Le travail forcé des Ouïghours est une question imminemment politique depuis plusieurs mois. Alors que plusieurs pays ont condamné la Chine pour ce traitement, le Royaume-Uni pourrait être le premier pays à sanctionner les entreprises britanniques qui ont un possible lien avec cet esclavagisme moderne. Une première dans ce dossier.
Le Comité de stratégie commerciale, énergétique et industrielle du parlement britannique appelle à un renforcement de la loi sur l’esclavage moderne. En ligne de mire : la gestion critiquée internationalement de la population ouïghoure par le gouvernement chinois. Cette population musulmane de Chine serait enfermée dans des ‘centres de redressement’ où les détenus seraient exploités pour le compte de grandes entreprises.
Les noms de grosses sociétés ont notamment été dénoncés sur les réseaux sociaux et ont été accusés de participer à ce travail forcé : Apple, Nike, Puma, H&M, Nokia, BMW, Volkswagen et bien d’autres. Le Comité BEIS considère qu’il y a un véritable manque de transparence dans les chaînes d’approvisionnement des entreprises, explique la BBC.
Une première
C’est pourquoi il demande que toutes les entreprises qui ne peuvent pas prouver qu’elles n’ont pas de liens avec le travail forcé des Ouïghours soient sanctionnées. C’est la première fois dans le dossier des Ouïghours qu’un gouvernement s’attaquerait directement aux entreprises.
Les députés britanniques demandent qu’une liste blanche et une liste noire des entreprises soient créées. Ces listes permettraient de connaitre les groupes qui respectent et ne respectent pas les droits de l’Homme pendant toutes les étapes de fabrications de leurs produits.
Une position trop laxiste
Ces dernières semaines, Boris Johnson a souvent été critiqué par son manque de fermeté dans ses propos envers la Chine et la condition des Ouïghours. En janvier dernier, le Premier ministre britannique a dénoncé la ‘barbarie’ de Pékin face à cette communauté musulmane. Mais il a expressément demandé aux membres du parlement de ne pas tomber dans une ‘sinophobie irréfléchie’.
Aujourd’hui, le gouvernement fait face à une rébellion conservatrice, qui lui demande expressément qu’un ‘amendement génocide’ soit ajoutée au projet de loi sur le commerce. Le but est d’interdire les relations commerciales avec les pays accusés de commettre des atrocités sur certaines populations.
La position de Boris Johnson et de ses ministres sur la question est encore très floue. Le Royaume-Uni semble vouloir éviter la colère de Pékin et garder de bonnes relations commerciales. Un porte-parole du gouvernement aurait toutefois expliqué à la BBC que les ministres réfléchissaient à ‘introduire des sanctions financières pour organisations qui ne se conforment pas’ aux lois sur l’esclavage moderne et le travail forcé.
Que fait l’Union européenne ?
Au sein de l’Union européenne, il n’est pas encore question de sanctionner les entreprises qui participent de près ou de loin au travail forcé des Ouïghours. Toutefois, les autorités européennes ont décidé d’enfin agir : la semaine prochaine, des sanctions contre 4 responsables chinois devraient être votées dans le cadre de la répression contre les Ouighours et de la réforme législative à Hong Kong. La Chine a déjà rétorqué qu’elle ne se laisserait pas intimider et que l’UE devrait réfléchir ‘à deux fois’ avant de provoquer une telle confrontation.
En outre, la Commission européenne serait en discussion avec la Chine pour envoyer des ambassadeurs visiter la région du Xinjiang, où plus d’un million d’Ouïghours seraient détenus. Si l’ambassadeur de Chine à Bruxelles assure au média Euractiv que les négociations vont dans la bonne direction, ce n’est pas du tout l’avis de sources européennes. ‘Je ne pense pas qu’ils iront là-bas bientôt’, affirme un diplomate.
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