Une semaine de sursis pour Sarah Schlitz (Ecolo) : PS et MR donnent leur aval à une semaine qui s’annonce humiliante

Séance de jeudi agitée à la Chambre pour la secrétaire d’État à l’Égalité des genres et des chances. L’opposition demande sa démission, la majorité semble embarrassée. On reproche à l’écologiste d’avoir apposé son logo sur les documents de promotion des associations que son département finançait, ce qui est illégal. Pire, on l’accuse d’avoir menti, ce qui ne peut se solder que par une seule issue : la démission.

Dans l’actu : la séance agitée à la Chambre.

  • Sander Loones, député fédéral de la N-VA, a demandé ni plus ni moins la tête de Sarah Schlitz, en séance plénière à la Chambre, ce jeudi.
  • Mardi, devant la commission de contrôle des dépenses électorales, la secrétaire d’État avait reconnu « une maladresse », expliquant que l’apparition de son nom et de son logo dans les communications d’associations subsidiées n’était pas intentionnelle.
  • Mais le lendemain, un article de la DH vient semer le trouble. Le journal s’est procuré une copie d’un guide qui précise qu’il faut apposer le logo de la secrétaire d’État pour toucher des subsides dans le cadre de l’appel à projets « Tant qu’il le faudra », d’une enveloppe totale de 2 millions d’euros.
  • Entretemps, le guide a été modifié sur le site de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes (IEFH), un organisme qui a un double rôle : la promotion de l’égalité de traitement et un rôle administratif pour la secrétaire d’État. L’obligation d’apposer le logo n’y figure plus, mais l’appel à projets est lui clôturé depuis longtemps.
  • La secrétaire d’Etat a expliqué que cet organisme avait confondu son double rôle, mais qu’elle n’y était personnellement pour rien.
  • Ce qui aurait pu rester une « réprimande » de la commission de contrôle des dépenses électorales s’est alors transformé en un débat politique houleux.

En séance : le Premier ministre vient au secours de sa secrétaire d’État.

  • Une fois de plus, les échanges étaient tendus entre Alexander De Croo (Open VLD) et le député nationaliste Sander Loones. “Je constate que la secrétaire d’État a reconnu son erreur et s’est excusée”, a déclaré le Premier ministre, qui a rappelé que l’ancien ministre des Finances, Johan Van Overtveldt (N-VA), avait reçu une tape sur les doigts pour des faits similaires, en envoyant une lettre à tous les contribuables en son nom.
  • Sander Loones a répliqué, là où ça fait mal : « Premier, vous avez viré Eva De Bleeker parce qu’elle avait été honnête sur le budget, mais aujourd’hui, vous défendez votre secrétaire d’État qui a menti. Nous lui demandons de démissionner », a-t-il tancé, en référence à l’ancienne secrétaire d’État au budget, qui avait surévalué le déficit budgétaire au mauvais moment.
  • Sander Loones a donc déposé une motion pour faire démissionner la secrétaire d’Etat. Alors qu’on se dirigeait vers une affaire classée sans suite, les groupes parlementaires de la majorité ont suspendu la séance pour se réunir. Ils examineront finalement la motion de la N-VA la semaine prochaine.
  • Cela s’apparente à un sursis. Pour Belga, les chefs de groupe du PS et du MR Ahmed Laaouej et Benoît Piedboeuf s’en expliquent : « Nous avons entendu aujourd’hui les explications de la Secrétaire d’État. Si, dans les jours qui viennent, il y a le moindre élément matériel qui confirme qu’elle n’a pas dit la vérité, elle devra alors en tirer les conséquences. »
  • Même son de cloche du côté flamand, quoique plus direct : « Nous avons posé de nombreuses questions à Sarah Schlitz et elle a donné une explication. Nous lui apportons un soutien conditionnel, mais si de nouveaux faits émergent ou si sa version est erronée, elle devra faire un pas de côté”, a expliqué de son côté Maggie De Block, députée de l’Open VLD, sur la VRT.
  • Le tout reste une situation inédite : le groupe parlementaire de Sarah Sclitz, Ecolo/Groen refuse de retirer son soutien alors que les autres partis de la majorité doutent fortement. Dans tous les cas, avec ce « sursis », la majorité incite ouvertement l’opposition et la presse à fouiller plus loin.

