Dans l’Union européenne, certains pays ont un rapport malsain avec la surveillance de leurs citoyens

Après le scandale du logiciel espion Pegasus, l’année dernière, le Parlement européen a décidé de faire un peu le ménage dans les pratiques de surveillance mises en place par les États membres. Le résultat est sans appel : les Européens sont bien plus surveillés qu’ils ne l’imaginent, et dans un nombre bien plus important de pays qu’on pourrait l’imaginer dans une Union qui se veut démocratique.

Pourquoi est-ce important ?

En 2021 éclatait l'affaire Pegasus. Sous ce nom se cachait un logiciel de surveillance électronique mis au point par une firme israélienne pour le compte d’une dizaine de gouvernements. Celui-ci a permis de s'introduire dans les smartphones sous IOS et Android. Il accède aux fichiers, messages, photos et mots de passe, écoute les appels, et peut déclencher l'enregistrement audio, la caméra ou la géolocalisation. Vendu comme un moyen de surveiller les suspects de terrorisme, il a en fait été déployé pour espionner des journalistes, des diplomates et des opposants politiques.

Les faits : ce mardi a été présenté le premier rapport de la commission du Parlement européen chargée d’enquêter sur le scandale du logiciel espion Pegasus. Et les conclusions de Sophie In ‘t Veld, l’eurodéputée en charge du dossier, ne sont guère réjouissantes.

  • Selon ses conclusions, les logiciels espions sont systématiquement utilisés comme outil de contrôle dans certains pays de l’UE et une « profonde remise en question » de la gouvernance européenne est nécessaire pour protéger la démocratie.
  • L’eurodéputée a insisté : si certains pays semblent plus adeptes de la surveillance de leurs propres citoyens que d’autres, ça n’est pas une raison pour rejeter le problème à l’échelon des nations ; il s’agit bien d’une affaire d’ampleur européenne, et elle a appelé à « la réforme de la gouvernance de l’Union européenne, avec ou sans modification du traité ».

« Le scandale des logiciels espions n’est pas un scandale national. Il s’agit plutôt d’un scandale européen. Nous avons tendance à le regarder par le trou de serrure de la politique nationale. Mais si vous reliez les points, une autre image apparaît soudain, et vous voyez qu’il s’agit d’une affaire entièrement européenne… Des députés européens, des commissaires et des fonctionnaires de la Commission ont été visés. D’autre part, les auteurs de ces actes siègent également au Conseil européen. »

Sophie In ‘t Veld, citée par Euractiv
  • Le rapport met toutefois en lumière une liste de pays d’Europe où l’usage de moyens de surveillance électronique n’a rien d’exceptionnel. Des pays tels que la Hongrie et la Pologne, où la commission évoque un système méthodique « conçu pour contrôler, voire opprimer les citoyens. »
  • En Grèce aussi, ce genre de logiciel espion a été utilisé « de manière très systématique et à grande échelle, dans le cadre d’une stratégie politique. » La Cour suprême de Grèce a ordonné cette semaine une enquête sur l’utilisation des technologies de surveillance par l’État, après des mois de révélations sur l’utilisation de logiciels espions par les services de renseignement grecs contre des journalistes et des hommes politiques.
  • L’Espagne a aussi été citée, car le logiciel Pegasus a été utilisé pour surveiller les milieux indépendantistes catalans, mais aussi le président du gouvernement (Premier ministre) du pays, Pedro Sánchez.
  • Le rapport de la commission souligne que tous les pays de l’UE ont accès à des logiciels espions. Si les moyens de l’enquête n’ont pas permis d’examiner ce qui passe dans chacun d’entre eux, y compris en ce qui concerne les échanges de techniques ou de méthodes entre services de surveillance.

La Commission est très déterminée à lutter contre les attaques contre la démocratie venant de l’extérieur », a-t-elle déclaré. Mais lorsque les attaques contre la démocratie viennent de l’intérieur, la Commission reste silencieuse… Lorsque la menace contre la démocratie n’est pas un étranger lointain, mais les gouvernements des États membres de l’UE, la Commission a soudainement considéré que la défense de la démocratie européenne n’était plus une affaire européenne, mais une affaire des États membres. »

Sophie In ‘t Veld, citée par Euractiv
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