséquences indésirables. J’ai parlé à des gens, pas seulement Syrie, des femmes qui disent : ‘mon mari ne voulait pas rejoindre l’État islamique, mais nous n’avions rien à manger, nous n’avions pas le choix’. Ils ont une stratégie ».