Au sein du parti : Ecolo soutient sa secrétaire d’Etat.

  • Le co-président d’Ecolo, Jean-Marc Nollet, a aussi défendu sa collègue sur LN24 ce matin, estimant que Sarah Schlitz avait fait amende honorable, par deux fois, en s’excusant de cette « maladresse ».
  • « Il faut regarder aussi chez les autres et en particulier la N-VA. Je pense qu’on n’a pas de leçons à recevoir de leur part. » En sursis ? « Certains essayent de s’amuser. Mais le sursis est prévu par le règlement quand on dépose une motion. Entre 48 heures et une semaine. À moins de demander l’urgence. »
  • Reste que la révocation d’un ministre ou d’un secrétaire d’État est la prérogative d’un parti, en l’occurrence Ecolo. Mais personne dans la majorité ne voulait créer une crise gouvernementale là-dessus. Sarah Schiltz reste donc secrétaire d’État, en conditionnel.

L’essentiel : cela ronge l’image « propre » des Verts, au moment même où la déontologie s’enflamme, rue de la Loi.

  • Le timing pour Ecolo et Groen ne pouvait pas tomber plus mal : les révélations sur les pensions ont créé un climat particulièrement critique sur les us et coutumes de la caste politique. À cela s’ajoute une secrétaire d’Etat qui a clairement, mais surtout systématiquement, violé les règles de la communication gouvernementale, et qui n’a pas su réellement s’en expliquer.
  • Cette situation est diamétralement opposée à l’image que les Verts ont cultivée pendant des années. Une image selon laquelle ils ne s’engageraient pas dans la politique comme un parti traditionnel. « La politique autrement », un slogan qui colle aux basques d’Ecolo.
  • En outre, la position dure adoptée par Kristof Calvo (Groen) et Gilles Vande Burre (Ecolo) tout au long du scandale des pensions, avec une insistance répétée pour une réforme générale du statut, dénote forcément avec la polémique autour de Sarah Schlitz.
  • La communication de Schlitz n’a pas non plus été exemplaire par le passé. Dès le départ, sa lettre de présentation s’est avérée n’être rédigée qu’en français. On se souvient également de la nomination d’une commissaire au gouvernement portant le voile à l’Institut pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Cela avait créé une mini-crise politique et, in fine, à la démission de la concernée. Il y a enfin eu la participation de la secrétaire d’Etat à une marche où les hommes n’étaient pas les bienvenus.
  • Le MR de Georges-Louis Bouchez s’est à chaque fois jeté sur la polémique qui a pu crédibiliser la thèse de son président : les dérives woke du parti Ecolo. Ce n’est donc pas très étonnant, dans le cadre de cette polémique, que le parti libéral n’ait pas soutenu la secrétaire d’État.
  • Mais le fait que les socialistes aient, eux aussi, mis du sel sur la plaie est révélateur : depuis longtemps, les habitants du boulevard de l’Empereur en ont marre de devoir avaler les postures moralisatrices d’Ecolo et de Groen sur toutes sortes de dossiers.
  • Le fait est que d’autres secrétaires d’État ou ministres ont dû se contenter de beaucoup moins de soutien de leur parti. De Bleeker et Meryame Kitir (Vooruit), ancienne ministre des Affaires étrangères, n’ont pu sauver leur peau. La seule différence cruciale pour l’une comme pour l’autre : leur parti ne les soutenait plus.
  • On peut alors se demander si la secrétaire d’Etat Schlitz ne ferait pas mieux de faire un pas de côté si elle veut éviter à sa famille politique de subir d’autres dommages. Car la semaine à venir s’annonce clairement humiliante, avec l’opposition qui aiguise ses couteaux.
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