Le ministère allemand de l’Economie se dit désormais en faveur d’une révision du marché de l’électricité, où les prix sont couplés à ceux du gaz, qui explosent depuis deux ans. Une redistribution des surprofits vers les consommateurs est aussi en vue. Mais cela ne se fera pas tout de suite.
L’Europe est face à une crise énergétique. Et certains détails techniques aggravent encore cette crise. Le prix de l’électricité est en quelque sorte couplé au prix du gaz, en Allemagne mais aussi dans de nombreux autres pays. Cependant, le prix du gaz flambe : ce vendredi il a même dépassé les 340 euros le mégawattheure à la bourse d’Amsterdam, après avoir commencé la semaine à 260.
Une aberration, peut-il sembler, car le gaz ne représente qu’un cinquième de la production d’électricité sur le continent (15% en Allemagne), et que les autres sources d’électricité sont moins chères. Bref, depuis le début de l’inflation il y a un an, et surtout depuis la guerre en Ukraine, l’Europe veut réformer ce modèle.
Volte-face allemande
Seule l’Espagne et le Portugal ne suivent pas ce modèle, car leur réseau n’est quasi pas connecté au reste de l’Europe. Une réforme de ce modèle ne faisait pas l’unanimité en Europe et c’était surtout l’Allemagne qui semblait la plus réticente : un découplage se ferait notamment par l’instauration de différentes zones d’enchères à l’intérieur de ce vaste pays même. Le sud devrait payer beaucoup plus cher que le nord, car moins pourvu d’éoliennes et de panneaux solaires.
Mais ce vendredi, l’Allemagne semble avoir changé d’avis. « Nous voulons une réforme fondamentale pour découpler l’évolution des prix de détail de l’électricité de l’augmentation des prix du gaz », explique une porte-parole de Robert Habeck (écologiste), ministre de l’Economie et du Climat au Handelsblatt.
Le découplage des prix de l’électricité et du gaz (ou plutôt de la dernière unité de production de la chaine, voir ci-après) resterait bien en place. Mais ce que le ministre veut changer, ce sont les effets de ce couplage sur les consommateurs. Il voudrait aussi que les consommateurs puissent profiter du fait que le renouvelable produise de l’électricité de manière beaucoup plus abordable. La réforme prévoirait aussi que les « bénéfices excessifs » qui découlent de ce couplage puissent être rendus aux consommateurs.
Pas pour tout de suite
La porte-parole ajoute que la réforme ne se fera pas du jour au lendemain. Les prix sont en fait fixés par un modèle organisé en chaine. L’énergie la moins chère (l’éolien en ce moment) est la première à venir couvrir la demande. Puis viennent les plus chères, et la dernière à être utilisée est la plus chère. C’est actuellement l’électricité produite à partir du gaz. « Compte tenu de cette complexité, cette réforme est une réforme à moyen terme et complexe, car elle doit également impliquer les partenaires européens et le niveau européen », explique la porte-parole.
L’Allemagne travaille actuellement sur un troisième paquet d’aides face à la crise énergétique. Contrairement à une réforme du marché, une taxe sur les surprofits est une mesure bien plus simple à mettre en place. Mais selon le Handelsblatt, une telle taxe pourrait ne pas voir le jour dans ce paquet d’aides, car les libéraux, aussi membres du gouvernement, y seraient fortement opposés.
Et en Europe?
« Taxer les suprofits », voici également une mesure qui est discutée au niveau européen, dans le cadre de la crise des prix de l’énergie. Mais elle était loin de faire l’unanimité. Reste à voir si l’idée de réforme de Habeck est un ballon d’essai ou la véritable amorce d’un changement (et reste à voir comment ce semi-découplage sera mis en place).
Dans tous les cas, l’Allemagne est un interlocuteur important dans les discussions européennes – si la réforme est adoptée, elle pourrait donner des idées à d’autres pays. Mais ce n’est pas encore un plafonnement des prix comme le souhaite notamment le Premier ministre belge Alexander De Croo.