Les voitures chinoises bradées vont-elles inonder le marché européen ? « On ne comprend pas très bien comment ils arrivent à ces prix », avoue Didier Reynders

La Commission mène l’enquête, et elle trouve que les prix des voitures chinoises sont de plus en plus suspects. Elle prépare sa riposte.

Pourquoi est-ce important ?

L'Union européenne craint de tomber de Charybde en Scylla ; de passer de la dépendance aux hydrocarbures russes à celle aux batteries et aux voitures électriques chinoises. Or Pékin semble capable de saturer le marché avec des produits à très bas prix. À tel point que l'UE soupçonne la Chine de dumping, et envisage de riposter dans un rare moment de protectionnisme.

« On ne comprend pas très bien leurs prix »

La Commission européenne mène l’enquête : la Chine mise-t-elle sur les subsides à son industrie automobile pour s’octroyer des marchés ?

  • Parmi les nouveaux véhicules électriques vendus en Europe jusqu’à présent cette année, 8 % ont été fabriqués par des marques chinoises, contre 6 % l’an dernier et 4 % en 2021, selon le cabinet de conseil automobile Inovev.
  • L’UE craint de voir là une concurrence déloyale se déployer sous son nez. Car ces voitures chinoises sont bon marché : le prix moyen d’un VE en Chine était inférieur à 32.000 euros au premier semestre 2022 contre environ 56.000 euros en Europe. Même si les constructeurs chinois doivent adapter leurs prix pour se mettre aux normes européennes, la différence demeure.
  • Des prix difficilement explicables, selon le Commissaire européen à la Justice et à la concurrence, le Belge Didier Reynders. Interrogé sur BFM Business, celui-ci a évoqué l’enquête que mène actuellement la Commission européenne pour comprendre les secrets des voitures chinoises.

« On arrive à des prix dont on ne comprend pas très bien comment ils peuvent être composés, en fonction de l’évolution des salaires et de celle des prix des matières premières qui sont utilisées aussi en Chine. Il y a beaucoup d’investisseurs européens en Chine, donc on a quand même une assez bonne idée du marché. Y compris d’ailleurs dans le secteur automobile : il y a de grands groupes automobiles européens présents en Chine, on peut donc comparer les situations. »

Didiers Reynders interrogé sur BFM Business

Le plan européen

En résumé : l’UE n’a plus seulement des doutes, elle estime avoir des preuves. Pékin subsidie allègrement ses industriels capables de faire leur nid en Europe. Une crainte de dumping qui d’ailleurs ne concerne pas que l’automobile. Les secteurs solaire et éolien se sentent aussi menacés. D’autant que les mesures protectionnistes mises en place par Biden aux USA ont forcé les Chinois à se rabattre sur l’Europe.

  • La Commission envisage, si elle estime ses soupçons fondés, de mettre en place de nouveaux droits de douane. Thierry Breton, le commissaire européen chargé du Marché intérieur, estimait récemment que ceux-ci pourraient augmenter de 10, voire de 20%.
  • Il se fait là le partisan d’une ligne française très dure. L’Hexagone refuse ainsi obstinément toute inclusion des voitures chinoises dans les primes nationales à la décarbonisation. Mais le sujet ne fait pas l’unanimité en Europe.
  • Les Allemands, eux, ont beaucoup à perdre. BMW, Mercedes-Benz et Volkswagen écoulent toutes entre 37 et 40% de leurs ventes en Chine. L’année dernière, Volkswagen a investi 5 milliards d’euros pour accélérer son passage à l’électrique; des billes qui ont été placées en Chine. En cas de guerre commerciale franche entre l’UE et l’Empire du Milieu, le secteur automobile allemand se retrouvera en première ligne.
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