Alexander De Croo (Open Vld), en visite en Chine pour deux jours, a obtenu ce qu’il était venu chercher : la levée des restrictions des exportations de porc vers la Chine. De quoi réduire (légèrement) la balance commerciale avec la Chine. Un triomphe diplomatique qui dénote avec la situation en Belgique, où les déclarations de Caroline Gennez (Vooruit), ministre de la Coopération au développement, ont jeté un froid avec notre plus grand partenaire commercial et la plus grande économie d’Europe : l’Allemagne.
- Alexander De Croo a posé les pieds à 10 heures, jeudi matin, sur le sol chinois, à Pékin. Voilà 8 ans qu’un Premier ministre belge n’avait pas effectué une visite officielle en Chine. Reçu en grande pompe, ce dernier a pris immédiatement la direction de la Cité interdite, fierté chinoise et passage presque obligé pour toutes les délégations. En compagnie de Hadja Lahbib, la ministre des Affaires étrangères, les deux officiels sont baladés en touriste dans la Cité vidée de ses touristes.
- Le convoi prend ensuite la route ornée de drapeaux belges pour rejoindre la toute nouvelle ambassade de Belgique à Pékin. Ils y sont reçus par le ministre chinois des Affaires étrangères en personne, Wang Yi. Le bâtiment est flambant neuf, assuré « zéro émission ».
- Mais le Premier ministre était venu chercher autre chose à Pékin. Les Chinois raffolent en effet des abats de porc. Problème : les exportations de pattes, têtes, oreilles et museaux de porc sont bloquées vers la Chine depuis 2018 et la peste porcine africaine.
- Ce nœud a visiblement rapidement été délié, ce vendredi matin : les ministres David Clarinval (MR) et Hadja Lahbib (MR) ont annoncé dans un communiqué triomphal la levée de l’embargo chinois sur les exportations de porc belge, ce qui montre à quel point l’agriculture peut peser dans la politique belge.
- « C’est une grande victoire pour nos agriculteurs. Rendre possible l’exportation de viande de porc belge vers la Chine était pour moi une des priorités de cette législature« , s’est enthousiasmé Clarinval, ministre de l’Agriculture.
- « Ce succès profite non seulement à nos éleveurs de porcs, mais il se traduit également par une augmentation des exportations et une amélioration de la balance commerciale avec la Chine« , a ajouté la ministre des Affaires étrangères.
- Mais que représente réellement cette filière ? La valeur de la production porcine en 2023 est estimée à 1,9 milliard d’euros. Si on y ajoute la transformation, en charcuterie par exemple, on atteint les 2,5 milliards d’euros. Tout ce beau monde représente à peu près 10.000 équivalents temps pleins et une production de 1.032.197 tonnes.
- Or les exportations de porc belge vers la Chine ont culminé à 5.994 tonnes en 2016, la moyenne se situant autour des 6.000 tonnes, avant l’embargo. Pas vraiment de quoi inverser la balance commerciale colossale de 27 milliards d’euros en faveur de la Chine, malgré l’enthousiasme surjoué des deux ministres.
- Qui plus est, ce triomphe pourrait être perçu comme mal placé, au vu du contexte géopolitique actuel. Avant même le début de la visite, des critiques se sont faites entendre, à la Chambre. La députée Els Van Hoof (cd&v) estimait que le timing était incertain, à quelques jours des élections à Taïwan : « Il ne faut pas donner l’impression de se ranger du côté de la Chine », affirmait-elle. Le même résonnement prévaut pour la situation en Ukraine, où la Chine s’est clairement positionnée en faveur de Poutine et de son « opération militaire spéciale ».
- En outre, alors que la Belgique mène la présidence tournante de l’UE, les petits profits belges en Chine semblent être un bien maigre résultat par rapport à la situation à Gaza, qui divise en ce moment même la Vivaldi, ici en Belgique.
L’essentiel : De Croo doit éteindre un incendie à distance, initié par son propre gouvernement.
- « Je veux prendre mes distances avec ses déclarations », a déclaré Alexander De Croo sur le sol chinois. Une interview dans Knack de Caroline Gennez est en effet en train de faire grand bruit dans les milieux diplomatiques. Elle y déclare que l’Allemagne ne devrait « pas se placer deux fois du mauvais côté de l’Histoire », et que Berlin ne devrait pas « se laisser mener par le bout du nez » par le gouvernement israélien.
- Cette comparaison douteuse avec la persécution des juifs durant la Seconde Guerre mondiale a été très mal reçue par l’ambassadeur allemand en Belgique, Martin Kotthaus. Sur X, ce dernier a personnellement répondu à la ministre de la Coopération au développement, insistant sur le fait que « Israël a le droit de se défendre contre la terreur persistante du Hamas » et que « plus de 100 otages sont toujours détenus », à Gaza, ajoutant que le gouvernement israélien « doit tout faire pour y protéger la population civile ».
- Interrogé à distance sur Radio 1, De Croo a estimé que « nous ne devrions pas critiquer les autres pays européens » et que nous devrions nous concentrer sur notre propre positionnement. « En tant que présidente de l’UE, la Belgique peut conduire les autres pays européens à parvenir à une position européenne unifiée. C’est la meilleure manière d’exercer une influence », a ajouté le Premier ministre.
- Rappelons que plusieurs membres de la Vivaldi chez Groen, au PS mais aussi au cd&v demandent à ce que le gouvernement se joigne à la plainte initiée par l’Afrique du Sud contre un possible génocide d’Israël à Gaza, devant la Cour internationale de Justice. Alexander De Croo n’a pas abordé ce sujet mais a rappelé que « notre pays a été l’un des premiers pays européens à souligner qu’il ne devrait plus y avoir de victimes civiles innocentes. D’autres pays nous ont suivi dans cette voie ».
- En attendant une prochaine réunion du kern à ce sujet, le Premier ministre veillera « à ce que les éventuels problèmes soient aplanis » avec l’Allemagne, notre plus grand partenaire commercial.